L’arrêt du 25 janvier 2012 du Tribunal,T‑332/10, Viaguara S.A., contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), se prononce sur l’atteinte à la renommée de la marque antérieure, un des motifs relatifs de refus de l’article 8 point 5 du règlement.
3 octobre 2005 : Viaguara S.A. dépose la demande de marque communautaire : VIAGUARA.
– classe 32 : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;
– classe 33 : « Boissons alcoolisées ; liqueurs ; eaux de vie ; vins ».
7 février 2007: Pfizer Inc., fait opposition pour tous les produits en invoquant la marque communautaire verbale antérieure : VIAGRA
« Produits et substances pharmaceutiques et vétérinaires ».
L’opposition est fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement
30 juin 2009 : rejet de l’opposition par la division d’opposition
13 août 2009 : Pfizer dépose un recours auprès de l’OHMI.
20 mai 2010 : la première chambre de recours de l’OHMI annule la décision de la division d’opposition.
La déposante saisit alors le Tribunal.
- Le Tribunal rappelle les trois conditions qui doivent être remplies cumulativement
– premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ;
– deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et,
– troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice.
- Le Tribunal revient sur l’appréciation globale de ce lien spécifique entre les deux marques
L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public
- Cette atteinte à la marque antérieure n’a pas à être effective et actuelle mais elle doit être prévisible
En effet, lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteinte découlera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire de sa marque, le titulaire de la marque antérieure ne saurait être obligé d’en attendre la réalisation effective pour pouvoir faire interdire ledit usage. Le titulaire de la marque antérieure doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur.
- Au regard de quel public cette analyse de l’atteinte doit-elle être menée, celui de la marque déposée ou celui de la marque antérieure ?
L’existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. En revanche, l’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
- Sur la prétendue légitimation de la présence du mot « guara » dans la marque demandée
La chambre de recours a, ensuite, rappelé que, bien que le choix du suffixe « guara » par la requérante en l’espèce puisse être considéré légitime, en relation avec la plante guarana qui est un ingrédient de ses boissons, l’association de cet élément avec le préfixe « via » ne serait pas une coïncidence. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette appréciation ne saurait être interprétée dans le sens que la chambre de recours aurait admis que la marque demandée renvoie à la plante « guarana ». Il s’agit, au contraire, d’une indication que l’association du suffixe « guara » au préfixe « via » a pour effet de renvoyer à la marque antérieure.
66 S’agissant, en outre, de la nature des produits concernés, la chambre de recours a considéré, à bon droit, que les propriétés stimulantes et aphrodisiaques revendiquées à des fins commerciales par les boissons non alcooliques relevant de la classe 32 coïncidaient avec les indications thérapeutiques du produit de la marque antérieure ou, à tout le moins, avec l’image projetée par celle-ci.
67 Partant, même si ces produits ne sauraient procurer réellement le même bénéfice que le médicament pour le traitement de la dysfonction érectile couvert par la marque antérieure, ce qui importe est que le consommateur sera enclin à les acheter en pensant retrouver des qualités semblables, telles que l’augmentation de la libido, du fait du transfert des associations positives projetées par l’image de la marque antérieure.
Partant, même si ces produits ne sauraient procurer réellement le même bénéfice que le médicament pour le traitement de la dysfonction érectile couvert par la marque antérieure, ce qui importe est que le consommateur sera enclin à les acheter en pensant retrouver des qualités semblables, telles que l’augmentation de la libido, du fait du transfert des associations positives projetées par l’image de la marque antérieure.
Le recours est rejetée