Les emblèmes étatiques constituent des obstacles absolus à une demande de marque communautaire. L’intérêt de l’arrêt du 15 janvier 2013 est encore plus grand quand il s’agit de l’emblème de l’Union Européenne et qu’il s’applique à l’action de la Commission européenne qui a eu quelques difficultés avec la procédure en annulation de la marque communautaire. Affaire T‑413/11, Welte-Wenu GmbH contre (OHMI) et en intervention : la Commission européenne
4 avril 2001 : Welte-Wenu GmbH dépose la marque communautaire sur le signe figuratif suivant :
Pour
– classe 7 : « Arbres de transmission et pièces de rechange pour arbres de transmission pour véhicules et machines, autres que pour véhicules terrestres » ;
– classe 12 : « Arbres de transmission et pièces de rechange pour arbres de transmission pour véhicules terrestres ».
8 octobre 2001 : publication de la demande de marque communautaire.
9 avril 2002 : enregistrement de la marque communautaire.
4 février 2009 : La Commission des communautés européennes engage devant l’OHMI une action en nullité de la marque en invoquant que la marque en cause consistait en une « imitation au point de vue héraldique » des emblèmes dont le drapeau de l’Union européenne et le logo
30 juin 2010 : la division d’annulation rejette la demande de la Commission.
17 août 2010 : recours de la Commission.
12 mai 2011 : la première chambre de recours de l’OHMI annule la décision de la division d’annulation et annule la marque communautaire.
Recours de Welte-Wenu GmbH que le Tribunal va rejeter sauf pour la condamnation d’une partie des dépens.
- Quelques problèmes de procédure pour la Commission : Welte-Wenu GmbH conteste que la Commission ait dès sa demande initiale fondée correctement sa demande sur « la probabilité de l’établissement, par le public concerné, d’un lien entre la marque visée par la demande en cause et l’organisation internationale intergouvernementale concernée ».
22 En l’espèce, il convient de relever qu’il résulte de la lecture de la demande en nullité, telle qu’elle figure dans le dossier de la procédure devant l’OHMI transmis au Tribunal en application de l’article 133, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, que la Commission avait bien invoqué, à l’appui de sa demande, la possibilité de l’établissement d’un lien, par le public concerné, entre les produits visés par la marque en cause et l’Union. En particulier, la Commission a relevé que la couronne d’étoiles, l’arrangement de couleurs et le mot « european » (européen), utilisés dans la marque en cause, étaient de nature à tromper le public qui pouvait croire que les « services » protégés provenaient de l’Union ou d’une entité autorisée par celle‑ci, ou qu’ils étaient contrôlés ou garantis par l’Union. Cette argumentation est d’ailleurs résumée par la division d’annulation, au point 6 de sa décision. Il résulte en outre du point 29 de la même décision, que la division d’annulation a compris que l’allusion de la Commission à des « services », alors que la marque en cause ne visait que des produits, résultait d’une erreur évidente et qu’il convenait de comprendre l’argumentation de la Commission en ce sens qu’elle visait la possibilité de l’établissement d’un lien, par le public pertinent, entre les produits visés par la marque en cause et l’Union européenne.
23 Il résulte également de la lecture de la demande en nullité de la Commission, que celle‑ci avait fait référence, à l’appui de son argumentation, à l’arrêt du Tribunal du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA) (T‑127/02, Rec. p. II‑1113; ci‑après l’ « arrêt ECA »). Toutefois, en raison d’une autre erreur évidente, elle a indiqué qu’il s’agissait d’un arrêt de la Cour et elle a fait référence à un numéro d’affaire inexact (C‑127/02). La division d’annulation a, néanmoins, compris que la Commission invoquait l’arrêt ECA et, au point 29 de sa décision, elle a rectifié les erreurs de la Commission en indiquant la citation correcte de cet arrêt.
24 Il convient de rappeler également que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’article 76 du règlement n° 207/2009, au même titre que l’article 74 du règlement n° 40/94, qui était applicable au moment de la présentation de la demande en nullité de la Commission et dont le contenu est identique, ne fait pas obstacle à ce que les instances de l’OHMI fondent leur décisions, outre sur les faits et les preuves présentés par les parties, sur des faits notoires
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26 Il est certes vrai que, pour démontrer la probabilité que le public établisse un lien entre les produits visés par la marque en cause et l’Union européenne, elle s’est bornée à faire référence à « la grande variété des services et des produits que peuvent offrir le Conseil de l’Europe et l’Union européenne » en renvoyant, à cet égard, à l’arrêt ECA, point 23 supra, sans avancer une autre preuve de cette dernière affirmation. Toutefois, ainsi qu’il ressort, précisément, de l’arrêt ECA, point 23 supra (point 68), cette affirmation était fondée sur un fait notoire qui peut être considéré comme prouvé sans référence à des éléments concrets.
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33 S’agissant de la directive 2007/46, il est certes exact que la Commission ne l’avait pas évoquée dans la demande en nullité et qu’elle y a fait référence, pour la première fois, dans son mémoire devant la chambre de recours. Il n’en reste pas moins que cette directive ne saurait être regardée comme un élément de preuve que les parties devant la chambre de recours doivent produire en temps utile. Cette directive, publiée au Journal officiel de l’Union européenne, constitue un élément du droit de l’Union et fait, dès lors, partie des données de droit dont les parties peuvent faire état à n’importe quel stade de la procédure devant l’OHMI et que ce dernier non seulement peut, mais, le cas échéant, doit prendre en considération d’office….. Bien que cette directive ne porte pas sur le droit de la propriété intellectuelle, mais sur la réception des véhicules à moteur et de leurs composants, l’OHMI, qui, aux termes de l’article 115, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, est un organisme de l’Union, ne saurait être censé ignorer le droit de l’Union.
- L’héraldisme s’accompagne d’une description « Sur fond azur, un cercle composé de douze étoiles d’or à cinq rais dont les pointes ne se touchent pas ». Comment apprécier le risque de confusion entre l’azur et le bleu ? Mais l’héraldisme ne distingue pas les tons des couleurs.
37 L’interdiction d’imitation d’un emblème concerne cependant uniquement les imitations de celui-ci du point de vue héraldique, c’est‑à‑dire celles qui réunissent les connotations héraldiques qui distinguent l’emblème des autres signes. Ainsi, la protection contre toute imitation du point de vue héraldique se réfère non à l’image en tant que telle, mais à son expression héraldique. Aussi y a‑t‑il lieu, afin de déterminer si la marque comprend une imitation du point de vue héraldique, de considérer la description héraldique de l’emblème en cause. Il y a toutefois lieu de préciser que toute différence entre la marque concernée et l’emblème, détectée par un spécialiste de l’art héraldique, ne sera pas nécessairement perçue par le consommateur moyen qui, en dépit de différences au niveau de certains détails héraldiques, peut voir dans la marque une imitation de l’emblème en question…
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39 En l’espèce, la chambre de recours a commencé par procéder, aux points 32 à 41 de la décision attaquée, à une comparaison entre l’emblème QO 0927 reproduit au point 8 ci‑dessus (ci‑après, le « drapeau européen ») et la marque en cause. Elle s’est d’abord référée à la description héraldique du drapeau européen telle que produite par la Commission. Cette description, qui figure également au point 43 de l’arrêt ECA, point 23 supra, est rédigée en les termes suivants :
« Sur fond azur, un cercle composé de douze étoiles d’or à cinq rais dont les pointes ne se touchent pas. »
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41 Au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé ce qui suit :
« Dans le domaine de l’héraldique, la couleur ‘bleue’ existe ; c’est donc la même couleur qui est utilisée dans les deux cas. La différence entre la couleur ‘azur’ et le ton de bleu utilisé par la marque communautaire attaquée est également trop insignifiante pour pouvoir, en toute hypothèse, être remarquée. »
42 C’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il existait, tout au plus, une différence de couleur insignifiante entre le fond de la marque en cause et celui du drapeau européen. Il convient de noter à cet égard que, dans la terminologie héraldique anglaise et française le terme « azur » désigne la couleur bleue. En outre, l’héraldique ne distingue pas entre différents tons d’une même couleur. Ainsi, la représentation du drapeau européen avec le ton de la couleur bleu utilisée dans la marque en cause resterait fidèle à la description héraldique de cet emblème.
43 Au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a poursuivi en développant les considérations suivantes, qui sont également correctes dès lors qu’elles découlent de la jurisprudence mentionnée au point 37 ci-dessus :
« D’un point de vue héraldique, la disposition des étoiles est dépourvue de signification. Toutefois, un spécialiste du domaine de l’héraldique percevra immédiatement la différence de couleur des étoiles. D’un point de vue héraldique, surtout au regard du fait que seules quatre couleurs et deux métaux sont utilisés, il existe une différence entre les cercles d’étoiles respectifs. Cette différence ne sera toutefois pas nécessairement perçue par le public ciblé ; ce dernier y verra encore moins une différence héraldique ».
44 Sur la base de ces considérations, la chambre de recours a correctement conclu, au point 41 de la décision attaquée, que le signe compris dans la marque en cause constituait une imitation, au se sens de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous a), de la convention de Paris, du drapeau européen. Cette conclusion n’est d’ailleurs pas spécifiquement contestée par la requérante.
- Le lien entre la marque en cause et l’Union et le Conseil de l’Europe retenu par la Chambre de Recours
46 Pour parvenir à cette conclusion, la chambre de recours s’est d’abord référée, au point 43 de la décision attaquée, à la directive 2007/46, et elle a mis en exergue le fait que cette directive établissait un cadre harmonisé contenant les dispositions administratives et les exigences techniques applicables à la réception des véhicules neufs relevant de son champ d’application, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques destinés à ces véhicules. Elle a également souligné que cette directive contenait aussi des dispositions applicables à la vente et à la mise en service des pièces et des équipements destinés à des véhicules réceptionnés et que, aux fins de son application, des exigences techniques spécifiques concernant la construction et le fonctionnement des véhicules étaient fixées dans des actes réglementaires. …
- Sur l’examen global de la marque, la présence de ce drapeau élargit le risque de confusion
64 ……. Il convient en effet de relever que ni l’existence des deux éléments verbaux de la marque en cause ni l’image du croisillon au milieu de cette marque ne sont de nature à exclure l’établissement, par le public visé, d’un lien entre, d’une part, la requérante et les produits couverts par la marque en cause et, d’autre part, les institutions, les organes ou les organismes de l’Union ou d’une autre organisation internationale intergouvernementale qui utilise le drapeau européen. L’image du croisillon sera, sans doute, perçue par le public comme une allusion directe aux produits couverts par la marque en cause. Quant aux éléments verbaux, ils sont de nature à rendre plus probable l’établissement, dans l’esprit du public, d’un lien entre les produits en cause et l’Union. Tel est, en particulier, le cas du terme « services » qui, compte tenu également du fait que la marque en cause ne vise que des produits, pourrait être perçu comme une référence à des services d’homologation, de contrôle de qualité ou de garantie des produits couverts par la marque en cause, fournis par une agence officielle de l’Union. Le terme « european », qui fait partie de la dénomination de plusieurs institutions, organes ou organismes de l’Union, est également de nature à renforcer cette probabilité.
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68 Doit également être rejeté l’argument de la requérante, selon lequel le public professionnel pertinent connaît la marque en cause et est conscient du fait qu’elle renvoie à la requérante. Il convient d’emblée de relever que si, certes, la requérante a avancé cet argument également durant la procédure devant les instances de l’OHMI, elle ne l’a étayé d’aucun élément de preuve. Or, à défaut de tels éléments, l’affirmation d’une connaissance généralisée du fait que la marque en cause renvoie à la requérante ne peut pas être admise. Contrairement à ce que semble considérer la requérante, le seul fait que la marque en cause figurait sur le registre des marques communautaires depuis 2002 n’est pas suffisant à cet égard, faute de preuves d’une utilisation réelle de ladite marque pendant cette période. En tout cas, ce qui importe, du point de vue de l’application de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), de la convention de Paris, est la connaissance de l’absence de tout lien entre la requérante et ses produits, d’une part, et l’Union, d’autre part. Or, en raison de la présence dans la marque en cause d’une imitation du drapeau européen, même les membres du public pertinent conscients de ce que cette marque renvoie à la requérante et à ses produits pourraient être amenés à croire que ces produits bénéficient d’une approbation ou d’une garantie de l’Union.