Marque enregistrée et caractère trompeur, une basse-cour n’est pas qu’un bâtiment où sont enfermées les poules.

Le choix d’une marque ne se limite pas à apprécier sa validité au regard des critères du Code de la Propriété intellectuelle.

Les circonstances de l’emploi d’une marque même enregistrée peuvent être qualifiées du délit de publicité mensongère prévu par l’article L. 121-1 du code de la consommation (ancien) et de pratiques commerciales trompeuses au sens de l’article L. 121-1 2° b du même code.

Une illustration en est donnée par l’arrêt du 4 décembre 2012 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi contre l’arrêt d’appel de RENNES, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 2012 où la marque déposée est « les oeufs de basse-cour », dénomination pour laquelle les dictionnaires donnent des définitions sensiblement différentes.

Nous en reprenons les termes.

« la SAS ….  dont M. X… est le représentant légal, a commercialisé entre le 2 novembre et le 24 décembre 2007, dans les départements des Côtes d’Armor, du Finistère et du Morbihan, des oeufs issus de « poules élevées au sol », selon la définition et les conditions fixées pour ce mode d’élevage par la règlementation européenne- dans des emballages comportant :
– le logo « l’oeuf de nos villages » représentant un oeuf entouré d’épis de blé,
– une image centrale représentant deux poules évoluant sur un sol sableux ou gravillonné de couleur marron, précédée au-dessus, de la dénomination en arc de cercle et en lettres majuscules de 10 et 8 mm, «les oeufs de basse-cour», et suivie au-dessous de l’image, dans la même forme et en lettres majuscules de 7 mm, de la mention obligatoire exigée par le règlement CE : « poules élevées au sol » ; que si la SAS ….. justifie avoir modifié à la suite de sa précédente condamnation, la présentation des emballages utilisés pour la commercialisation des œufs issus de « poules élevées au sol », en supprimant, d’une part, l’image de l’éleveur portant une poule dans ses bras et la phrase, « dans nos élevages, nos poules s’ébrouent, volent, déambulent, grattent, se perchent et accèdent librement à leur nid », et en modifiant, d’autre part, le style, les caractères et la forme de la mention « poules élevées au sol  … [ Elle ]a maintenu dans sa nouvelle présentation, la dénomination « les oeufs de basse-cour »

Or, les normes de commercialisation des oeufs fixées par le règlement CE, distinguent quatre catégories d’oeufs en fonction des conditions de vie et du mode d’élevage des poules pondeuses ; qu’il existe ainsi selon ces normes :
– les oeufs de poules élevées sous le mode agrobiologique,
– les oeufs de poules élevées en plein air,
– les oeufs de poules élevées au sol,
– les oeufs de poules élevées en cage.
que chaque type d’élevage présente ainsi des caractéristiques différentes, en fonction des conditions de vie minimales des poules et de leur alimentation, qui sont strictement définies par le règlement. »

Mais la dénomination « les oeufs de basse-cour » est une marque déposée à l’INPI, et un des moyens du pourvoi porte sur l’existence de cet enregistrement :

« 2) alors que l’utilisation d’une marque déposée à l’INPI n’est susceptible de constituer une pratique commerciale trompeuse que lorsque les signes de la marque sont, en eux-mêmes, susceptibles d’induire le consommateur en erreur sur l’origine ou les qualités substantielles du bien ; que tel n’est pas le cas du terme «basse-cour», lequel renvoie, selon les propres constatations de l’arrêt attaqué au bâtiment dans lequel sont hébergées les volailles, ce qui représente la caractéristique essentielle de l’élevage au sol ; qu’en affirmant, néanmoins, que la dénomination « les oeufs de basse-cour » était susceptible de tromper le consommateur sur les caractéristiques essentielles du mode de production des oeufs de poules élevées au sol, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et privé sa décision de toute base légale’

Le pourvoi est rejeté contre l’arrêt de la Cour qui avait confirmé le jugement :

« que le tribunal a justement retenu en l’espèce que le maintien sur les emballages d’oeufs issus de « poules élevées au sol », de la dénomination « les oeufs de basse-cour », apposée, au dessus de l’image représentant deux poules seules évoluant sur un sol sableux ou gravillonné, était de nature à induire les consommateurs en erreur et à créer notamment une confusion entre deux catégories d’..ufs issus de modes d’élevage distincts à savoir, les oeufs issus de « poules élevées au sol », et les oeufs de « poules élevées en plein air » ; qu’en effet, si le terme « basse cour » peut s’employer pour désigner le bâtiment dans lequel sont hébergées les volailles, il évoque aussi au sens commun du terme et dans le langage courant, la cour de la ferme ou du bâtiment qui dans l’élevage traditionnel, permet aux poules d’évoluer en liberté sur un espace de plein air ; que si le laboratoire d’analyse de la langue française se réfère seulement, pour la définition du terme « basse cour », à la notion de bâtiment, les dictionnaires usuels « Larousse » et « Littré », emploient à la fois pour définir la «basse-cour», les deux termes de « cour » et « bâtiment », précisant ainsi dans leur définition : « cour, bâtiment d’une ferme… » (Larousse) ou «ensemble de bâtiments et cours… » (Littré) ; que la dénomination « les oeufs de basse-cour » – que la SAS ……  reconnaît apposer sur les seuls emballages réservés à la commercialisation des oeufs issus des «poules élevées au sol » – présente au regard notamment de ces deux définitions, un caractère manifestement équivoque, qui est susceptible de créer une confusion entre le mode d’élevage des « poules élevées en plein air » et le mode d’élevage des « poules élevées au sol », dès lors que si cette dénomination peut évoquer « le bâtiment » où est hébergé la volaille, qui est la caractéristique essentielle de l’élevage au sol, elle évoque aussi « la cour », c’est-à-dire « un espace de plein air » qui est la caractéristique essentielle de l’élevage « de plein air » permettant précisément de la différencier de l’élevage « au sol » ; qu’en effet, si ces deux modes d’élevage ont des caractéristiques communes tenant notamment, aux conditions d’hébergement des poules au sein d’un bâtiment clos, leurs caractéristiques essentielles obéissent à des règles strictement différentes ; que les « poules élevées au sol » vivent en claustration à la lumière artificielle, dans un bâtiment fermé d’où elles ne sortent jamais alors que « poules élevées en plein air », si elles sont aussi hébergées dans un bâtiment, peuvent sortir à l’extérieur et accéder à un espace clos, de « plein air » sur lequel elles peuvent à l’air libre, déambuler en liberté, gratter et picorer ; que par conséquent, la référence faite par la SAS …. à la notion de « basse-cour » sur les emballages des oeufs issus de « poules élevées au sol », renforcée par l’image de deux poules paraissant évoluer seules, en liberté, sur un sol sableux, tend à accréditer l’idée – contrairement aux véritables conditions de vie des poules « élevées au sol », qui sont enfermées dans un bâtiment- que les oeufs qu’elle commercialise sous la dénomination « les oeufs de basse-cour », sont issus d’un élevage plus respectueux de la tradition, dans lequel les poules peuvent quitter leur bâtiment et accéder à un espace clos de « plein air », comme dans l’élevage de « plein air » et à créer ainsi une confusion dans l’esprit du consommateur entre deux modes de production différents ».

Dépôt de marque à l’INPI : une signature scannée ne remplit pas les exigences de la signature électronique

Le dépôt de marque par voie électronique s’est généralisé devant les offices de propriété industrielle.

Un arrêt du 12 décembre 2012 de la  Cour d’Appel de Fort de France attire l’attention sur le soin à apporter à ce dépôt de marque par voie électronique à l’INPI en particulier sur sa signature par le déposant  ou son mandataire.

 

M. X dépose une marque. L’arrêt indique que ce dépôt a été effectué sans signature électronique.

9 janvier 2012, l’INPI demande de régulariser cette demande d’enregistrement par une signature manuscrite. Mais cette  régularisation n’intervient pas.

25 avril 2012, Le Directeur de l’INPI rejette la demande d’enregistrement

D’où le recours de M . X ….. que la Cour rejette :

« Lors des vérifications effectuées sur la demande déposée par Maxime X… par voie électronique, il a été relevé que cette demande n’était pas revêtue de la signature électronique (absence de production de certificat électronique). Invité à régulariser en transmettant par voie postale une version imprimée revêtue de cette signature manuscrite, Maxime X… s’est alors contenté de retourner un exemplaire revêtu d’une signature scannée. Si la mention écrite par la partie qui s’engage n’est plus nécessairement manuscrite, elle doit toutefois résulter des procédés d’identification conformes aux règles qui gouvernent la signature électronique ; or, la seule signature scannée de Maxime X… est insuffisante pour s’assurer de l’authenticité de son engagement juridique comme ne permettant pas une parfaite identification du signataire ; aussi faute par le requérant d’avoir régularisé sa demande dans les formes et délais requis, son recours sera rejeté …… »

La marque communautaire est enfin libérée des frontières des Etats par l’arrêt du 19 décembre 2012 de la Cour de Justice

Le 19 décembre 2012, la Cour de Justice a rendu un arrêt sur « l’usage sérieux » de l’article 15 paragraphe 1 du règlement communautaire n° 207/2009.

Affaire C‑149/11, sur une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Gerechtshof te ’s-Gravenhage (Pays-Bas), par décision du 1er février 2011, parvenue à la Cour le 28 mars 2011, dans la procédure Leno Merken BV contre

Hagelkruis Beheer BV,

Cet arrêt est important en ce qu’il dit clairement qu’en matière de marque communautaire il n’y a pas lieu de tenir compte des frontières des États.

 

28      La Cour a déjà interprété la notion d’«usage sérieux» dans le cadre de l’appréciation de l’usage sérieux des marques nationales dans les arrêts précités Ansul et Sunrider/OHMI ainsi que dans l’ordonnance La Mer Technology, précitée, en considérant qu’il s’agit d’une notion autonome du droit de l’Union qui doit recevoir une interprétation uniforme.

29      Il résulte de cette jurisprudence qu’une marque fait l’objet d’un «usage sérieux» lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêts, précités Ansul, point 43, et Sunrider/OHMI, point 70, ainsi que ordonnance La Mer Technology, précitée, point 27).

30      La Cour a également relevé que l’importance territoriale de l’usage n’est que l’un des facteurs, parmi d’autres, devant être pris en compte pour déterminer si cet usage est sérieux ou non (voir arrêt Sunrider/OHMI, précité, point 76).

31      Cette interprétation est applicable par analogie aux marques communautaires dans la mesure où, en exigeant qu’un usage sérieux soit fait de la marque, la directive 2008/95 et le règlement n° 207/2009 poursuivent le même objectif.

32      En effet, il résulte tant du considérant 9 de ladite directive que du considérant 10 dudit règlement que le législateur de l’Union a entendu soumettre le maintien des droits liés à la marque, respectivement, nationale et communautaire, à la condition qu’elle soit effectivement utilisée. Ainsi que le relève Mme l’avocat général aux points 30 et 32 de ses conclusions, une marque communautaire qui n’est pas utilisée pourrait faire obstacle à la concurrence en limitant l’éventail des signes qui peuvent être enregistrés par d’autres en tant que marque et en privant les concurrents de la possibilité d’utiliser cette marque ou une marque similaire lors de la mise sur le marché intérieur de produits ou de services identiques ou similaires à ceux qui sont protégés par la marque en cause. Par conséquent, le non-usage d’une marque communautaire risque également de restreindre la libre circulation des marchandises et la libre prestation des services.

33      Il convient toutefois de tenir compte, lors de l’application par analogie aux marques communautaires de la jurisprudence rappelée au point 29 du présent arrêt, de la différence entre l’étendue territoriale de la protection conférée aux marques nationales et celle de la protection accordée aux marques communautaires, différence qui résulte, d’ailleurs, du libellé des dispositions relatives à l’exigence d’usage sérieux respectivement applicables à ces deux types de marques.

34      Ainsi, d’une part, l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 dispose que, «si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque communautaire n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage». D’autre part, l’article 10 de la directive 2008/95 pose en substance la même règle s’agissant des marques nationales, tout en prévoyant qu’elles doivent faire l’objet d’un usage sérieux «dans l’État membre concerné».

35      Cette différence quant à l’étendue territoriale de l’«usage sérieux» entre les deux régimes des marques est soulignée, en outre, par l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009. Celui-ci prévoit que la règle énoncée au paragraphe 2 du même article, à savoir que, en cas d’opposition, le demandeur d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté, est également applicable aux marques nationales antérieures, «étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée».

36      Il convient cependant d’observer que, ainsi qu’il découle de la jurisprudence rappelée au point 30 du présent arrêt, l’étendue territoriale de l’usage constitue non pas un critère distinct de l’usage sérieux, mais l’une des composantes de cet usage, qui doit être intégrée dans l’analyse globale et être étudiée parallèlement aux autres composantes de celui-ci. À cet égard, les termes «dans la Communauté» visent à préciser le marché géographique de référence pour toute analyse de l’existence d’un usage sérieux d’une marque communautaire.

37      Il y a donc lieu, afin de répondre aux questions posées, de rechercher ce que recouvre l’expression d’«usage sérieux dans la Communauté», au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.

38      Le libellé de ladite disposition ne contient aucune référence au territoire des États membres. En revanche, il ressort clairement de celle-ci que la marque communautaire doit être utilisée dans la Communauté, ce qui signifie, en d’autres termes, que l’usage de cette marque dans des États tiers ne peut pas être pris en compte.

39      En l’absence d’autres précisions dans l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, il convient de tenir compte du contexte dans lequel s’inscrit cette disposition ainsi que du système établi par la réglementation en cause et des objectifs poursuivis par celle-ci.

40      S’agissant des objectifs poursuivis par le règlement n° 207/2009, il résulte d’une lecture combinée de ses considérants 2, 4 et 6 que celui-ci vise à lever l’obstacle de la territorialité des droits que les législations des États membres confèrent aux titulaires des marques en permettant aux entreprises d’adapter leurs activités économiques aux dimensions de la Communauté et de les exercer sans entraves. La marque communautaire permet ainsi à son titulaire d’identifier ses produits ou ses services de manière identique dans l’ensemble de la Communauté, sans considération des frontières. En revanche, les entreprises qui ne désirent pas une protection de leurs marques à l’échelle de la Communauté peuvent choisir d’utiliser des marques nationales, sans être obligées de déposer leurs marques en tant que marques communautaires.

41      Pour réaliser ces objectifs, le législateur de l’Union a prévu, à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec le considérant 3 de celui-ci, que la marque communautaire a un caractère unitaire, qui se traduit par le fait qu’elle jouit d’une protection uniforme et produit les mêmes effets sur l’ensemble du territoire de la Communauté. Elle ne peut, en principe, être enregistrée ou transférée, faire l’objet d’une renonciation, d’une décision de déchéance des droits de son titulaire ou de nullité et son usage ne peut être interdit que pour l’ensemble de la Communauté.

42      La finalité du système des marques communautaires est donc, ainsi que cela ressort du considérant 2 de ce règlement, d’offrir sur le marché intérieur des conditions analogues à celles qui existent dans un marché national. Dans ce contexte, considérer qu’il convient de conférer, dans le cadre du régime communautaire des marques, une signification particulière aux territoires des États membres ferait échec à la réalisation des objectifs précisés au point 40 du présent arrêt et porterait préjudice au caractère unitaire de la marque communautaire.

43      Certes, il résulte de l’examen systématique du règlement n° 207/2009 qu’il est fait référence au territoire de l’un ou de plusieurs États membres dans le texte de certaines de ses dispositions. Cependant, il importe de relever que de telles références sont faites notamment dans le contexte de marques nationales, dans les dispositions relatives à la compétence et à la procédure concernant les actions en justice portant sur les marques communautaires ainsi que dans les règles portant sur l’enregistrement international, alors que l’expression «dans la Communauté» est généralement utilisée en relation avec les droits conférés par la marque communautaire.

44      Il résulte des considérations qui précèdent que, pour apprécier l’existence d’un «usage sérieux dans la Communauté», au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il convient de faire abstraction des frontières du territoire des États membres.

45      Cette interprétation ne saurait être infirmée par la déclaration commune dont il a été fait état au point 23 du présent arrêt et aux termes de laquelle «un usage sérieux au sens de l’article 15 dans un seul pays constitue un usage sérieux dans la Communauté» ni par les directives de l’OHMI relatives à la procédure d’opposition qui contiennent en substance la même règle.

46      D’une part, quant à la déclaration commune, il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsqu’une déclaration inscrite à un procès-verbal du Conseil ne trouve aucune expression dans le texte d’une disposition de droit dérivé, elle ne saurait être retenue pour l’interprétation de cette dernière (voir arrêts du 26 février 1991, Antonissen, C‑292/89, Rec. p. I-745, point 18; du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, Rec. p. I‑3793, point 25; du 10 janvier 2006, Skov et Bilka, C-402/03, Rec. p. I-199, point 42, ainsi que du 19 avril 2007, Farrell, C‑356/05, Rec. p. I‑3067, point 31).

47      Le Conseil et la Commission ont d’ailleurs expressément reconnu cette limitation dans le préambule de ladite déclaration, selon laquelle «[l]es déclarations du Conseil et de la Commission dont le texte figure ci-dessous ne faisant pas partie du texte législatif, elles ne préjugent pas de l’interprétation de ce dernier par la Cour».

48      D’autre part, en ce qui concerne les directives de l’OHMI, il y a lieu de relever que celles-ci ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union.

49      De même, l’affirmation, avancée par certains intéressés ayant déposé des observations dans le cadre de la présente procédure, selon laquelle l’étendue territoriale de l’usage d’une marque communautaire ne peut en aucun cas être limitée au territoire d’un seul État membre ne saurait non plus prospérer. Cette affirmation est fondée sur l’article 112, paragraphe 2, sous a), du règlement no 207/2009 aux termes duquel il est possible de transformer une marque communautaire, dont le titulaire a été déchu de ses droits pour défaut d’usage, en une demande de marque nationale si, «dans l’État membre pour lequel la transformation a été demandée[,] la marque communautaire [a été] utilisée dans des conditions qui constituent un usage sérieux au sens de la législation dudit État membre».

50      Or, s’il est certes justifié de s’attendre à ce qu’une marque communautaire, en raison du fait qu’elle jouit d’une protection territoriale plus étendue qu’une marque nationale, fasse l’objet d’un usage sur un territoire plus vaste que celui d’un seul État membre pour que celui-ci puisse être qualifié d’«usage sérieux», il n’est pas exclu que, dans certaines circonstances, le marché des produits ou des services pour lesquels une marque communautaire a été enregistrée soit, de fait, cantonné au territoire d’un seul État membre. Dans un tel cas, un usage de la marque communautaire sur ce territoire pourrait répondre tout à la fois à la condition de l’usage sérieux d’une marque communautaire et à celle de l’usage sérieux d’une marque nationale.

51      Ainsi que l’a souligné Mme l’avocat général au point 63 de ses conclusions, ce n’est que dans le cas où une juridiction nationale jugerait, compte tenu de toutes les circonstances de la cause, que l’usage dans un État membre était insuffisant pour constituer un usage sérieux dans la Communauté qu’il serait encore possible de transformer la marque communautaire en une demande de marque nationale, en application de l’exception prévue à l’article 112, paragraphe 2, sous a), du règlement no 207/2009.

52      Certains intéressés ayant soumis leurs observations à la Cour soutiennent également que, même s’il est fait abstraction des frontières des États membres au sein du marché intérieur, la condition de l’usage sérieux d’une marque communautaire exige que celle-ci soit utilisée sur une partie substantielle du territoire de la Communauté, ce qui peut correspondre au territoire d’un État membre. Un tel critère résulterait, par analogie, des arrêts du 14 septembre 1999, General Motors (C‑375/97, Rec. p. I‑5421, point 28); du 22 novembre 2007, Nieto Nuño (C‑328/06, Rec. p. I‑10093, point 17), et du 6 octobre 2009, PAGO International (C‑301/07, Rec. p. I‑9429, point 27).

53      Cette argumentation ne saurait non plus être retenue. D’une part, ladite jurisprudence concerne l’interprétation des dispositions relatives à la protection élargie conférée aux marques jouissant d’une renommée ou d’une notoriété dans la Communauté ou au sein de l’État membre dans lequel elles ont été enregistrées. Or, ces dispositions poursuivent un objectif différent de l’exigence de l’usage sérieux, laquelle pourrait avoir pour conséquence le rejet de l’opposition ou même la déchéance de la marque, tel que prévu notamment à l’article 51 du règlement no 207/2009.

54      D’autre part, s’il est certes raisonnable de s’attendre à ce qu’une marque communautaire soit utilisée sur un territoire plus important que les marques nationales, il n’est pas nécessaire que cet usage soit géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant (voir, par analogie, en ce qui concerne l’étendue quantitative de l’usage, arrêt Ansul, précité, point 39).

55      Dès lors que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque repose sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l’exploitation commerciale de cette marque permet de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée, il est impossible de déterminer a priori, de façon abstraite, quelle étendue territoriale devrait être retenue pour déterminer si l’usage de ladite marque a ou non un caractère sérieux. Une règle de minimis, qui ne permettrait pas au juge national d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui lui est soumis, ne peut donc être fixée (voir, par analogie, ordonnance La Mer Technology, précitée, points 25 et 27, ainsi que arrêt Sunrider/OHMI, précité, points 72 et 77).

56      S’agissant de l’usage de la marque communautaire en cause dans l’affaire au principal, la Cour ne dispose pas des éléments factuels nécessaires lui permettant de donner à la juridiction de renvoi des indications plus concrètes quant à l’existence d’un usage sérieux ou non de ladite marque. Ainsi qu’il découle des considérations qui précèdent, il appartient à cette juridiction d’apprécier si la marque en cause est utilisée conformément à sa fonction essentielle et en vue de créer ou de conserver des parts de marché pour les produits ou les services protégés. Cette appréciation doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances pertinents au principal, tels que notamment les caractéristiques du marché en cause, la nature des produits ou des services protégés par la marque, l’étendue territoriale et quantitative de l’usage ainsi que la fréquence et la régularité de ce dernier.

57      Il convient, dès lors, de répondre aux questions posées que l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 doit être interprété en ce sens que, pour apprécier l’exigence de l’«usage sérieux dans la Communauté» d’une marque au sens de cette disposition, il convient de faire abstraction des frontières du territoire des États membres.

58      Une marque communautaire fait l’objet d’un «usage sérieux», au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle et en vue de maintenir ou de créer des parts de marché dans la Communauté pour les produits ou les services désignés par ladite marque. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si les conditions sont remplies dans l’affaire au principal, en tenant compte de l’ensemble des faits et des circonstances pertinents tels que, notamment, les caractéristiques du marché en cause, la nature des produits ou des services protégés par la marque, l’étendue territoriale et quantitative de l’usage ainsi que la fréquence et la régularité de ce dernier.

Tout n’est pas savoir–faire comme le rappelle la Cour de cassation le 18 décembre 2012

Le savoir–faire est généralement invoqué en l’absence de droit de propriété industrielle. Mais à quoi peut-il s’appliquer effectivement ?

L’arrêt du 18 décembre 2012 ne nous définit pas l’objet d’un savoir-faire, il nous donne simplement une indication sur ce qui ne constitue pas du savoir-faire.

Fromageries Bel qui commercialise depuis 1979 des fromages en portion « Mini Babybel », a poursuivi Fromageries Rambol, et Bongrain pour des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son égard.

La Cour de Paris le 25 février 2011 a rejeté ses demandes.

Formagerie Bel se pourvoit en cassation. Le pourvoi est rejeté par l’arrêt du 18 décembre 2012 .

Attendu que la société Fromageries Bel fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes au titre du parasitisme, alors, selon le moyen, que l’exercice de l’action pour parasitisme ou concurrence parasitaire n’est pas subordonné à une absence de situation de concurrence entre les parties ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la seule présentation d’un produit dans un filet auquel est fixé une étiquette ne saurait caractériser l’existence d’un savoir-faire, ni celle d’un travail intellectuel et qu’elle n’est pas constitutive de parasitisme, cette forme de présentation, d’un usage ancien et banal dans ce secteur, étant déjà connue pour d’autres produits alimentaires et son application au fromage ne constituant qu’une idée ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, et abstraction faite du motif surabondant justement critiqué par le moyen, la cour d’appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

En 2013, le juge français pourra-t-il se prononcer sur des actes de contrefaçon quand ceux-ci ont leur origine à l’étranger ?

Quand des faits litigieux ont eu lieu à l’étranger : le juge français peut-il encore se prononcer dans l’attente de la réponse de la CJUE aux questions préjudicielles posées par l’arrêt du 5 avril 2012 de la Cour de cassation ? la Cour de cassation répond par la négative le 20 décembre 2012.

 

  • Par son arrêt du 5 avril 2012, la Cour de cassation a posé différentes questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union Européenne

 

1°) L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale, doit-il être interprété en ce sens qu’en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur commise au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet,

– la personne qui s’estime lésée a la faculté d’introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été, à l’effet d’obtenir réparation du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre de la juridiction saisie,

ou

– il faut, en outre, que ces contenus soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet Etat membre, ou bien qu’un autre lien de rattachement soit caractérisé ?

2°) La question posée au 1°) doit-elle recevoir la même réponse lorsque l’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur résulte non pas de la mise en ligne d’un contenu dématérialisé, mais, comme en l’espèce, de l’offre en ligne d’un support matériel reproduisant ce contenu ?

 

Ce blog en avait parlé ici

 

  • Dans l’attente de cet arrêt, la Cour de cassation par son arrêt du 20 décembre 2012 sursoit à statuer dans une affaire où il était également question d’une atteinte à des droits d’auteur

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 1er juin 2011), que M. Samuel X…, ayant droit de Guy X…, photographe, prétendant que la société Britsh Broadcasting Corporation, ci-après BBC, avait diffusé sur la chaîne BBC 4 un documentaire reproduisant plusieurs oeuvres de Guy X… ainsi qu’une oeuvre de M. Y… inspirée d’une oeuvre du photographe, et que des extraits du documentaire étaient accessibles en ligne sur le site de partage  » You Tube « , a assigné en contrefaçon les sociétés BBC et BBC 4, et M. Y… ;

Attendu que M. Samuel X… fait grief à l’arrêt de déclarer le tribunal de grande instance de Paris territorialement incompétent alors, selon le moyen :

1°/ que l’action en contrefaçon est de nature délictuelle ; qu’en matière délictuelle, l’action est portée devant le juge du domicile du défendeur ou le juge du lieu où le fait dommageable s’est produit ; que s’agissant d’un délit par voie de diffusion hertzienne, le dommage est localisé au lieu où le programme a été diffusé ; qu’il ressort des propres constatations de l’arrêt que les programmes de la BBC sont diffusés en France par voie hertzienne et peuvent y être visionnés, sous certaines conditions (décodeur, abonnement et domiciliation au Royaume-Uni, un service de domiciliation étant généralement proposé avec l’abonnement) ; qu’en déclinant sa compétence, pour le motif inopérant que, compte tenu des restrictions à la diffusion hertzienne, celle-ci n’était pas destinée au territoire français, la cour d’appel, qui n’a pas recherché si le documentaire, dont il ressort de ses propres constatations qu’il pouvait être visionné depuis la France, y était diffusé, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 5-3 du règlement CE 44/ 2001 du 22 décembre 2000 ;

2°/ que le juge français est compétent pour connaître des litiges liés à la diffusion sur internet d’un document destiné au public français ; que pour écarter la compétence du juge français s’agissant de la diffusion sur le site internet « youtube » du documentaire litigieux, la cour d’appel a retenu que cette diffusion n’était pas le fait de la BBC ; qu’en se prononçant à nouveau par un motif inopérant au regard de la question de la compétence, qui est préalable, la cour d’appel qui n’a pas recherché si la diffusion sur youtube était destinée au public de France, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 5-3 du règlement CE 44/ 2001 du 22 décembre 2000 ;

……..

Sursoit à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne répondant aux questions préjudicielles qui lui ont été posées suivant arrêt de cette Cour du 5 avril 2012, n° 10-15. 890 ;

 

La Cour de cassation a renvoyé l’examen de cette affaire à l’audience du 23 avril 2013. A cette date, l’arrêt de la Cour de Justice sera-t-il rendu ?