Aboistop une marque enregistrée en France et au Canada mais avec deux titulaires différents : rejet de la demande en contrefaçon mais l’examen de la concurrence déloyale est renvoyé devant une autre cour d’appel pour la commercalisation en France des mêmes produits mais sous une autre marque

L’arrêt rendu le 17 janvier 2011 par la Cour de Cassation laisse entrevoir une distinction quant à l’impact des actes allégués de contrefaçon de marque de ceux poursuivis sur le fondement de la concurrence déloyale au regard de la commercialisation de ces mêmes produits mais sous une autre marque !

« Aboistop » : une marque enregistrée en France le 16 septembre 1996 sous le n° 96642721 pour désigner notamment un dispositif électronique pour empêcher les chiens d’aboyer ainsi que des colliers comprenant un tel dispositif et régulièrement renouvelée depuis, son titulaire est une société française.

« Aboistop » : est aussi une marque canadienne déposée le 13 octobre 1995, et est la propriété d’une société de droit canadien, pour des produits similaires. cette société canadienne offre à la vente ses produits sur son site internet , notamment en langue française.

La société française engage une action en contrefaçon de la marque française et en concurrence déloyale contre la société canadienne devant les juridictions françaises. L’arrêt ne donne pas d’indication sur le jugement. La Cour d’appel a rejeté les demandes de la société française.

  • La Cour de Cassation confirme l’arrêt qui a rejeté les demandes en contrefaçon

Mais attendu que l’arrêt relève que la société [canadienne] est titulaire de la marque canadienne « Aboistop » et que son site internet est un site canadien rédigé en plusieurs langues dont le français qui est la langue officielle au Québec ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations dont il se déduit que la société [canadienne ] ne visait pas à faire usage auprès du public de France de la marque « Aboistop » pour des produits vétérinaires,

On comprendrait à cette lecture que seul l’emploi du français sur le site de la société canadienne aurait été présenté comme une preuve de la vente des produits marqués Aboistop en direction de la France.

  • N’est cassé que l’arrêt de la Cour d’appel sur le rejet des demandes en concurrence déloyale

Attendu que pour rejeter la demande en concurrence déloyale formée par la société [française] l’arrêt retient que commander un produit « Aboistop » à la société [ canadienne ] est certes concurrentiel du produit « aboistop » distribué par la société [française] mais légitime ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si, en livrant un produit revêtu d’une marque autre que la marque « Aboistop » sous laquelle le produit était présenté, la société [canadienne] n’avait pas cherché à détourner à son profit la clientèle de la société [ française], la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

Mais en direction de la France, quels sont les actes qualifiés de concurrence déloyale ? S’agit-il de la vente des produits revêtus initialement au Canada de la marque Aboistop ou bien serait-il question, ici, de ces mêmes produits vendus en France sous une autre marque mais présentés sur le site canadien sous la marque Aboistop ?

 

A noter aussi : il y a eu un arbitrage entre les parties, au regard d’un contrat les unissant. Néanmoins, les instances judiciaires se seraient prononcées pour des faits postérieurs à la résiliation du contrat et non solutionnés par l’arbitrage.

Des dispositifs de protection des droits d’auteur ne peuvent pas porter atteinte à la liberté d’entreprise, à la protection des données à caractère personnel et à la liberté de recevoir ou de communiquer des informations

Comment concilier :

  • le droit de propriété intellectuelle, d’une part,
  • et la liberté d’entreprise, le droit à la protection des données à caractère personnel et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, d’autre part.

droit d'auteur, liberté d'entreprendre, données personnelles, droit à l information DROIT D'AUTEUR? LIBERTE Une réponse est donnée par la CJUE dans son arrêt du 24 novembre 2011, C-70/10, Scarlet Extended contre Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs, [ ici ]  à propos d’une mesure de filtrage du contenu téléchargé sur Internet :

–          prévue par la loi belge,

–          à la requête d’une société de gestion des droits des auteurs,

–          contre un fournisseur d’accès à Internet,

La CJUE  dans cet arrêt important du 24 novembre 2011 dit que la législation européenne s’oppose « à une injonction faite à un fournisseur d’accès à Internet de mettre en place un système de filtrage

–        de toutes les communications électroniques transitant par ses services, notamment par l’emploi de logiciels «peer-to-peer»;

–        qui s’applique indistinctement à l’égard de toute sa clientèle;

–        à titre préventif;

–        à ses frais exclusifs, et

–        sans limitation dans le temps,

capable d’identifier sur le réseau de ce fournisseur la circulation de fichiers électroniques contenant une œuvre musicale, cinématographique ou audiovisuelle sur laquelle le demandeur prétend détenir des droits de propriété intellectuelle, en vue de bloquer le transfert de fichiers dont l’échange porte atteinte au droit d’auteur. »

 

La liste des directives invoquées par la CJUE est éloquente  :

–          2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»);

–          2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information;

–        2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle;

–        95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et

–        2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques),

La Cour est particulièrement sévère contre ce type de dispositif :

(47)        …..cette surveillance étant en outre illimitée dans le temps, visant toute atteinte future et supposant de devoir protéger non seulement des œuvres existantes, mais également celles futures qui n’ont pas encore été créées au moment de la mise en place dudit système.

(48)      ….une telle injonction entraînerait une atteinte caractérisée à la liberté d’entreprise du FAI concerné puisqu’elle l’obligerait à mettre en place un système informatique complexe, coûteux, permanent et à ses seuls frais, ce qui serait d’ailleurs contraire aux conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/48, qui exige que les mesures pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle ne soient pas inutilement complexes ou coûteuses.

(50)      De plus, les effets de ladite injonction ne se limiteraient pas au FAI concerné, le système de filtrage litigieux étant également susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux des clients de ce FAI, à savoir à leur droit à la protection des données à caractère personnel ainsi qu’à leur liberté de recevoir ou de communiquer des informations, ces droits étant protégés par les articles 8 et 11 de la charte.

51      En effet, il est constant, d’une part, que l’injonction de mettre en place le système de filtrage litigieux impliquerait une analyse systématique de tous les contenus ainsi que la collecte et l’identification des adresses IP des utilisateurs qui sont à l’origine de l’envoi des contenus illicites sur le réseau, ces adresses étant des données protégées à caractère personnel, car elles permettent l’identification précise desdits utilisateurs.

52      D’autre part, ladite injonction risquerait de porter atteinte à la liberté d’information puisque ce système risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d’entraîner le blocage de communications à contenu licite. En effet, il n’est pas contesté que la réponse à la question de la licéité d’une transmission dépende également de l’application d’exceptions légales au droit d’auteur qui varient d’un État membre à l’autre. En outre, certaines œuvres peuvent relever, dans certains États membres, du domaine public ou elles peuvent faire l’objet d’une mise en ligne à titre gratuit de la part des auteurs concernés.

Mots cléfs, la Cour de Justice permet de sanctionner cette pratique par le droit des marques

Protection de la marque contre les emplois du même signe à titre de mots clefs par un concurrent, le système Adwords, la Cour de Justice rend le 22 septembre 2011, C‑323/09, un arrêt protecteur des intérêts des titulaires de marque

1)      Les articles 5, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, et 9, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un concurrent de faire, à partir d’un mot clé identique à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque cet usage est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque. Un tel usage:

–      porte atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque lorsque la publicité affichée à partir dudit mot clé ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers;

–      ne porte pas atteinte, dans le cadre d’un service de référencement ayant les caractéristiques de celui en cause au principal, à la fonction de publicité de la marque, et

–      porte atteinte à la fonction d’investissement de la marque s’il gêne de manière substantielle l’emploi, par ledit titulaire, de sa marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs.

2)      Les articles 5, paragraphe 2, de la directive 89/104 et 9, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque renommée est habilité à interdire à un concurrent de faire de la publicité à partir d’un mot clé correspondant à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, lorsque ledit concurrent tire ainsi un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée de la marque (parasitisme) ou lorsque ladite publicité porte préjudice à ce caractère distinctif (dilution) ou à cette renommée (ternissement).

Une publicité à partir d’un tel mot clé porte préjudice au caractère distinctif de la marque renommée (dilution), notamment, si elle contribue à une dénaturation de cette marque en terme générique.

En revanche, le titulaire d’une marque renommée n’est pas habilité à interdire, notamment, des publicités affichées par des concurrents à partir de mots clés correspondant à cette marque et proposant, sans offrir une simple imitation des produits ou des services du titulaire de ladite marque, sans causer une dilution ou un ternissement et sans au demeurant porter atteinte aux fonctions de la marque renommée, une alternative par rapport aux produits ou aux services du titulaire de celle-ci.

 

Vente en ligne, produits marqués, emballages modifiés, nécessité de mise en oeuvre de dispositif préventif : l’arrêt du 12 juillet de la CJUE

Le commerce en ligne par les marques qu’il emploie, est régulièrement soumis au contrôle de la Cour de Justice.

Les juges de la Cour de Justice de l'Union européenne
Les juges de la Cour de Justice, source : curia.europa.eu

 

L’arrêt rendu le 12 juillet par la CJUE est important parce qu’il :

  • a été rendu par la Grande Chambre de la CJUE
  • s’applique à la vente en ligne
  • concerne la vente en ligne et en direction de l’Union Européenne de produits marqués qui n’avaient pas été mis sur le marché européen par leur titulaire
  • porte sur l’emploi de la marque dans la publicité
  • apporte une précision importante sur la situation de l’exploitant d’une place de marché en ligne au regard de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce en ligne, et le régime d’exonération  de responsabilité après sa connaissance des faits illicites
  • prévoit que les juridictions nationales puissent ordonner contre les places de marché en ligne :

– non seulement de faire cesser des pratiques illicites

– mais également de mettre en place des dispositifs préventifs

 

1)      Lorsque des produits situés dans un État tiers, revêtus d’une marque enregistrée dans un État membre de l’Union ou d’une marque communautaire et non auparavant commercialisés dans l’Espace économique européen ou, en cas de marque communautaire, non auparavant commercialisés dans l’Union, sont vendus par un opérateur économique au moyen d’une place de marché en ligne et sans le consentement du titulaire de cette marque à un consommateur situé sur le territoire couvert par ladite marque ou font l’objet d’une offre à la vente ou d’une publicité sur une telle place destinée à des consommateurs situés sur ce territoire, ledit titulaire peut s’opposer à cette vente, à cette offre à la vente ou à cette publicité en vertu des règles énoncées à l’article 5 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, ou à l’article 9 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire. Il incombe aux juridictions nationales d’apprécier au cas par cas s’il existe des indices pertinents pour conclure qu’une offre à la vente ou une publicité affichée sur une place de marché en ligne accessible sur ledit territoire est destinée à des consommateurs situés sur celui-ci.
2)      La fourniture par le titulaire d’une marque, à ses distributeurs agréés, d’objets revêtus de celle-ci, destinés à la démonstration aux consommateurs dans les points de vente agréés, ainsi que de flacons revêtus de cette marque, dont de petites quantités peuvent être prélevées pour être données aux consommateurs en tant qu’échantillons gratuits, ne constitue pas, en l’absence d’éléments probants contraires, une mise dans le commerce au sens de la directive 89/104 ou du règlement n° 40/94.
3)      Les articles 5 de la directive 89/104 et 9 du règlement n° 40/94 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque peut, en vertu du droit exclusif conféré par celle-ci, s’opposer à la revente de produits, tels que ceux en cause dans l’affaire au principal, au motif que le revendeur a retiré l’emballage de ces produits, lorsque ce déconditionnement a pour conséquence que des informations essentielles, telles que celles relatives à l’identification du fabricant ou du responsable de la mise sur le marché du produit cosmétique, font défaut. Lorsque le retrait de l’emballage n’a pas conduit à un tel défaut d’informations, le titulaire de la marque peut néanmoins s’opposer à ce qu’un parfum ou un produit cosmétique revêtu de la marque dont il est titulaire soit revendu dans un état déconditionné, s’il établit que le retrait de l’emballage a porté atteinte à l’image dudit produit et, ainsi, à la réputation de la marque.
4)      Les articles 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 et 9, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à l’exploitant d’une place de marché en ligne de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet exploitant a sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits de cette marque mis en vente sur ladite place de marché, lorsque cette publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si lesdits produits proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers.
5)      L’exploitant d’une place de marché en ligne ne fait pas un «usage», au sens des articles 5 de la directive 89/104 et 9 du règlement n° 40/94, des signes identiques ou similaires à des marques qui apparaissent dans des offres à la vente affichées sur son site.
6)      L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à l’exploitant d’une place de marché en ligne lorsque celui-ci n’a pas joué un rôle actif qui lui permette d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées.
Ledit exploitant joue un tel rôle quand il prête une assistance laquelle consiste notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci.
Lorsque l’exploitant de la place de marché en ligne n’a pas joué un rôle actif au sens visé à l’alinéa précédent et que sa prestation de service relève, par conséquent, du champ d’application de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31, il ne saurait néanmoins, dans une affaire pouvant résulter dans une condamnation au paiement de dommages et intérêts, se prévaloir de l’exonération de responsabilité prévue à cette disposition s’il a eu connaissance de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l’illicéité des offres à la vente en cause et, dans l’hypothèse d’une telle connaissance, n’a pas promptement agi conformément au paragraphe 1, sous b), dudit article 14.
7)      L’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens qu’il exige des États membres d’assurer que les juridictions nationales compétentes en matière de protection des droits de la propriété intellectuelle puissent enjoindre à l’exploitant d’une place de marché en ligne de prendre des mesures qui contribuent, non seulement à mettre fin aux atteintes portées à ces droits par des utilisateurs de cette place de marché, mais aussi à prévenir de nouvelles atteintes de cette nature. Ces injonctions doivent être effectives, proportionnées, dissuasives et ne doivent pas créer d’obstacles au commerce légitime.