Que voyez-vous un fruit, une pomme ou une poire ?

La marque demandée devant l’Office de la marque de l’Union a pour signe :

Est opposée à cette demande de marque, un enregistrement portant sur le signe :

Précisons que les produits pour lesquels la demande de marque est demandée sont :

–        classe 9 : « Ordinateurs personnels ; ordinateurs blocs-notes ; dispositifs électroniques numériques mobiles de combinés et tablettes pour envoi et réception d’appels téléphoniques et/ou données numériques et utilisés comme ordinateurs portables ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; visiophones, tablettes vidéo, programmes informatiques préenregistrés de gestion d’informations personnelles, logiciels de gestion de bases de données, logiciels de courrier et messagerie électroniques, logiciels de radiomessagerie, matériel informatique, logiciels et micrologiciels, à savoir programmes de systèmes d’exploitation, programmes logiciels de développement d’applications pour ordinateurs personnels et portables ou dispositifs électroniques numériques mobiles portables ; périphériques de dispositifs informatiques portables et mobiles ; pièces et parties constitutives de tous les produits précités » ;

–        classe 35 : « Fourniture d’assistance en marketing numérique ; fourniture de services de conception de solutions CRM et solutions commerciales » ;

–        classe 42 : « Maintenance et mise à jour de logiciels ; fourniture d’informations sur les logiciels via l’internet et d’autres réseaux informatiques et électroniques de communication ; services de réseaux informatiques ; fourniture d’assistance en réseautage et conception de pages web ; fourniture de services d’hébergement de serveurs ; fourniture de services de gestion de domaines ; fourniture d’applications logicielles pour dispositifs informatiques portables, tablettes électroniques, ordinateurs personnels et portables et pour la gestion de centres de données ; conseils techniques ; tous les services précités également d’entreprise à entreprise et d’entreprise au consommateur ».

Successivement la division d’annulation et la chambre de recours ont accueilli l’opposition ;

L’affaire vient devant le Tribunal de l’Union qui par son arrêt du 31 janvier 2019,  , annule la décision de la Chambre de l’Office

Pour le Tribunal l’élément verbal Pearl n’est pas négligeable

……Bien que l’élément verbal « pear » soit plus petit que la représentation de la poire, placée au-dessus de celui-ci, et soit écrit dans une police de caractères particulière, il ne saurait échapper à l’attention du public pertinent. Sa taille est assez grande pour que le public pertinent le remarque au premier abord, ce qui est renforcé par le fait que cet élément verbal est écrit en lettres majuscules. En outre, la couleur grise et la police de caractères employée ne permettent pas de remettre en cause le fait que le mot « pear » sera clairement lisible pour le public pertinent.

34      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que semble avoir indiqué la chambre de recours à la fin du point 28 de la décision attaquée, le fait qu’une partie du public pertinent comprend la signification du terme anglais « pear » ne permet pas de conclure que, sur le plan visuel, l’élément verbal « pear » de la marque demandée est négligeable dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. Ce constat vaut d’autant plus pour la partie du public pertinent qui ne comprend pas la signification dudit terme.

36      Dans ces conditions, il convient de constater que l’élément verbal de la marque demandée contribue nettement à déterminer l’image de la marque que le public pertinent gardera en mémoire, de sorte qu’il ne peut pas être considéré comme étant négligeable lors de la comparaison des marques en cause sur le plan visuel.

La marque antérieure est relative à une pomme

  S’agissant, en second lieu, de l’impression globale produite par la marque antérieure sur le plan visuel, il convient de constater, premièrement, qu’il s’agit d’une marque figurative composée de deux éléments figuratifs de couleur noire. Le premier élément a la forme d’une pomme, sur le côté droit de laquelle il manque une partie en forme de demi-cercle. D’un point de vue visuel, il sera perçu comme la représentation d’une pomme dans laquelle il a été mordu. Le deuxième élément, placé au-dessus et au centre du premier, a une forme elliptique pointue et est incliné vers la droite selon un angle d’environ 45 degrés.

…..

39      Tout d’abord, il convient de relever que, dans la mesure où la question de savoir si un élément figuratif sera immédiatement perçu comme représentant un objet familier pour le public pertinent est susceptible d’avoir un impact sur l’image de la marque antérieure que le public gardera à l’esprit, cet aspect n’est pas, contrairement à ce que soutiennent l’EUIPO et l’intervenante, dépourvu de pertinence lors de la comparaison visuelle des marques en conflit. Ensuite, il y a lieu de rappeler que le deuxième élément figuratif de la marque antérieure possède une forme elliptique et pointue. Cette forme rappelle davantage l’une des formes habituelles d’une feuille et non celle d’une tige. Par ailleurs, il y a lieu d’observer que toutes les parties à la présente affaire partagent, en principe, ce point de vue.

40      Prise dans son ensemble, la marque antérieure sera donc perçue par le public pertinent comme représentant une pomme, dans laquelle il a été mordu, surmontée d’une feuille.

52      ……………En effet, leurs seuls points communs sont la présence de la couleur noire et le positionnement similaire des éléments figuratifs placés au-dessus des représentations de la pomme et de la poire qui, d’ailleurs, passera probablement inaperçu auprès du public pertinent pour les raisons exposées au point 44 ci-dessus. En outre, dans le cadre de la comparaison des marques en conflit, considérées chacune dans son ensemble, il y a également lieu de tenir compte des différences claires existant entre les marques en cause sur le plan visuel.

53      À cet égard, il y a lieu de rappeler, premièrement, que les marques en cause seront immédiatement perçues comme représentant des fruits différents, deuxièmement, que les formes des éléments figuratifs et des fruits représentés sont globalement différentes, troisièmement, que la poire est représentée dans la marque demandée par un grand nombre de carrés de tailles différentes sans contour tandis que la pomme est représentée dans la marque demandée par une image pleine, quatrièmement, que la marque demandée ne contient aucune trace de morsure telle que celle présente dans la marque antérieure et, enfin, cinquièmement, que l’élément verbal « pear » dans la marque demandée n’a aucun équivalent dans la marque antérieure.

Quant au plan conceptuel

64      Premièrement, il y a lieu de relever que les marques en conflit utilisent des images qui ne représentent pas le même objet, mais deux objets différents, à savoir, d’une part, une pomme et, d’autre part, une poire. Il est constant que le public pertinent percevra sans difficulté cette différence dans le contenu sémantique des images contenues dans les marques en cause. Deuxièmement, il y a lieu de constater que les marques ne partagent pas non plus le concept d’un « fruit dans lequel il a été mordu », dès lors que la marque demandée évoque, malgré sa stylisation abstraite, l’idée d’une poire entière. Troisièmement, il y a également lieu de relever que, en raison du fait que les éléments figuratifs placés au-dessus de la pomme et de la poire seront perçus comme étant différents, à savoir, d’une part, une feuille dans le cas de la pomme et, d’autre part, une tige dans le cas de la poire, ils ne sont pas non plus susceptibles de conférer aux marques en cause un degré de similitude sur le plan conceptuel.

…….

…….les caractéristiques de la marque antérieure qui diffèrent de la simple représentation d’une pomme ne trouvent aucun équivalent dans la marque demandée. La poire représentée dans la marque demandée ne présente aucune trace de morsure ni aucune feuille contrairement à la pomme de la marque antérieure.

A propos des « images de deux fruits qui étaient, en raison de plusieurs facteurs, très similaires dans la vie réelle. »

69      À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, qu’il est certes vrai que chacune des marques en conflit peut être décrite comme utilisant l’image d’un fruit. Toutefois, comme le font également valoir toutes les parties au présent recours, le seul fait qu’il existe un terme générique qui comprend les termes utilisés pour décrire le contenu sémantique des marques en cause n’est pas un facteur pertinent dans le cadre de la comparaison conceptuelle. Dans le même ordre d’idée, il convient de rappeler que l’examen de la similitude prend en considération les marques en conflit telles qu’elles sont enregistrées ou telles qu’elles sont demandées. Ainsi, il y a lieu de relever que les marques en conflit n’évoquent le concept de « fruit » que de manière indirecte. …………….les marques en conflit ne seront pas perçues comme représentant deux fruits non identifiables, mais plutôt comme, d’une part, une pomme dans laquelle il a été mordu possédant une feuille et, d’autre part, une poire possédant une tige. Dans ces conditions, il n’est pas concevable que le public pertinent qui fait preuve d’un niveau d’attention élevé utilisera le terme « fruit », au lieu de « poire » ou de « pomme », en faisant référence aux marques en conflit.

…….La protection qui est accordée à une marque figurative antérieure ne porte pas, en l’absence de points communs avec la représentation de la marque opposée, sur la catégorie générale des phénomènes qu’elle représente. C’est donc à tort que la chambre de recours a estimé que les marques en cause pouvaient être considérées comme étant similaires sur le plan conceptuel au seul motif que les fruits qu’elles représentaient partageaient, dans la vie réelle, plusieurs caractéristiques.

La présentation au Sénat de la loi Pacte sur les marques

Le rapporteur au Sénat, Monsieur Jean-François Rapin, de la loi Pacte apporte quelques précisions dans son rapport en prévision des débats fixés à fin janvier .

Un principe général d’alignement sur le système de la marque de l’Union:

Même si le « Paquet marques » laisse aux États membres la liberté de maintenir leur dispositif national, l’ordonnance devrait aligner la procédure française sur le droit européen, notamment le système de dépôt dit « monoclasse » mis en place au niveau européen, qui s’accompagne du paiement forfaitaire d’une redevance par classe.

La visibilité donnée au législateur sur l’exercice d’autres options ouvertes par la directive est réduite, qu’il s’agisse des règles applicables en matière de refus d’enregistrement ou de nullité de l’enregistrement ou encore de refus d’enregistrement de marques de garantie ou de certification.

Les grands axes

Des modifications qui interviendront par ordonnance :

L’article 69 du projet de loi habilite le Gouvernement à procéder à la transposition de la directive par voie d’ordonnance et à apporter les modifications du droit français rendues nécessaires par l’entrée en vigueur du règlement.

Quelques indications sur la réforme :

De manière générale, le livre VII du code de la propriété intellectuelle sera revu pour modifier le droit matériel des marques (suppression du caractère graphique de la représentation de la marque, n des motifs de refus d’enregistrement, refonte du système des marques collectives et des marques de certification) et la procédure d’opposition1, ainsi que pour créer, auprès de l’INPI, une nouvelle procédure administrative en nullité ou déchéance d’une marque requise par la directive.

L’étude d’impact qui accompagne le projet de loi, indique en outre que « les objectifs poursuivis par la transposition de la directive 2015/2436 dans le droit français correspondent aux objectifs visés par le « paquet Marques », à savoir :

  • la rationalisation et l’harmonisation des procédures d’enregistrement de marques au niveau des États membres, et donc l’alignement de la procédure française en prenant pour référence le système d’enregistrement de la marque de l’Union européenne ;
  • le renforcement des moyens de lutte contre les marchandises contrefaites en transit sur le territoire de l’UE, et donc sur le territoire français ;
  • la mise en place d’un système de taxes plus adapté aux besoins réels des entreprises ;
  • le renforcement de la coopération entre les offices des États membres, dont l’Institut national de la propriété industrielle et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle. »

Il en résulte que, lorsque la directive laisse aux États membres la liberté de maintenir leur dispositif national, l’ordonnance devrait aligner la procédure française sur le droit européen. Tel est par exemple le cas du système de dépôt dit « monoclasse » mis en place au niveau européen, qui s’accompagne du paiement forfaitaire d’une redevance par classe2. Ce système est optionnel pour les marques nationales mais le Gouvernement a annoncé qu’il sera repris en droit français afin de mieux répondre aux besoins des propriétaires de marques.

Sur d’autres points, la visibilité offerte au législateur est moindre, qu’il s’agisse des règles applicables en matière de refus d’enregistrement ou de nullité de l’enregistrement (options prévues à l’article 4 §2 à 5 en matière de nullités absolues et art. 5 §4 en matière de nullités relatives) ou encore de refus d’enregistrement de marques de garantie ou de certification (options ouvertes à l’article 28 § 3 et 4).

Enfin, il apparaît indispensable que la transposition soit précédée d’un examen approfondi des facultés ouvertes par la directive en matière d’enregistrement de marques collectives (art. 29 de la directive).

 

Tant que le Brexit n’est pas intervenu, les britanniques bénéficient pleinement du système de la marque de l’Union

Le 29 novembre 2018, la Cour de justice a refusé tout effet par anticipation au Brexit, et cet arrêt est intervenu en matière de marque.
Très brièvement la chronologie à l’arrêt du 29 novembre 2018, l’arrêt est là

28 janvier 2010 : enregistrement de la marque de l’Union  ALCOLOCK pour des produits et services des classes 9, 37 et 42.

13 août 2012 : Lion Laboratorie, société britannique,  demande la nullité de cet enregistrement en invoquant la marque verbale antérieure ALCOLOCK, enregistrée au Royaume-Uni depuis le 16 août 1996 pour désigner « [a]ppareils pour tester, mesurer, indiquer, enregistrer et/ou analyser l’alcool dans l’air expiré ; appareils de contrôle des appareils précités ou réagissant aux appareils précités ; pièces et parties constitutives de ces appareils », de la classe 9.

22 novembre 2012 : Alcohol Countermeasure Systems, société canadienne, le titulaire de la marque de l’union,  demande des preuves d’usages de la marque britannique .

24 mars 2014 : la division d’annulation annule la marque de l’union. L’usage de la marque britannique étant retenu comme sérieux.

11 août 2015 : rejet par la Chambre de recours de l’EUIPO du recours présenté par le titulaire de la marque de l’Union.

29 mars 2017 : rejet du recours par le Tribunal de l’Union.

29 novembre 2018 : la Cour de Justice de l’Union rejette le pourvoi contre l’arrêt du Tribunal.

Parmi les différents moyens présentés à la Cour, l’examen du 5ème retient plus particulièrement l’attention. Pour la société titulaire de la marque de l’Union, la marque antérieure étant une marque britannique, le Tribunal aurait dû reporter sa décision après le 29 mars 2019, date de la sortie de l’Union.

La Cour refuse cette analyse.

Tant que le Brexit n’est pas intervenu, le Royaume-Uni et ses ressortissants bénéficient pleinement des droits de l’Union

108    En substance, elle [ la requérante, le titulaire de la marque de l’Union] estime que, à compter du 23 juin 2016, date du référendum à l’occasion duquel le peuple du Royaume-Uni a exprimé sa volonté de se retirer de l’Union, le Tribunal aurait dû, au nom de l’ordre public, tenir compte du futur retrait du Royaume-Uni de l’Union ou ordonner une suspension de la procédure jusqu’au retrait effectif de celui-ci, afin d’annuler, ensuite, la décision litigieuse. Elle observe que le Tribunal a prononcé l’arrêt attaqué le jour où le Royaume-Uni a notifié son intention de se retirer de l’Union, conformément à l’article 50 TUE.

109    Ce faisant, le gouvernement du Royaume-Uni aurait reconnu que les marques du Royaume-Uni ne sauraient servir de fondement aux fins de l’annulation de marques de l’Union européenne.

110    La requérante ajoute, d’une part, que le fait que la décision litigieuse a été adoptée avant ladite notification et que le droit de l’Union continue à s’appliquer au Royaume-Uni pendant le déroulement de la procédure visée à l’article 50 TUE ne saurait s’opposer à la recevabilité ainsi qu’au bien-fondé du présent moyen. En effet, ce moyen soulèverait des questions d’ordre public. De surcroît, la requérante n’aurait pu avancer ledit moyen devant le Tribunal, dès lors que le référendum a été organisé après la clôture, le 11 février 2016, de la procédure écrite devant celui-ci.

111    D’autre part, la requérante estime qu’il ne lui suffirait pas de déposer une nouvelle marque de l’Union européenne portant sur le signe « alcolock » au terme de la procédure visée à l’article 50 TUE. En effet, elle ne serait plus en mesure de réclamer, à ce moment-là, le plein bénéfice de ses droits d’ancienneté. De surcroît, la transformation de la marque contestée en marques nationales, en attendant le retrait du Royaume-Uni de l’Union, l’exposerait à des coûts inutiles et disproportionnés.

112    La requérante fait par ailleurs observer que, compte tenu de l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, c’est la date à laquelle sera rendu l’arrêt de la Cour sur pourvoi qui importe.

113    L’EUIPO estime que ce moyen est dénué de tout fondement.

114    Le Royaume-Uni estime que le présent moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

 Appréciation de la Cour

115    Par son cinquième moyen, la requérante allègue, en substance, que le Tribunal aurait dû suspendre la procédure jusqu’à la date du retrait du Royaume-Uni de l’Union, afin de pouvoir annuler la décision litigieuse au motif qu’une marque antérieure du Royaume-Uni ne pourrait plus être opposée au maintien d’une marque de l’Union européenne.

116    Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité d’un tel moyen, il convient de relever que, aux termes de l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO que « pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, [dudit] règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir ». Il s’ensuit que le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision litigieuse que si, à la date à laquelle cette décision a été prise, elle était entachée d’un motif d’annulation ou de réformation. En revanche, le Tribunal ne saurait annuler ou réformer ladite décision pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé

117    Or, il serait contraire à cette jurisprudence de considérer que le Tribunal était en l’espèce tenu de suspendre la procédure pendante devant lui afin, le cas échéant, d’annuler la décision litigieuse à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union au motif, par ailleurs purement hypothétique à ce stade, que ledit retrait affecterait rétroactivement l’issue des procédures en nullité fondées sur une marque antérieure de cet État membre.

118    Par ailleurs, dans la mesure où la requérante soutient que Lion Laboratories est désormais une société établie en dehors de l’Union et que cette société a obtenu l’annulation de la marque contestée sur la base de la marque antérieure enregistrée hors de l’Union, il convient de relever que la seule notification par un État membre de son intention de se retirer de l’Union conformément à l’article 50 TUE n’a pas pour effet de suspendre l’application du droit de l’Union dans cet État membre et que, par conséquent, ce droit reste pleinement en vigueur dans ledit État membre jusqu’à son retrait effectif de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2018, RO, C‑327/18 PPU, EU:C:2018:733, point 45).

119    Il s’ensuit que le cinquième moyen et, par conséquent, le quatrième chef des conclusions de la requérante doivent être écartés.

120    Aucun des moyens soulevés par la requérante à l’appui de son pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter ce pourvoi dans son intégralité.

Autrement dit tant que le Brexit n’est pas intervenu, les ressortissants du Royaume-Uni bénéficient pleinement des droits de l’Union y compris des règles applicables aux marques de l’Union

 

Une marque verbale enregistrée comme marque sonore

Différents signes sont susceptibles de constituer une marque enregistrée.

Classiquement, la principale limite à cette diversité était posée par l’exigence de représentation graphique.

Aujourd’hui, certains offices de propriété industrielle admettent des signes pour lesquels cette exigence est abandonnée .

Par exemple, l’EUIPO a enregistré une marque sonore :

Son enregistrement est ici

Plus récemment, le 13 août 2018,  est déposé à titre de marque,  le son :

Les produits et services visés à son enregistrement sont

Une différence essentielle toutefois entre ces deux enregistrements. La première marque porte sur un signe qui facilement pouvait être déposé comme marque verbale (à moins que la volonté de son titulaire ait été de revendiquer d’autres caractéristiques comme le timbre de cette voix).

La recherche d’un effet esthétique harmonieux suffit-il à établir le risque de similitude entre les produits ?

Cette question parmi d’autres a été posée au Tribunal de l’Union sur un recours contre une décision de l’EUIPO qui avait écarté cet argument présenté dans une procédure d’opposition à une demande de marque de l’Union.

La marque demandée : Pour : « Joaillerie ; bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; métaux précieux et leurs alliages ; objets d’art en métaux précieux ; coffrets à bijoux ; boîtes en métaux précieux ; boîtiers, bracelets, chaînes, ressorts ou verres de montres ; porte-clefs de fantaisie ; statues ou figurines (statuettes) en métaux précieux ; étuis ou écrins pour l’horlogerie ; médailles ».

L’opposition était fondée sur différentes marques antérieures dont : Déposée pour : « chaussures pour dames, hommes et enfants, telles que sandales, chaussures de plage, sandales de bain et bottes »

Le Tribunal le 25 septembre 2018 rejette le recours. L’arrêt est

–       Sur la comparaison des produits visés « Joaillerie ; bijouterie ; horlogerie et instruments chronométriques ; bracelets ; chaînes ; médailles » avec les produits protégés par les marques antérieures

50      Par le premier grief, la requérante soutient, en premier lieu, qu’il existe un « lien esthétique » entre les produits visés « Joaillerie ; bijouterie ; horlogerie et instruments chronométriques ; bracelets ; chaînes ; médailles » et les produits protégés par les marques antérieures (ci-après, pris ensemble, les « produits comparés ») dont il découle un rapport de complémentarité, peu importe qu’ils soient ou non interchangeables ou concurrents. Tous ces produits seraient des objets « à porter sur soi » et  . En second lieu, elle fait valoir que lesdits produits peuvent être vendus sous des marques identiques ou similaires, quel que soit leur fabricant, et emprunter les mêmes canaux de distribution, tels que des boutiques spécialisées de « mode, chaussures et accessoires », renforçant ainsi le lien étroit entre eux.

….

52      En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante tiré d’une complémentarité d’ordre esthétique, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels il existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’utilisation de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise. Par définition, des produits adressés à des publics différents ne peuvent pas présenter un caractère complémentaire …..

53      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, une complémentarité d’ordre esthétique entre des produits peut faire naître un degré de similitude au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Une telle complémentarité esthétique doit consister en un véritable besoin esthétique, en ce sens qu’un produit est indispensable ou important pour l’utilisation de l’autre et que les consommateurs jugent habituel et normal d’utiliser lesdits produits ensemble …..]. Cette complémentarité esthétique est subjective et définie par les habitudes ou les préférences des consommateurs, telles qu’elles peuvent résulter des efforts de marketing des producteurs, voire de simples phénomènes de mode …

54      En l’espèce, la requérante n’a pas présenté d’arguments suffisants aux fins de démontrer que les produits en cause sont complémentaires d’un point de vue esthétique. Il convient donc de considérer, à l’instar de la chambre de recours au point 40 de la décision attaquée, qu’il n’est ni démontré par la requérante, ni notoire qu’un consommateur achetant notamment des montres ou des bracelets ferait son choix en prenant comme facteur prépondérant celui de savoir si lesdits produits sont bien assortis à ses chaussures, et vice versa, et non, principalement, en évaluant les caractéristiques intrinsèques de ces produits, leur qualité par rapport à leur fonction principale, ainsi qu’en prenant en considération, de manière indépendante, leur design et leur apparence générale...

55      En effet, à cet égard, s’il peut être admis que la question d’une certaine unité de style entre les chaussures habituellement portées et les accessoires vestimentaires, bijoux, montres ou joaillerie, puisse être posée par certains consommateurs attachés à la mode, il ne peut néanmoins être considéré qu’il existe un véritable besoin esthétique de créer cette harmonie, rendant l’utilisation d’un de ces produits indispensable ou importante pour le port de chaussures ….

56      Dans la mesure où la recherche d’une certaine harmonie esthétique dans l’habillement constitue un trait commun à l’ensemble du secteur de la mode et de l’habillement, y compris les chaussures, elle se révèle être un facteur trop général pour pouvoir justifier, à elle seule, la conclusion que tous les produits concernés sont complémentaires ,…..

57      Par conséquent, la chambre de recours, au point 42 de la décision attaquée, a considéré à juste titre qu’il n’existe pas de lien esthétique suffisant entre les produits comparés. Partant, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante tirée de la prétendue complémentarité de ces produits.