Ni le signe Laguiole ni la dénomination Forge de Laguiole ne sont distinctifs pour les couteaux selon l’arrêt du Tribunal du 21 octobre 2014

  • Quelques dates

20 novembre 2001 : dépôt de la marque LAGUIOLE par M Szajner.

17 janvier 2005 : enregistrement de la marque par l’OHMI.

22 juillet 2005 : demande en nullité partielle de cette marque communautaire présentée par la société la Forge de Laguiole fondée sur le droit de sa dénomination sociale.

27 novembre 2006 : la division d’annulation de l’OHMI rejette la demande en nullité.

Recours par la société la Forge de Laguiole

1er juin 2011 : la chambre de recours de l’OHMI annule partiellement la marque communautaire.

M. Szajner saisit le Tribunal.

  • Tout d’abord, il faut relever que l’existence des marques nationales antérieures de M Szajner n’a pas été prise en compte

31      Dans la mesure où, lors de l’audience, le requérant, par référence à ses marques françaises LAGUIOLE, déposées en 1993, a tenté de remettre en cause le caractère antérieur de la dénomination sociale de l’intervenante sous sa forme actuelle, par rapport à la marque communautaire LAGUIOLE, il suffit d’observer que seule est pertinente, en l’espèce, la date de dépôt de ladite marque communautaire, à savoir le 20 novembre 2001

  • L’application éventuellement rétroactive des revirements de jurisprudence

7      Deuxièmement, même à considérer qu’il faille comprendre l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012 (point 20 supra) comme opérant un revirement de la jurisprudence, de tels revirements, en principe, s’appliquent rétroactivement aux situations existantes.

48      Ce principe se justifie par la considération que l’interprétation jurisprudentielle d’une norme à un moment donné ne peut être différente selon l’époque des faits considérés et nul ne peut se prévaloir d’un droit acquis à une jurisprudence figée. S’il est vrai que ce principe est susceptible d’être atténué en ce que, dans des situations exceptionnelles, les juridictions peuvent s’en départir pour moduler l’effet dans le temps de la rétroactivité d’un revirement, la rétroactivité des revirements reste le principe. Or, en l’espèce, l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012 (point 20 supra) ne contient aucune modulation ou limitation en ce sens.

49      Il convient d’ajouter, à cet égard, que le principe analogue est appliqué par les juridictions de l’Union (arrêt de la Cour du 11 août 1995, Roders e.a., C‑367/93 à C‑377/93, Rec. p. I‑2229, points 42 et 43).

50      Dès lors, même si l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012 (point 20 supra) est en tant que tel un fait nouveau, il se borne à dire le droit français tel qu’il aurait dû être appliqué par la chambre de recours dans la décision attaquée, datant du 1er juin 2011, et tel qu’il doit être appliqué par le Tribunal, conformément au principe rappelé au point 29 ci-dessus.

  • C’est la protection de la dénomination sociale après l’arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2012 qui doit être prise en compte pour apprécier la légalité de la décision du 1er juin de l’OHMI

51      Il s’ensuit que, en l’espèce, la protection de la dénomination sociale Forge de Laguiole s’étend exclusivement aux activités effectivement exercées par l’intervenante à la date de la demande de la marque LAGUIOLE, le 20 novembre 2001.

  • Le caractère non distinctif d’un signe pourtant pris en compte par l’OHMI va se trouver annulé par l’arrêt du 21 octobre 2014

116    La chambre de recours a considéré que le terme « laguiole », quoique descriptif et donc non distinctif pour les couteaux, ainsi qu’il avait été constaté par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 3 novembre 1999 (G.T.I.-G.I.L. Technologies internationales/Commune de Laguiole et Association Le couteau de Laguiole), était néanmoins l’élément dominant, ou du moins codominant, de la dénomination sociale Forge de Laguiole, même lorsque cette dernière était utilisée pour des couteaux. Dès lors, selon elle, dans une appréciation globale, les signes en conflit présentaient une certaine similitude phonétique, visuelle et conceptuelle, qui ne saurait être contrebalancée par la seule adjonction de l’expression générique « forge de ».

………

121 En premier lieu, il est vrai, ainsi que la chambre de recours l’affirme au point 119 de la décision attaquée, que le caractère descriptif et non distinctif du terme « laguiole » pour des couteaux n’implique pas nécessairement que ce terme est également descriptif et non distinctif pour des produits qui ne sont pas des couteaux.

122    Il convient toutefois de rappeler, à cet égard, que le présent examen du risque de confusion concerne exclusivement les activités de fabrication et de vente de coutellerie et de couverts, ainsi que de cadeaux et de souvenirs, dans la mesure où il s’agit de coutellerie ou de couverts (voir point 74 ci-dessus). En effet, les activités effectivement exercées de l’intervenante se concentrent quasi exclusivement dans le domaine de la coutellerie, à l’inclusion de certains articles incorporant d’autres fonctions, en plus de celles de couteau, et que la commercialisation d’autres produits – en particulier, des couverts – reste accessoire, voire marginale. Cela ressort tant d’un examen des produits figurant dans la liste de prix de l’intervenante au 1er janvier 2001 que de la lecture des différents articles de presse figurant dans le « press-book » produit par l’intervenante – pour autant qu’ils se rapportent clairement à la période antérieure au 20 novembre 2001 – dans lesquels l’intervenante se présente systématiquement comme une coutellerie spécialisée dans la production de couteaux de type « Laguiole », sans que l’exploitation d’autres activités n’y soit mentionnée. S’il est vrai que certains de ces articles évoquent des intentions de diversification des activités de la part des dirigeants de l’intervenante, cette dernière n’a pas démontré, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, que ces intentions aient été mises en œuvre, avant la date du 20 novembre 2001.

123    Dans ces conditions, il convient de conclure que le terme « Laguiole » présente un caractère descriptif, voire générique, pour la totalité des activités de l’intervenante, pertinentes aux fins de l’examen du risque de confusion.

  • Le pouvoir distinctif de la dénomination sociale Forge de Laguiole est écarté pour les couteaux

160    Dans ces circonstances, c’est de manière erronée que la chambre de recours a considéré que, à la date du 20 novembre 2001, la dénomination sociale Forge de Laguiole avait acquis, pour les couteaux, un caractère distinctif supérieur à la norme en raison de la connaissance qu’en avait le public français.

  • Cette dénomination sociale a un faible pouvoir distinctif pour les autres produits que les couteaux pour lesquels au regard de l’identité de ceux-ci avec les produits visés à la marque, il y a un risque de confusion.

Le 21 octobre , le Tribunal annule partiellement la décision de la Chambre de recours en ce qu’elle a annulé la marque communautaire pour certains produits. La liste de ces produits est indiquée à l’arrêt. L’arrêt est ici

Extension du bénéfice de la procédure d’opposition à une demande de marque

La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt modifie le Code de la Propriété intellectuelle et étend la procédure d’opposition à une demande de marque.

Article 23

I.-Après le 1° de l’article L. 712-4 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Le directeur de l’Institut national de l’origine et de la qualité, dès lors qu’il y a un risque d’atteinte au nom, à l’image, à la réputation ou à la notoriété d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique mentionnées aux articles L. 641-5, L. 641-10, L. 641-11 et L. 641-11-1 du code rural et de la pêche maritime ; ».
II.-La section 1 du chapitre III du titre IV du livre VI du code rural et de la pêche maritime est complétée par des articles L. 643-3-1 à L. 643-3-3 ainsi rédigés :


« Art. L. 643-3-1.-
Tout organisme qui a pour mission de contribuer à la protection d’une appellation d’origine ou d’une indication géogaphique mentionnées aux articles L. 641-5, L. 641-10, L. 641-11 et L. 641-11-1 du présent code peut demander au directeur de l’Institut national de l’origine et de la qualité d’exercer le droit d’opposition à l’enregistrement d’une marque qu’il tient de l’article L. 712-4 du code de la propriété intellectuelle dès lors qu’il y a un risque d’atteinte au nom, à l’image, à la réputation ou à la notoriété de l’un de ces signes.


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Signes tridimensionnels : leur enregistrement à titre de marque demeure problématique

Quand la forme est également protégée par le droit d’auteur, une marque sur un tel signe serait-elle valable finalement ?

La jurisprudence de la Cour de Justice qui statue sur les recours contre les décisions de l’Office d’harmonisation du marché intérieur, OHMI, montre d’indiscutables réticences à accepter à titre de marque les signes portant sur la forme du produit. C’est la question classique des marques dites tridimensionnelles.

L’arrêt rendu le 18 septembre 2014 par la Cour de justice ne modifie pas cette présentation, il apporte une intéressante précision qui limite encore la possibilité d’obtenir à titre de marque une protection sur une telle forme, même si cette forme a une autre fonction, celle d’un droit d’auteur.

Utile précision : cet arrêt est intervenu non pas sur un recours contre une décision de l’office communautaire, mais sur une question préjudicielle posée par une juridiction néerlandaise à propos d’une marque bénélux qui a été annulée. L’arrêt est ici.

La marque enregistrée pour «chaises, et notamment des chaises pour enfants» auprès de l’Office Benelux porte sur le signe.

Par son arrêt du 18 septembre 2014, la Cour de Justice dit :

1)      L’article 3, paragraphe 1, sous e), premier tiret, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens que le motif de refus d’enregistrement prévu à cette disposition peut s’appliquer à un signe exclusivement constitué par la forme d’un produit présentant une ou plusieurs caractéristiques d’utilisation essentielles et inhérentes à la fonction ou aux fonctions génériques de ce produit, que le consommateur peut éventuellement rechercher dans les produits des concurrents.

2)      L’article 3, paragraphe 1, sous e), troisième tiret, de la première directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le motif de refus d’enregistrement prévu à cette disposition peut s’appliquer à un signe constitué exclusivement par la forme d’un produit ayant plusieurs caractéristiques pouvant lui conférer différentes valeurs substantielles. La perception de la forme du produit par le public ciblé ne constitue qu’un seul des éléments d’appréciation aux fins de déterminer l’applicabilité du motif de refus en cause.

3)      L’article 3, paragraphe 1, sous e), de la première directive 89/104 doit être interprété en ce sens que les motifs de refus à l’enregistrement énoncés aux premier et troisième tirets de cette disposition ne peuvent pas s’appliquer de manière combinée.

 

Comment trouver le juste équilibre entre le droit à l’oubli d’une personne et le droit à l’information du public ?

Sous cette question, Google sollicite l’avis des internautes sur l’arrêt du 13 mai 2014 de la Cour de Justice de l’Union Européenne, l’arrêt,  et indique différentes situations auxquelles ce moteur de recherche est confronté.

« Depuis, nous avons reçu des demandes de suppression concernant des contenus très variés : casiers judiciaires chargés, photos gênantes, harcèlement en ligne et injures, allégations datant de dizaines d’années, articles de presse négatifs, etc.

Pour chacune de ces demandes, nous devons évaluer au cas par cas le droit à l’oubli d’une personne et le droit à l’information du public .

Nous voulons trouver le juste milieu, car cette obligation constitue un nouveau défi de taille, et nous cherchons à définir les principes directifs qui vont nous permettre de nous prononcer sur chaque cas. C’est pourquoi nous avons convoqué un conseil d’experts. Nous souhaitons également recevoir vos commentaires dans le cadre de ce processus : il s’agit en effet de vos droits en ligne, et Internet constitue un excellent forum pour la discussion et le débat ».

Google précise le rôle de ce comité d’experts.

« Nous avons mis en place un comité consultatif chargé de recueillir les commentaires des citoyens européens, afin de nous aider à aborder cette question.

Entre septembre et novembre, le comité consultatif organise, en Europe, des consultations qui sont enregistrées et diffusées en direct sur cette page.

Suite à ces consultations, le comité publiera ses conclusions qui, nous l’espérons, contribueront à orienter l’évolution de nos politiques dans ce domaine.

Afin d’examiner les questions délicates à la croisée entre le droit à l’information et le droit à la vie privée, le comité peut également solliciter des contributions de la part de gouvernements, d’entreprises, de médias, d’établissements universitaires, du secteur de la technologie, d’organisations travaillant sur la protection des données et d’autres structures ayant un intérêt particulier dans ce domaine.

Nous espérons que les conclusions du comité consultatif seront également utiles à d’autres personnes susceptibles d’être concernées par la décision de la Cour. Il est dans notre intérêt à tous de veiller à la bonne mise en œuvre de cette décision et de trouver le meilleur équilibre possible. »

Pour apporter son avis sur l’arrêt de la Cour de Justice, c’est .

La liste des réunions publiques est ici.

Les experts du comité consultatif sont sur cette page.

 

Annulation d’une décision de rejet d’une demande de marque communautaire : la motivation globale de l’OHMI n’est pas suffisante

La marque dont l’enregistrement est demandée, porte sur le signe

 

 

Cette demande de marque est déposée pour des produits et des services des classes 16, 35, 36, 38, 39, 41 à 43.

L’OHMI rejette la demande

Recours de la déposante.

Le 3 septembre, le Tribunal annule la décision de l’office :

Force est ainsi de constater, eu égard à leur description, que ces produits et ces services présentent entre eux des différences telles, tenant à leur nature, à leurs caractéristiques, à leur destination et à leur mode de commercialisation, qu’ils ne peuvent être considérés comme constituant une catégorie homogène permettant à la chambre de recours d’adopter à leur égard une motivation globale.

22      Or, s’agissant des produits et des services en cause dans le cadre du présent litige, à savoir ceux relevant des classes 16, 35, 36, 38, 41 et 42, la chambre de recours a examiné le caractère distinctif de la marque demandée sans se référer à chacun de ces produits et services et a adopté à leur égard une motivation globale.

23      En effet, s’il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a estimé que son appréciation du caractère distinctif de la marque demandée concernait tous ces produits et ces services, il n’en demeure pas moins que celle-ci n’a pas été effectuée au regard de chacun d’eux, ni même au regard de catégories ou de groupes de produits ou de services. En effet, la décision attaquée se réfère, de manière générale, aux « produits et services désignés » à son point 19, aux « produits et services en question » à son point 22 et à « tous les produits et services désignés » à son point 25, mais elle ne se réfère spécifiquement à aucun des produits et des services relevant des classes 16, 35, 36, 38, 41 et 42, ni même à des catégories ou à des groupes de ceux-ci. La décision attaquée ne contient ainsi une motivation plus spécifique qu’en ce qui concerne les services relevant du domaine de l’hôtellerie et de la restauration, qui sont compris dans la classe 43, et pour lesquels l’appréciation de la chambre de recours n’est pas remise en cause en l’espèce.

24      Force est donc de constater que, en omettant d’examiner le caractère distinctif de la marque demandée pour chacun des produits et des services en cause, la chambre de recours n’a pas procédé à l’appréciation concrète requise par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 en ce qui concerne les produits et les services relevant des classes 16, 35, 36, 38, 41 et 42 et n’a pas motivé à suffisance de droit la décision attaquée à cet égard.