Comment apprécier phonétiquement le risque de confusion avec un signe figuratif ? Quelle protection accorder à une marque portant sur une couleur ? L’arrêt du 16 juillet 2015 est d’une grande importance pratique. L’arrêt est ici.
- 29 janvier 2010 : L……. dépose la demande de marque communautaire sur le signe :
Description jointe à la demande : « La marque consiste en la couleur rouge (code Pantone n°18.1663TP) appliquée sur la semelle d’une chaussure telle que représentée (le contour de la chaussure ne fait donc pas partie de la marque mais a pour but de mettre en évidence l’emplacement de la marque). »
Pour « Chaussures à talons hauts (à l’exception des chaussures orthopédiques) ».
- 10 novembre 2011 : opposition par R…… qui invoque la marque
- 21 juin 2013 : l’opposition est rejetée
- 28 mai 2014 : la Chambre de recours rejette le recours de R……….
De l’arrêt du 16 juillet 2015 du Tribunal qui rejette le recours , quelques extraits sont à citer.
Le rappel de la position de la Chambre de recours
38 Tout d’abord, s’agissant de la marque demandée, la chambre de recours a précisé, en s’appuyant sur la décision précédemment rendue par la deuxième chambre de recours le 16 juin 2011 (voir point 6 ci-dessus), que l’impression d’ensemble produite par celle-ci consistait en la couleur rouge Pantone n° 18.663TP appliquée à une semelle de chaussure à talon haut.
39 Ensuite, s’agissant de la marque antérieure, premièrement, la chambre de recours a considéré que l’élément verbal au sein de celle-ci, à savoir les mots « my shoes », était descriptif des produits en cause. Deuxièmement, en ce qui concerne plus particulièrement le rectangle rouge dans lequel s’inscrit le mot « shoes », elle a constaté que celui-ci était banal sur le plan graphique et qu’il n’était pas distinctif malgré sa couleur rouge, puisque celui-ci servait de fond ou d’étiquette pour souligner le mot « shoes » et était donc purement décoratif. Dès lors, elle a conclu que, dans l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure, tous les éléments étaient d’une importance égale.
40 Enfin, elle a considéré que les marques en cause, dont l’une était constituée d’une semelle rouge appliquée à une chaussure à talon haut et l’autre d’un signe tricolore comportant des éléments verbaux, ne présentaient aucune similitude pertinente sur le plan visuel.
……..
La comparaison visuelle
43 Il convient de constater, tout d’abord, que la marque demandée, telle qu’elle est décrite dans la demande d’enregistrement, consiste en la couleur rouge (code Pantone n°18.1663TP) appliquée à un emplacement spécifique d’une chaussure, en l’occurrence sur la semelle, et c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, en substance, qu’il s’agissait de prendre en compte tous ces éléments, dans leur combinaison spécifique, lors de l’analyse de l’impression d’ensemble produite par ce signe sur le consommateur.
44 Ensuite, il y a lieu d’observer que la marque antérieure est, quant à elle, une marque complexe constituée d’un carré et d’un rectangle, respectivement de couleur bleue et rouge, et d’un élément verbal composé des mots « my shoes ». Le terme « my » est écrit en petits caractères blancs et en italique et apparaît sur le carré bleu. Le terme « shoes » est écrit en lettres majuscules blanches et apparaît sur le rectangle rouge.
45 Or, il importe de relever que l’argumentation de la requérante, en ce que celle-ci cherche à démontrer l’existence d’une similitude visuelle tirée de ce que la couleur rouge serait présente au sein des deux signes en cause, ne saurait prospérer.
46 Premièrement, il y a lieu de constater que la couleur rouge ne saurait être considérée comme étant prédominante au sein de la marque antérieure. En effet, cette couleur n’est présente que dans le rectangle sur lequel figure le mot « shoes ».
48 ………..s’agissant de la couleur rouge en tant que telle, car, s’il est vrai que celle-ci est susceptible d’attirer davantage l’attention des consommateurs, il n’en reste pas moins qu’elle n’occupe qu’une partie minoritaire du signe, contrairement à ce que fait valoir la requérante. Est donc sans incidence l’argument de la requérante concernant la similitude des nuances de rouge des deux signes en conflit.
49 De surcroît, il doit être observé que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 31 de la décision attaquée, que le rectangle rouge avait un rôle décoratif et était donc d’une importance secondaire
…
La comparaison phonétique
62 ……….. le public pertinent se référera à la marque antérieure en prononçant son élément verbal, à savoir « my shoes ».
63 En revanche, en ce qui concerne la marque demandée, il convient de relever que l’intervenant la qualifie de « marque de position ». À cet égard, il convient d’observer que ni le règlement n° 207/2009, ni le règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), ne mentionnent les « marques de position » en tant que catégorie particulière de marques. Or, indépendamment de la question de savoir si cette qualification est correcte, il ressort de la jurisprudence que de telles marques se rapprochent des catégories de marques figuratives et tridimensionnelles, dès lors qu’elles visent l’application d’éléments figuratifs ou tridimensionnels à la surface d’un produit….
64 Dès lors, il y a lieu de considérer, ainsi que l’a indiqué la chambre de recours au point 35 de la décision attaquée, qu’il n’existe pas de similitude phonétique entre les signes en conflit. En effet, à supposer que la comparaison phonétique puisse être effectuée, c’est-à-dire en appliquant, par analogie, le raisonnement visant les marques purement figuratives tel que rappelé au point 61 ci-dessus, il est vraisemblable que la marque demandée soit transmise oralement grâce à une description du signe. Au demeurant, la requérante n’a ni invoqué une description précise de la marque demandée qui permettrait d’effectuer une comparaison phonétique, ni contesté l’abstraction du signe qui rendrait impossible une telle comparaison.
La comparaison conceptuelle
67 La requérante soutient qu’il existe une certaine similitude sur le plan conceptuel entre les signes en conflit, dans la mesure où tous deux présentent un lien avec les chaussures, la marque demandée par le fait que la couleur rouge est apposée sur la semelle d’une chaussure et la marque antérieure par la présence du mot « shoes ». En outre, lesdits signes seraient même conceptuellement similaires dans la mesure où ceux-ci ont en commun la couleur rouge et les significations conceptuelles que le public attache à cette couleur, telles que la chaleur, l’agression ou la passion.
69 En premier lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel les marques en conflit présenteraient un lien conceptuel en raison de la présence, dans celles-ci, de la couleur rouge. En effet, d’une part, la requérante n’étaye pas l’existence d’un concept déterminé, véhiculé par la couleur rouge, se rapportant aux produits concernés, mais se contente d’énumérer différentes hypothèses d’interprétation que le consommateur pourrait attacher à cette couleur. D’autre part, ainsi qu’il a été énoncé aux points 38 et 56 ci-dessus, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que tous les éléments de la marque antérieure étaient d’importance égale et que la marque demandée devait être prise en compte dans son ensemble. Dès lors, la comparaison conceptuelle ne peut se limiter à ne tenir compte que d’une des caractéristiques des marques en conflit, sauf à méconnaître la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus selon laquelle l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci et , à cet égard, il doit être rappelé que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails.
70 En second lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les signes en question renvoient tous deux à l’idée d’une chaussure, premièrement, il y a lieu de constater que, au sein de la marque antérieure, le carré et le rectangle de couleur n’ont pas de signification particulière au regard des produits visés. L’élément verbal « my shoes », cependant, est constitué de deux mots anglais signifiant « mes chaussures », ceux-ci faisant d’ailleurs partie du vocabulaire anglais connu et compris par une grande partie du public pertinent ………………. Deuxièmement, il doit être observé que la marque demandée consiste en une couleur apposée sur la semelle d’une chaussure à talon haut.
71 Or, à supposer qu’une comparaison conceptuelle soit possible dans la mesure où la marque demandée ne comporte aucun élément verbal, il y a lieu de relever que la requérante se borne à constater que ladite marque consiste en une couleur apposée sur une semelle, sans étayer toutefois la signification conceptuelle qu’elle tire de ce constat.