La forme d’un entremets glacé ne signifie pas au consommateur l’origine de l’entreprise qui le commercialise

La marque déposée qui a été annulée

Une société est titulaire en France d’une marque tridimensionnelle internationale déposée le 20 janvier 1999 sous priorité d’un dépôt Benelux du 15 septembre 1998 pour désigner en particulier des glaces et crèmes glacées.

La Cour de Paris annule ce dépôt en ce qu’il vise la France.

Par son arrêt du 1er mars 2011, la Cour de Cassation rejette le pourvoi :

« que l’arrêt, après avoir constaté que la marque en cause présente la forme d’un parallélépipède composé de trois couches allongées sinusoïdales entrecoupées par des couches plates, relève que cette forme très évocatrice de celle adoptée pour des cakes, vacherins ou bûches glacées comporte une superposition de couches avec des sinusoïdes ou vagues de matière crémeuse ; qu’il en déduit que le consommateur qui n’est pas habitué à ce que la forme d’un entremets glacé lui signifie l’origine de l’entreprise qui le commercialise, ne pouvait percevoir en 1998, dans cette seule différence décorative une indication d’origine ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel qui n’a pas exclu toute possibilité de déposer à titre de marque la forme d’un entremets glacé mais qui a pris en considération l’ensemble des caractéristiques de la forme en cause et précisé pourquoi le consommateur de référence n’était pas à même, sans faire preuve d’une attention particulière, de distinguer le produit concerné des entremets glacés commercialisés par d’autres entreprises, a légalement justifié sa décision ;

Produits de soin : l’interdiction absolue de vente sur Internet est-elle illicite ou bien le risque de l’augmentation de la contrefaçon pourrait-il la justifier ?

L’avocat général près de la CJCE vient de rendre ses conclusions, le 2 mars 2011,  à propos de l’interdiction absolue de vendre sur Internet les produits cosmétiques qu’impose le laboratoire Perre Fabre à ses distributeurs.

L’historique de cette affaire soumise au droit de la concurrence est suffisamment compliqué et détaillé à l’arrêt  pour s’y reporter.

Les biens en cause sont « des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle qui sont distribués dans le cadre de systèmes de distribution sélective et sont proposés à la vente avec l’avis d’un pharmacien ».

Pierre Fabre entend justifier principalement sa position :

«La conception de ces produits nécessite le conseil d’un spécialiste pharmacien du fait de l’activité de ces produits développés dans une optique de soin. (….) Nos produits répondent à des problématiques de eau particulières, comme des peaux intolérantes, avec un risque de réaction allergique. Nous considérons de ce fait que la vente sur Internet ne répondrait pas aux attentes des consommateurs et des professionnels de santé sur nos produits et par conséquent aux exigences que nous fixons dans nos conditions générales de vente. Ces produits sont aussi recommandés par le corps médical …»

L’avocat général retient que de tels ;

« produits n’étant pas répertoriés comme des médicaments et ne relevant pas, par conséquent, du monopole des pharmaciens, rien ne s’oppose à ce qu’ils soient librement commercialisés en dehors du circuit officinal« .

et de considérer :

qu’une interdiction générale et absolue de vendre sur Internet des biens aux utilisateurs finals, imposée aux distributeurs agréés dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, qui prévient ou restreint le commerce parallèle de façon plus extensive que les restrictions inhérentes à tout accord de distribution sélective et qui va au-delà de ce qui est objectivement nécessaire pour distribuer ces produits d’une manière appropriée au regard non seulement de leurs qualités matérielles mais aussi de leur aura ou image, a pour objet de restreindre la concurrence aux fins de l’article 81, paragraphe 1, CE

L’avocat général va aussi écarter successivement l’exemption au titre de l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999 en refusant d’assimiler l’interdiction de la vente sur Internet à « une interdiction  de déplacer ses locaux/point de vente sans l’autorisation préalable du fabricant » et l’exemption individuelle.

Mais tout n’est pas dit.  Pierre Fabre Santé invoque aussi « le risque accru de contrefaçons de produits en cas de vente sur Internet« .

Certes, l’avocat général indique ne pas être « persuadé que la distribution via Internet de produits contractuels d’un fabricant par un distributeur sélectionné puisse à elle seule aboutir à accroître la contrefaçon, ni que les effets négatifs de telles ventes ne puissent pas être contrecarrés par des mesures appropriées »

Mais il laisse à la Cour l’appréciation factuelle de cette question .

La question reste ainsi ouverte devant la Cour.

Conflit entre marques : distinction entre des services de vente sur Internet destinés aux professionnels

Arrêt du Tribunal dans l’affaire T 118/07.

La demande de marque pour sur des « « services de location de vidéos et de DVD ; location de magnétoscopes et de lecteurs DVD ; location de vidéos, DVD, magnétoscopes et lecteurs DVD en ligne via un réseau informatique mondial » »

L’opposant invoque son enregistrement au Portugal pour des services d' »Éducation, formation, divertissement, activités sportives et culturelles « .

Comment apprécier la similarité entre cette demande d’enregistrement et la marque antérieure : le débat porte sur le public pertinent.

La chambre de recours de l’OHMI a considéré que, pour les services visés par la demande de marque le public pertinent était un public professionnel ou un consommateur attentif .

« le terme « distribution » et la formulation « sur une base de partage des recettes ou de redevance d’utilisation », indiquaient clairement que ces services concernaient la livraison, le transport ou la vente de cassettes vidéo pour le compte d’entreprises offrant des cassettes et des bandes vidéo de ce type. D’après la chambre de recours, le consommateur moyen achète généralement ses cassettes et ses bandes vidéo en petites quantités et sans avoir recours aux services d’un distributeur. Enfin, la chambre de recours a précisé que le public professionnel était susceptible d’être particulièrement intéressé et attentif aux signes lors du choix des services en cause……. Pour les autres services visés par les marques en conflit, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était constitué de consommateurs moyens résidant au Portugal et censés être raisonnablement bien informés, attentifs et avisés »

La position du Tribunal est analogue :

Pour les « services de distribution de cassettes vidéo sur une base de partage des recettes ou de redevance d’utilisation ; distribution de bandes vidéo », ……………le public pertinent se compose du consommateur moyen de produits et de services de grande consommation. En effet, la circonstance que l’internet permette la commande de DVD ou des cassettes vidéo,lents à la vente par Internet  même en grandes quantités, ne saurait remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les services de distribution, éventuellement sur une base de partage de recettes ou de redevance d’utilisation, s’adressent à un public professionnel plus attentif que le consommateur moyen, et non à ce dernier. En effet, nonobstant la circonstance que le consommateur moyen peut commander de grandes quantités de DVD ou de cassettes vidéo par l’intermédiaire de l’internet ou que lesdits services sont disponibles sur l’internet, le consommateur moyen n’est ni le destinataire ni l’utilisateur ordinaire de tels services ».

Une partie des services de la marque antérieure portait sur « des services d’éducation, de formation, de divertissement et des services liés à des activités sportives et culturelles » qui ont été qualifiés  par le Tribunal comme destinés au grand public.

Or , le Tribunal a retenu que les services de la demande de marque sont destinés aux professionnels d’où un simple considérant pour écarter le risque de confusion :

« pour lesdits services adressés à des publics différents, il ne saurait exister de lien de complémentarité. En outre, dès lors que lesdits services s’adressent à des publics différents, ils ne sauraient être considérés comme substituables ni, par conséquent, comme concurrents « 

Pour les services qui dans les deux marques visaient des publics professionnels :

« Pour la partie des services couverts par la marque antérieure qui sont destinés à un public professionnel, il y a lieu d’apprécier le lien qui peut exister entre ces services et les services de distribution couverts par la marque demandée. À cet égard, il peut être estimé que le public professionnel ne considérera pas les services de distribution de cassettes vidéo sur une base de partage des recettes ou de redevance d’utilisation ou de distribution de bandes vidéo comme importants pour la fourniture de services d’éducation, de formation et de divertissement ainsi que pour la fourniture de services liés à des activités sportives et culturelles ou inversement, au point de penser que la fourniture de ces services incombe à la même entreprise. En effet, il peut être considéré que les professionnels estimeront, sur la base de leur expérience, que la fourniture de services de distribution de cassettes ou de bandes vidéo peut se faire de manière autonome par rapport à la fourniture de services d’éducation, de formation, de divertissement et de ceux liés à des activités sportives et culturelles.

La demande de marque porte sur le signe « PPT », la marque antérieure est composée des lettres PPTV surmontées d’un élément figuratif une sorte de boule

Sur la comparaison de signes, le Tribunal retient que TV est compris comme signifiant la télévision  : pptv se prononce « pp » « tv ».

« Au vu des éléments qui précèdent et en tenant compte de la circonstance que l’élément verbal de la marque antérieure se termine par la combinaison de lettres « tv », …………l’élément verbal de la marque antérieure était perçu par le public pertinent comme la combinaison de deux suites de lettres, à savoir « pp » et « tv », nonobstant l’absence de séparation visuelle entre lesdites suites. »

Construction de la marque antérieure qui est retenue également pour écarter le risque de confusion phonétique :

le public pertinent percevra, lors de la prononciation de la marque antérieure, la suite de lettres « tv » de la marque antérieure comme l’abréviation du mot « télévision ».

La présence de l’élément figuratif sur la marque opposée complétera la motivation du Tribunal pour rejeter l’opposition

« Ccette comparaison révèle également que la marque antérieure se distingue de la marque demandée, d’une part, par la présence de la lettre « v » à la suite des lettres « p », « p » et « t » et, d’autre part, par l’élément figuratif représentant une boule striée dans un carré repris au-dessus des lettres majuscules « PPTV » de l’élément verbal. Cet élément figuratif, bien qu’il ne soit pas dominant, ne peut être considéré comme entièrement négligeable, de sorte que l’appréciation de la similitude des signes en conflit ne peut se faire sur la seule base de l’élément verbal dominant »

Preuve de l’usage de la marque, une analyse des documents qui remontent à plus de 10 ans

L’arrêt de la CJCE du 18 janvier 2011, T 382/08, invite l’OHMI à examiner document par document les pièces invoquées par l’opposant au dépôt de la marque communautaire

Disons- le tout de suite, les preuves d’usage seront jugées insuffisantes par la Cour qui annulera la décision de l’Office.

Notons aussi que la demande de marque remonte au …..1er avril 1996, les péripéties et autres recours qui se sont accumulés depuis justifieraient à eux seuls un long article…Cette demande n’aurait donc pas encore été enregistrée qu’elle aurait dû être renouvelée.

Limitons-nous à la question des preuves d’usage de la marque qui était opposée, et qui se rapportaient à son emploi pour désigner des chaussures.

La Cour rappelle la règle de droit :

« En vertu de la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95, tel que modifié, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure. »

Puis l’interprétation de cette règle :

« Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque …. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle que protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur »

La période sur laquelle l’opposant devait fournir ses preuves : du 13 septembre 1994 au 12 septembre 1999, car autre source d’étonnement la publication de cette demande de 1996 n’est intervenue que le 13 septembre 1999.

Différentes preuves étaient produites : des déclarations provenant de quinze fabricants de chaussures, une déclaration du « managing partner » de l’opposante datée du 12 septembre 2001, des copies de quelque 670 factures adressées à l’opposante par des fabricants de chaussures, 35 photographies de modèles de chaussures portant la marque VOGUE, 12 semelles intérieures de chaussures portant la marque VOGUE, des photographies de magasins portant le nom commercial VOGUE, des copies de répertoires téléphoniques couvrant la période 1999-2000, mentionnant deux magasins situés à Porto (Portugal) avec indication de l’expression « sapataria vogue ».

A propos des attestations.

« il y a lieu de relever que ni les déclarations des quinze fabricants de chaussures ni celle du « managing partner » ne font mention d’indications relatives à l’importance de l’usage. Dans ces conditions, ces déclarations ne sauraient constituer, à elles seules, une preuve suffisante de l’usage sérieux de la marque antérieure. »

Pour les photographies des chaussures :

« Des photographies de modèles de chaussures portant la marque VOGUE et des semelles de chaussures portant la marque VOGUE. Même si ces éléments peuvent avoir pour effet de corroborer la « nature » (chaussures) de l’usage de la marque antérieure, ils n’apportent en revanche aucun élément permettant de corroborer le lieu, la durée ou l’importance de l’usage »,

Quant aux photographies de magasins de chaussures portant le nom VOGUE et des copies de répertoires téléphoniques couvrant la période 1999-2000, lesquelles mentionnent deux magasins situés à Porto avec indication de l’expression « sapataria vogue »:

« ces éléments ne corroborent ni la nature, ni la durée, ni l’importance, ni même le lieu de l’usage de la marque. En effet, il ne résulte d’aucun de ces éléments avancés par l’opposante en vue de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure que lesdits magasins commercialisaient des chaussures portant la marque antérieure. Les photographies de magasins portant le nom VOGUE ne font pas apparaître que les chaussures exposées en vitrine sont des chaussures portant la marque antérieure ».

Avec ses factures, l’opposant saura-t-il convaincre la Cour ?

« Quant aux copies des quelque 670 factures adressées à l’opposante par des fabricants de chaussures et couvrant l’ensemble de la période pertinente, il y a lieu de constater, comme l’a relevé la division d’opposition, qu’aucune d’entre elles ne fait mention de chaussures de marque VOGUE et qu’elles sont dès lors impuissantes à prouver que l’opposante vendait effectivement des chaussures portant la marque antérieure. Lorsque le mot « vogue » apparaît sur lesdites factures, il est généralement accolé au nom de l’opposante pour désigner le nom commercial VOGUE-SAPATARIA. »

Et à propos de ces factures, la Cour précise encore :

« à supposer même que les quelque 670 factures adressées à l’opposante par les fabricants de chaussures concernent des chaussures portant la marque VOGUE, force est de constater que lesdites factures sont relatives à la vente de chaussures à l’opposante, non à la vente, aux consommateurs finaux, de chaussures portant la marque VOGUE.

Marque France ou Made in France ?

Qu’entendons-nous par la marque France ?

Une question écrite posée par M. Jean- Claude Guibal, député, et la réponse qui lui a été donnée apportent des débuts de réponses.

La question M. Jean-Claude Guibal attire l’attention de M. le ministre chargé de l’Industrie sur la nécessité de créer une marque France. Ainsi, selon une étude réalisée par Viavoice, 64 % des Français pensent que leur pays est de moins en moins performant et attendent que les entreprises véhiculent une meilleure image de la France. Il ne s’agirait pas seulement de valoriser les produits et services vendus. Il s’agirait plutôt de présenter les atouts des entreprises françaises pour l’économie et la société : croissance, emploi, innovation. Parmi les pistes évoquées, figure la « renaissance » de la marque France, pour que le consommateur puisse savoir si un produit est fabriqué en France ou ailleurs, notamment par une identification visuelle. Ainsi il apparaît que le concept de marque doit être fédérateur et non plus dilué dans les différentes appellations (NF, Fabriqué en France, République française ou Rendez-vous en France). En conséquence, il lui demande si le Gouvernement, à l’issue des états généraux de l’Industrie, entend créer cette marque France.

Réponse. La protection et la valorisation du made in France sont une préoccupation majeure du Gouvernement. M. Yves Jego, député de Seine-et-Marne, a été chargé d’une mission de réflexion sur l’évolution du label made in France par le président de la République.

L’enjeu est triple :

– renseigner les consommateurs sur l’origine française des produits,

– en faire un argument de vente,

– et mettre en valeur les entreprises qui ont fait des choix vertueux en matière sociale ou environnementale.

Il a remis son rapport au Président le 6 mai 2010. Ses recommandations s’articulent autour de dix propositions et notamment la clarification de la définition et du contrôle du made in France et l’introduction d’un système de classement à étoiles, l’obligation de marquage d’origine au niveau communautaire pour l’ensemble des produits mis sur le marché, la mise en place d’un label d’origine, sur une base volontaire, porteur des valeurs du made in France et notamment la transparence vis-à-vis du consommateur, la mise en place d’une carte d’identité des produits. Dans le prolongement de ce rapport, une mission administrative spécifique, chargée de préparer les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des propositions du rapport, a été mise en place par le ministre chargé de l’Industrie, en lien avec M. Jego. Les travaux se dérouleront d’ici la fin de l’année 2010 avec l’appui des services du ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi. Elle étudiera,notamment, les évolutions législatives ou réglementaires nécessaires pour assurer les textes sur la transparence et la traçabilité et agira auprès de la Commission européenne en faveur de la révision de la réglementation européenne sur le marquage d’origine, en lien avec l’ambassadeur de l’industrie et en concertation avec les professions ; les réflexions qui nécessitent une approche par filière pourront être traitées au sein des comités stratégiques de filières qui seront tous installés d’ici la fin 2010, à la suite des états généraux de l’industrie.

Si le régime de la marque devait s’appliquer, faudrait-il songer à celui des marques collectives, ou plus particulièrement à celui des marques collectives de certifications ?