L’arrêt du 24 janvier 2012 du Tribunal, T‑593/10, El Corte Inglés, SA, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), se prononce sur l’appréciation du risque de confusion entre deux marques communautaires figuratives.
19 octobre 2007 : Jian Min Ruan dépose une demande de marque communautaire composée du signe
pour « Vêtements, chaussures, chapellerie »
13 juin 2008 : El Corte Inglés, SA, forme opposition sur la base de sa marque communautaire figurative antérieure, déposée le 24 novembre 2005 sous le numéro 4761417, et enregistrée le 4 septembre 2008 pour les mêmes produits
16 mars 2010 : la division d’opposition rejette l’opposition. L’opposante dépose un recours.
4 octobre 2010 : la deuxième chambre de recours de l’OHMI rejette le recours. L’opposante saisit le Tribunal d’un recours contre cette décision de cette chambre de recours
Décision du Tribunal
Précision que le public pertinent est composé du grand public dans l’Union.
- Absence d’élément dominant dans les signes
À titre liminaire, il convient de relever que les signes en conflit sont composés de plusieurs éléments. Rien ne permet de considérer qu’un de ces éléments serait dominant dans les signes en conflit, ni qu’il aurait un caractère distinctif plus prononcé que les autres éléments, ce que n’a d’ailleurs pas retenu la chambre de recours dans la décision attaquée et ce que ne soutient pas la requérante dans ses écritures devant le Tribunal.
Il y a lieu de constater que la marque antérieure contient un élément verbal représentant clairement la lettre « b », alors que la marque demandée contient un élément fortement stylisé qui peut être perçu, entre autres, comme la représentation soit de la lettre « b », soit du chiffre 8. Contrairement à ce que soutient la requérante dans ses écritures, le fait que la marque demandée ait été dénommée « B » devant l’OHMI ne saurait avoir pour conséquence que le public pertinent reconnaîtra de façon claire et déterminée la lettre « b » dans la marque demandée.
- Un b fortement stylisé ou un chiffre 8 ?
En outre, à supposer qu’une partie du public pertinent identifie l’élément en cause comme représentant la lettre « b », le caractère fortement stylisé dudit élément constitue une différence importante avec l’élément verbal de la marque antérieure. À cet égard, il convient de constater que la lettre « b » reprise dans la marque antérieure est représentée de face dans une police de caractères assez classique. S’agissant de l’élément contenu dans la marque demandée, il est représenté de façon inclinée et ses traits sont fortement déformés au point de ne pas pouvoir déterminer clairement s’il s’agit, entre autres, de la lettre « b » ou du chiffre 8.
- Des couleurs différentes
…alors que la marque demandée est présentée en rouge et blanc, la marque antérieure est présentée en noir et blanc. De surcroît, la couleur blanche est utilisée comme couleur de fond dans la marque antérieure alors qu’elle est utilisée pour représenter les éléments qui ressortent visuellement dans la marque demandée.
…il convient de souligner que l’élément figuratif de la marque antérieure représente de façon claire et déterminée un boomerang, ce que la chambre de recours a relevé à juste titre au point 19 de la décision attaquée et ce que la requérante a confirmé dans ses écritures. Cette constatation tient, notamment, au fait que la partie arrondie de l’élément figuratif est plus large que ses deux parties rectilignes, correspondant ainsi à l’image qui est traditionnellement associée à un boomerang. S’agissant de la marque demandée, force est de constater que, même si l’élément figuratif est constitué de deux lignes courbes, rien ne permet de considérer qu’il représenterait un boomerang. En particulier, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, il est peu probable que l’élément figuratif en cause soit perçu comme un boomerang, dans la mesure où les pales dudit objet ne sont pas représentées. Par ailleurs, à la différence de la marque antérieure, la partie arrondie de l’élément figuratif n’est pas plus large que ses parties rectilignes. En outre, l’inclinaison de l’élément qui peut représenter, entre autres, soit la lettre « b », soit le chiffre 8, participe à conférer une impression de relief à l’élément figuratif, ce dernier pouvant dès lors être perçu comme ayant une épaisseur trop importante pour correspondre à un boomerang. Enfin, il y a lieu de constater que la partie arrondie de l’élément figuratif de la marque demandée est positionnée vers le bas (les parties rectilignes partant vers le haut) alors que celle de la marque antérieure est positionnée à gauche (les parties rectilignes partant vers la droite). Ce positionnement des éléments figuratifs constitue également une différence notable entre les signes en conflit.
Pour le Tribunal, les différences visuelles et conceptuelles l’emportent
Les signes en conflit présentent de fortes différences sur le plan visuel. Il y a lieu de relever également que les produits en cause sont vendus par les canaux de distribution habituels pour les vêtements, les chaussures et les accessoires d’habillement, c’est-à-dire les magasins. Le public pertinent procédera donc à leur évaluation visuelle. De plus, si une communication orale sur le produit et sur la marque n’est pas à exclure, le choix d’un vêtement, d’une paire de chaussures ou d’un accessoire d’habillement se fait généralement de manière visuelle. Partant, la perception visuelle des marques en cause interviendra normalement avant l’acte d’achat. L’aspect visuel revêt, de ce fait, plus d’importance dans l’appréciation globale du risque de confusion
il y a lieu de souligner que, contrairement à ce que soutient la requérante, les signes en conflit sont différents sur le plan conceptuel. En particulier, la marque antérieure a une signification claire et déterminée dans la perspective du public pertinent, à savoir un boomerang. Or, il résulte de la jurisprudence que l’appréciation globale du risque de confusion implique que les différences conceptuelles entre deux signes peuvent neutraliser des similitudes phonétiques et visuelles entre eux, pour autant qu’au moins l’un de ces signes a, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir directement
Compte tenu des différences importantes qui existent sur les plans visuel et conceptuel entre les signes en conflit, il y a lieu de considérer qu’il n’existe pas de risque de confusion en l’espèce, en ce compris un risque d’association invoqué par la requérante, et cela malgré l’existence éventuelle d’une certaine similitude phonétique entre les signes en conflit et la présence de produits identiques. La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur à cet égard.