L’aspect figuratif d’un signe ne le dispense pas de l’examen des critères requis pour la marque

Toujours une demande  de marque tridimensionnelle, l’arrêt du 6 septembre 2012, C‑96/11, pose clairement la distinction entre l’aspect figuratif et la fonction essentielle attendue du signe pour qu’il constitue une marque valable.

  • 10 juin 2005, dépôt de la demande de marque par Storck KG.

L’arrêt précise  qu’il s’agit de la forme d’une souris en chocolat « et qui, selon la description contenue dans la demande, est de couleur brune »

Pour : «Sucreries, chocolat et produits en chocolat, pâtisserie fine» de la classe 30 .

 

  • 16 janvier 2006, l’examinateur rejette la demande « sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, considérant que le signe en cause était dépourvu de caractère distinctif dans la mesure où la forme en question était non pas une configuration spéciale, individuelle ou inhabituelle qui aurait divergé de manière significative des formes existantes, mais uniquement une variante des présentations courantes et typiques. »
  • 30 janvier 2006, Storck KG forme un recours auprès de l’OHMI.
  • 12 novembre 2008 : la chambre de recours de l’OHMI rejette le recours. « la forme en cause n’était pas suffisamment éloignée des configurations usuelles, ni par la forme de base de la pièce moulée, qui est habituellement utilisée pour des bonbons ou des pralines, ni par la réalisation de la face supérieure sur laquelle est ménagé un relief représentant un animal, de sorte que le public pertinent n’y verrait pas une référence à l’origine commerciale »
  • 15 janvier 2009, Storck KG dépose un recours devant le Tribunal.
  • 17 décembre 2010, le Tribunal rejette le recours.
  • Pourvoi de Storck KG,  la Cour va également rejeter ce pourvoi !

Deux points méritent d’être rappelés.

L’un sur l’existence du caractère figuratif du signe « 39      Par ailleurs, il convient de souligner que la présence d’un élément figuratif ne suffit pas, à elle seule, à établir que la marque possède un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Il convient toujours de vérifier si une telle marque permet au consommateur moyen du produit concerné, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, ce produit de ceux d’autres entreprises »

L’autre sur une éventuelle erreur dans la traduction d’un arrêt rédigé en allemand :

« le point 30 de l’arrêt Mag Instrument/OHMI, précité, dans le sens que le consommateur «n’est pas habitué» («ist es nicht gewöhnt») à percevoir la forme d’un produit comme indication de sa provenance, au lieu de se fonder sur la formule selon laquelle le consommateur ne le fait «habituellement pas» («gewöhnlich nicht»), ce qui correspond à la version en langue allemande. Selon Storck, une telle approche rend pratiquement impossible d’établir le caractère distinctif. L’erreur commise par l’OHMI aurait conduit à un glissement de sens ayant une incidence sur la décision litigieuse, et le Tribunal se serait fondé sur une traduction imprécise dans la version en langue française de ladite jurisprudence ».

Et la réponse de la Cour  : « 52  L’examen des deux formules linguistiques par le Tribunal n’ayant pas permis de conclure que l’utilisation de la citation sur laquelle s’est fondée la chambre de recours a conduit à une telle exclusion, aucune erreur juridique ne saurait dès lors lui être reprochée ».

QPC posée à l’occasion d’une inscription au patrimoine culturel immatériel qui vise des pratiques, des représentations, des expressions, des connaissances et du savoir-faire.

QPC posée à l’occasion de la proposition d’inscription début 2011 de la tauromachie par le Ministre de la Culture au patrimoine culturel immatériel qui vise des pratiques, des représentations, des expressions, des connaissances et du savoir-faire, et qui viendra devant le Conseil Constitutionnel le 11 septembre 2012..

Avec ce post, chacun comprendra aussi que les questions relatives à « l’immatériel  » ne sont pas que de pures abstractions !


Ce blog s’intéresse à différentes problématiques associées à la réservation et à l’exploitation de signes et de données matériels ou immatériels qu’ils appartiennent à des personnes de droit privé ou soumises aux règles du droit public.

Différentes mécanismes de réservation des biens de la personne publique existent. Parmi ceux-ci, le patrimoine culturel immatériel.

La loi n° 2006-791 du 5 juillet 2006 a autorisé l’approbation de la convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

L’article 2 de cette convention  définit le patrimoine culturel immatériel comme l’ensemble des  « pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire -ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés- que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. »

Personne ne s’étonnera que cette énumération soit rappelée à ce blog. La variété  de ces « pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire » s’illustre dans la question soumise au Conseil Constitutionnel par le Conseil d’Etat, et souligne la difficulté de mise en œuvre de ces outils juridiques.

Début 2011, le Ministre de la Culture propose l’inscription de la tauromachie au patrimoine culturel immatériel français.

Recours de différentes associations devant la juridiction administrative.

A cette occasion, – nous n’entrons pas dans l’examen des circonstances qui ont amené à l’examen de cet article – , le  20 juin 2012, le Conseil d’Etat  transmet au Conseil Constitutionnel pour contrôle l’exception prévue à l’article 521-1 du Code pénal

«  Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende.

…….

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être inssenti voquée. ……»

Cette affaire viendra à l’audience du 11 septembre 2012 du Conseil Constitutionnel.

 

La loi du 21 juin 2004 a-t-elle ajouté un formalisme spécifique pour que soient prononcées des mesures d’interdiction effectives sur Internet en cas d’atteinte à des droits d’auteur ?

La loi du 21 juin 2004 a-t-elle ajouté un formalisme spécifique pour que le juge prononce des mesures effectives d’interdiction sur Internet  en cas d’atteinte aux droits d’auteur d’un photographe sur Internet ?

La Cour de cassation par son arrêt du 12 juillet 2012 le dit : Il n’y a pas d’obligation générale de surveillance.

Brièvement les faits

Un photographe prend différentes photographies d’un chanteur et acteur. Ce photographe donne mandat à la société H et K de les commercialiser;

Or, sans aucune autorisation ni de l’agence ni du photographe, deux sites présentent ces photographies www. Aufeminin. com de la société éponyme et le moteur de recherches Google Images sur le site http :// images. google. fr,

La procédure et les notifications

27 novembre 2008 : notification est faite à la société Aufeminin. com

9 décembre 2008 : assignation en référé à l’encontre de la société Google Inc. qui s’était alors engagée à procéder au retrait de la photographie litigieuse,

21 janvier 2009 : nouvelles notifications aux sociétés Google France et Google Inc.,

La photographie  litigieuse demeure accessible  sur les sites.

Nouvelles assignations contre les sociétés  Google Inc., Google France et la société Aufeminin. com aux fins de voir constater l’exploitation contrefaisante de la photographie,  de voir ordonner la suppression de cette photographie sur les sites ci-dessus indiqués et d’obtenir réparation de leur préjudice patrimonial et du préjudice moral de l’auteur ;

L’arrêt confirme le jugement, différentes condamnations sont prononcées notamment des mesures d’interdiction sous astreinte de présenter la photographie litigieuse.

la cassation de l’arrêt

Différents moyens de cassation étaient invoqués par les sociétés Google et Aufeminin.com.

De ceux-ci , nous ne retiendrons que celui qui a amené à la cassation

Vu l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 en ses dispositions I. 2, I. 5 et I. 7 ;

Attendu que, pour refuser aux sociétés Aufeminin. com, Google Inc et Google France le bénéfice des dispositions du texte susvisé et leur faire interdiction de poursuivre les agissements incriminés sous astreinte, l’arrêt retient que, dûment informées des droits de M. X…, elles n’ont pas pris les mesures utiles de nature à prévenir de nouvelles mises en ligne de la photographie litigieuse et qu’il importe peu que cette photographie soit accessible à partir d’une adresse différente de celle portée dans le constat du 28 novembre 2008 dès lors qu’il incombe au prestataire de services d’hébergement ayant reçu notification de l’oeuvre à laquelle il est porté atteinte et des droits de propriété intellectuelle qui la protègent de prendre les mesures nécessaires pour empêcher qu’elle soit à nouveau mise en ligne ;

Qu’en se prononçant ainsi, quand la prévention et l’interdiction imposées à la société Aufeminin. com, en tant qu’hébergeur, et aux sociétés Google, en tant que prestataires de services de référencement, pour empêcher toute nouvelle mise en ligne de l’image contrefaisante, sans même qu’elles en aient été avisées par une autre notification régulière pourtant requise pour qu’elles aient effectivement connaissance de son caractère illicite et soient alors tenues d’agir promptement pour la retirer ou en rendre l’accès impossible, aboutit à les soumettre, au-delà de la seule faculté d’ordonner une mesure propre à prévenir ou à faire cesser le dommage lié au contenu actuel du site en cause, à une obligation générale de surveillance des images qu’elles stockent et de recherche des reproductions illicites et à leur prescrire, de manière disproportionnée par rapport au but poursuivi, la mise en place d’un dispositif de blocage sans limitation dans le temps, la cour d’appel a violé les dispositions susvisées » ;

 

Vente en ligne d‘ordinateurs équipés d’un système d’exploitation : s’agit-il d’une pratique contraire à l’article L122-1 du Code de la consommation ?

Vente en ligne d‘ordinateurs équipés d’un système d’exploitation : s’agit-il d’une pratique contraire à l’article L122-1 du Code de la consommation ? L’arrêt du 12 juillet 2012 de la Cour de cassation illustre cette problématique quand la société a deux sites l’un s’adressant aux particuliers, l’autre aux professionnels.

Une société propose sur son site internet des ordinateurs équipés d’un logiciel d’exploitation.

Une association de consommateur considère que cette pratique commerciale est contraire à l’article L. 122-1 du Code de la consommation :

« Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 120-1.

Cette disposition s’applique à toutes les activités visées au dernier alinéa de l’article L. 113-2.

….. »

La Cour de Versailles fait droit à la demande de l’association  et juge « que la vente d’ordinateurs prééquipés d’un logiciel d’exploitation sans possibilité offerte au consommateur d’acquérir le même ordinateur sans le logiciel d’exploitation, constitue une pratique commerciale déloyale » et interdit « à la société de vendre sur son site Internet des ordinateurs avec logiciels d’exploitation préinstallés sans offrir à l’acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction de la fraction du prix correspondant au coût de leur licence d’utilisation ».

Pourvoi en cassation de la société.

12 juillet 2012 : la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour de Versailles au motif que ;

si cet arrêt retient

« d’une part, que cette pratique est contraire aux exigences de la diligence professionnelle puisque la société, qui prétend n’être que distributeur, se trouve toutefois en lien direct avec le constructeur lequel s’il n’a que des droits d’utilisation tirés de la licence qui lui a été concédée conserve un intérêt à adapter sa concession de licence à la demande en s’adressant à l’éditeur du logiciel d’exploitation, que la société ne peut justifier l’absence de proposition d’ordinateurs sans préinstallation puisqu’elle les propose aux professionnels et qu’il n’existe pas d’obstacle technique à l’absence de proposition sans préinstallation, ni à la désactivation lors de la vente, d’autre part, que cette pratique est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen auquel elle s’adresse puisque l’absence d’information sur la valeur d’éléments substantiels comme le prix du logiciel d’exploitation réduit ses choix en ce qu’il ne peut comparer leur valeur avec d’autres propositions, que surtout il se trouve privé de la possibilité d’acquérir sans logiciel et peut être ainsi amené à prendre une décision à propos de l’achat d’un ordinateur qu’autrement il n’aurait pas prise »

cet arrêt a constaté néanmoins :

« que la société soulignait, sans être démentie, que le consommateur pouvait en s’orientant sur le site dédié aux professionnels trouver des ordinateurs « nus », mais que l’installation d’un système d’exploitation libre restait une démarche délicate dont elle ne pourrait pas garantir la réussite, la cour d’appel qui s’est fondée sur des motifs desquels il ne résulte pas que la vente litigieuse présentait le caractère d’une pratique commerciale déloyale, a violé le texte susvisé »

 

Contrat de licence : « Vente en ligne » de logiciels puis revente d’occasion ou de seconde main, et le recours à des dispositifs techniques de protection. Les solutions de l’arrêt du 3 juillet 2012

La licence de logiciel vendue en ligne est-elle incessible par cet acheteur à un tiers ?c’est là une question récurrente à laquelle les contrats répondent souvent par la négative.

L’arrêt rendu le 3 juillet 2012 par la Cour de Justice de l’Union dans l’affaire C‑128/11, sur une demande de décision préjudicielle du Bundesgerichtshof dans le litige UsedSoft GmbH contre Oracle International Corp., est important pour la vente en ligne de logiciels de seconde main :

1)      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, doit être interprété en ce sens que le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si le titulaire du droit d’auteur, qui a autorisé, fût-il à titre gratuit, le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’Internet, a également conféré, moyennant le paiement d’un prix destiné à lui permettre d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de durée.

2)      Les articles 4, paragraphe 2, et 5, paragraphe 1, de la directive 2009/24 doivent être interprétés en ce sens que, en cas de revente d’une licence d’utilisation emportant la revente d’une copie d’un programme d’ordinateur téléchargée à partir du site Internet du titulaire du droit d’auteur, licence qui avait été initialement octroyée au premier acquéreur par ledit titulaire du droit sans limitation de durée et moyennant le paiement d’un prix destiné à permettre à ce dernier d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de ladite copie de son œuvre, le second acquéreur de ladite licence ainsi que tout acquéreur ultérieur de cette dernière pourront se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive et, partant, pourront être considérés comme des acquéreurs légitimes d’une copie d’un programme d’ordinateur, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, et bénéficier du droit de reproduction prévu à cette dernière disposition.

A noter néanmoins :

86      Il convient toutefois de rappeler que, si la licence acquise par le premier acquéreur porte sur un nombre d’utilisateurs dépassant les besoins de celui-ci, cet acquéreur n’est pas autorisé, par l’effet de l’épuisement du droit de distribution prévu à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24, à scinder cette licence et à revendre uniquement le droit d’utilisation du programme d’ordinateur concerné correspondant à un nombre d’utilisateurs qu’il aura déterminé, ainsi que cela est exposé aux points 69 à 71 du présent arrêt.

87      Par ailleurs, il doit être souligné que le titulaire du droit d’auteur, tel qu’Oracle, est en droit, en cas de revente d’une licence d’utilisation emportant la revente d’une copie d’un programme d’ordinateur téléchargée à partir de son site Internet, de s’assurer, par tous les moyens techniques à sa disposition, que la copie dont dispose encore le vendeur soit rendue inutilisable.