Annulation d’une marque communautaire, la compréhension du sanscrit devant le Tribunal de première instance de l’Union européenne

Souvent les marques sont composées de termes issus de langues étrangères.  Un tel choix fragilise la marque quand la langue en  question est utilisée dans un pays de l’Union  européenne,  qu’en est –il quand le mot qui compose la marque, n’appartient pas à une langue officielle d’un des pays de l’Union ?

L’arrêt du 7 novembre 2013 du Tribunal de première instance de l’Union européenne intervient sur la compréhension du sanscrit, l’arrêt est ici .

La marque communautaire contestée porte sur AYUR pour désigner

–        classe 3 : « Produits cosmétiques, produits non médicinaux à base d’herbes pour le soin de la peau, produits non médicinaux à base d’herbes pour le soin des cheveux, lotions non médicinales pour le soin du corps » ;

–        classe 5 : « Produits à base d’herbes pour le traitement de la peau, le contrôle du poids, la perte de poids et le traitement du diabète ; produits et substances à base de vitamines et de minéraux ; compléments santé à usage médical ; produits vitaminés, produits minéraux pour le traitement de la peau, la perte de poids et le traitement du diabète » ;

–        classe 44 : « Services de conseils dans le domaine des remèdes à base d’herbes, de la nutrition, de la santé et des soins de beauté ».

 

Une demande de nullité est engagée par le titulaire des marques bénélux AYUS déposées pour :: « Produits à base d’herbes à usage médicinal », « Herbes à usage non médicinal », « Herbes et plantes fraîches ». ou encore pour: « Compléments alimentaires » ;

La division d’annulation annule la marque communautaire, le recours contre cette décision est rejeté par la Chambre de recours de l’OHMI. Nouveau recours devant le Tribunal.

Parmi les motifs du rejet du recours du titulaire de la marque communautaire , celui relatif à la similarité conceptuelle en langue sanscrite à l’arrêt du 7 novembre 2013 mérite d’être citée :

Sur le plan conceptuel, il convient de relever qu’aucun élément ne permet de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle aucun des signes en cause n’a, en tant que tel, de signification. En effet, d’une part, s’agissant du terme « ayur », la requérante admet qu’il n’a aucune portée conceptuelle définie et identifiable pour le public. D’autre part, contrairement à ce que prétend la requérante, aucun élément ne permet de considérer que le public pertinent percevra immédiatement la signification du terme « ayus ». Certes, ainsi que le souligne la requérante, le terme « ayus » est mentionné sur les sites Internet dont les pages ont été versées au dossier, lesquelles indiquent que ce terme signifie, en langue sanscrite, « vie » et qu’il est utilisé pour former le terme « ayurvéda », qui se réfère à une médecine traditionnelle indienne. Cela n’est toutefois pas suffisant pour considérer que le public pertinent, lequel est composé du consommateur moyen du Benelux, est familiarisé avec le terme de langue sanscrite « ayus » et qu’il en comprendra immédiatement la portée. Aucun élément n’a d’ailleurs été apporté pour démontrer que ledit public, ou une partie significative de celui-ci, a des connaissances en sanskrit. Quant à l’argument selon lequel les consommateurs des produits et des services en cause sont généralement des amateurs de médecine alternative et connaissent les éléments de vocabulaire rattaché à cette pratique, il doit être relevé que, même à supposer qu’il existe, parmi le grand public des consommateurs de l’Union européenne, un public plus spécialisé ayant des connaissances en matière de médecine alternative, d’ésotérisme, d’hindouisme, de culture orientale et de yoga ….ainsi qu’un public de professionnels des produits de beauté et de santé, qui pourront comprendre la signification du terme « ayus », rien ne permet de considérer que ces publics constituent une partie significative du public pertinent. Dans ces conditions, aucune comparaison conceptuelle n’apparaît possible.

47      En tout état de cause, à supposer que le public pertinent, ou une partie de celui-ci, en l’occurrence les amateurs de médecine alternative ou les professionnels des produits de beauté et de santé, puisse associer le terme « ayus » à l’ayurvéda, ce public, ou cette partie de ce dernier, associera également, ainsi que la chambre de recours l’a relevé, le terme « ayur » à l’ayurvéda. Dans cette hypothèse, les signes en cause devraient être considérés comme similaires sur le plan conceptuel.

La distribution des oeuvres sur Internet depuis le Canada sera-t-elle modifiée avec l’accord du 18 octobre 2013 ?

Avec l’accord Europe Canada du 18 octobre 2013, la durée des droits d’auteur sera-t-elle uniformisée?

La durée générale des droits d’auteurs est actuellement différente au Canada (50 ans) de celle applicable en France (70 ans) à compter du décès de l’auteur

Des œuvres d’auteurs français sont d’ailleurs accessibles en ligne librement depuis le Canada.

Avec l’accord du 18 octobre 2013 entre l’Union Européenne et le Canada, la durée applicable sur ces deux espaces géographiques sera-t-elle la plus longue des deux ?

Devant quel juge, l’auteur doit-il engager son action en contrefaçon en cas de vente sur Internet depuis un site étranger ?

Face à des actes argués de contrefaçon par la vente sur Internet pour lesquels différentes sociétés interviennent depuis plusieurs états étrangers, devant quel juge le titulaire des droits doit il engager son action en indemnisation ?

L’arrêt du 3 octobre 2013 de la Cour de Justice invite à la multiplication des procédures !

  • Les faits

9        M. Pinckney, qui réside à Toulouse (France), prétend être l’auteur, le compositeur et l’interprète de douze chansons enregistrées par le groupe Aubrey Small sur un disque vinyle.

10      Après avoir découvert que ces chansons avaient été reproduites sans son autorisation sur un disque compact (CD) pressé en Autriche par Mediatech, puis commercialisé par les sociétés britanniques Crusoe ou Elegy par l’intermédiaire de différents sites Internet accessibles depuis son domicile toulousain, il a assigné le 12 octobre 2006 Mediatech devant le tribunal de grande instance de Toulouse, aux fins d’obtenir la réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à ses droits d’auteur.

Il y a donc un auteur français qui voit l’atteinte à ses droits par :

–          une société anglaise,

–          une société autrichienne,

–          et encore deux sociétés britanniques.

  • Devant quel juge doit-il engager son action, les juges de Toulouse redent des décisions opposées, et c’est la Cour de cassation qui interroge la Cour de Justice de l’Union européenne ?

11      Mediatech a soulevé l’incompétence des juridictions françaises. Par une ordonnance du 14 février 2008, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulouse a rejeté cette exception d’incompétence au motif que le seul fait que M. Pinckney ait pu acheter les disques en cause depuis son domicile français, sur un site Internet ouvert au public français, suffisait à établir un lien substantiel entre les faits et le dommage allégué, justifiant la compétence du juge saisi.

12      Mediatech a formé appel de ce jugement, en faisant valoir que les CD avaient été pressés en Autriche, où elle a son siège, à la demande d’une société britannique qui les commercialise par l’intermédiaire d’un site Internet. Ainsi, selon elle, sont seules compétentes soit les juridictions du lieu du domicile du défendeur, qui se trouve en Autriche, soit celles du lieu de réalisation du dommage, c’est-à-dire celles du lieu où la faute imputée a été commise, à savoir le Royaume-Uni.

13      Par un arrêt du 21 janvier 2009, la cour d’appel de Toulouse a écarté la compétence du tribunal de grande instance de Toulouse, au motif que le lieu du domicile du défendeur est l’Autriche et que le lieu de réalisation du dommage ne peut se situer en France, sans qu’il soit besoin d’examiner les responsabilités respectives de Mediatech et des sociétés Crusoe ou Elegy, faute d’allégation de complicité de ces dernières avec Mediatech.

14      M. Pinckney a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt en invoquant la violation de l’article 5, point 3, du règlement. Il a fait valoir que la compétence du juge français est fondée et que son recours a été indûment rejeté.

15      C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 5, point 3, du [règlement] doit-il être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur commise au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet,

–        la personne qui s’estime lésée a la faculté d’introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été, à l’effet d’obtenir réparation du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie,

ou

–        il faut, en outre, que ces contenus soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet État membre, ou bien qu’un autre lien de rattachement soit caractérisé?

2)      La première question posée doit-elle recevoir la même réponse lorsque l’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur résulte non pas de la mise en ligne d’un contenu dématérialisé, mais, comme en l’espèce, de l’offre en ligne d’un support matériel reproduisant ce contenu?»

  • Le  3 octobre 2013, la Cour de justice de l’Union européenne :

L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur garantis par l’État membre de la juridiction saisie, celle-ci est compétente pour connaître d’une action en responsabilité introduite par l’auteur d’une œuvre à l’encontre d’une société établie dans un autre État membre et ayant, dans celui-ci, reproduit ladite œuvre sur un support matériel qui est ensuite vendu par des sociétés établies dans un troisième État membre, par l’intermédiaire d’un site Internet accessible également dans le ressort de la juridiction saisie. Cette juridiction n’est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre dont elle relève.

 

Revendication de la propriété d’une marque, celui qui invoquait un droit d’auteur n’a pas montré d’esprit créatif particulier

Un droit d’auteur peut permettre de revendiquer la propriété de la marque, mais encore faut-il que le signe déposé à titre de marque puisse être qualifié œuvre originale.

Illustration avec l’arrêt du 8 octobre 2013 de la Cour de cassation à propos de la marque « La Route du Rhum ».

Attendu que, saisie ensuite de la revendication des droits d’auteur de M. X…sur le titre même de la course « La Route du rhum », la cour d’appel, par motifs propres et adoptés, a constaté que l’expression dont s’agit était la référence historique et usuelle de l’itinéraire des navires de commerce acheminant du rhum des Antilles à Saint-Malo, qu’elle avait été utilisée pour désigner d’autres oeuvres de l’esprit, notamment littéraires, et que sa transposition, dont rien ne montrait qu’il en fût l’auteur, à une course de voiliers, ne témoignait en outre d’aucun esprit créatif particulier ; que le moyen est dénué de toute portée ;

Règle de procédure contre les décisions de l’OHMI : le mémoire de recours devant le Tribunal ne peut pas simplement renvoyer aux observations déposées devant l’office communautaire.

Dans les procédures devant l’OHMI, les différentes comparaisons sur les signes et sur les produits peuvent apparaître fastidieuses. Faut-il nécessairement les reprendre lors des recours devant le Tribunal  ou  le requérant peut-il simplement renvoyer à son mémoire déposé à l’époque devant l’Office?

L’arrêt du 16 octobre 2013 nous donne la réponse. Il intéresse non seulement les avocats et les conseils en propriété industrielle mais aussi les parties.

15      …… au point 11 de sa requête, la requérante, afin d’éviter les répétitions, a renvoyé à ses observations des 29 mars et 11 novembre 2011 présentées au cours de la procédure administrative devant l’OHMI.

16      À cet égard il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Selon la jurisprudence, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Le Tribunal a jugé, par ailleurs, que, si le texte de la requête peut être étayé par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans la requête et qu’il n’incombe pas au Tribunal de se substituer aux parties en essayant de rechercher les éléments pertinents dans les annexes ……

17      La requête, pour autant qu’elle renvoie aux écrits déposés par la requérante devant l’OHMI, est irrecevable, car le renvoi global qu’elle contient n’est pas rattachable aux moyens et aux arguments développés dans la requête.