Marque sur la forme du produit annulée par la Cour de Paris

La  Cour de Paris par son arrêt du 21 octobre 2011 annule une marque tridimensionnelle, c’est à dire que le signe enregistré porte sur la forme du produit, en retenant que cette marque ne peut pas remplir  « son rôle certifiant l’origine du produit ». Le Tribunal avait jugé dans le même sens

La marque enregistrée qui remontait au 3 avril 1998 ,  portait sur la forme d’un mixer

La motivation de la Cour pour annuler cet enregistrement :

Considérant que les éléments revendiqués par la société Whirlpool comme distinctifs de sa marque à savoir la forme cylindrique et arrondie de la tête aux extrémités et le pied courbé s’élargissant vers le socle ne sont pas de nature à permettre l’identification pour le consommateur concerné de l’origine du produit visé dans l’enregistrement, au vu de la banalité de la marque et ne lui permettent pas, à la seule vue de la marque, de percevoir une origine distincte, la forme déposée ne se différenciant pas de manière significative de celle déjà connue du mixeur Sunbean qui comporte une forme arrondie de la tête et de divers batteurs mixeurs tels que le chef classic KM 410 et KM 420 et le chef KM 300, composés d’un pied destiné à recevoir le bol, pied qui, comme le note à juste titre le tribunal, s’il est plus large que celui du signe en cause, s’évase légèrement vers le bas également dans une forme arrondie ;

Que le bandeau et la protubérance cylindrique sur la partie frontale du capot ne confèrent pas davantage à l’ensemble de la marque son caractère distinctif ;

Que la marque ne peut, par voie de conséquence, remplir son rôle certifiant l’origine du produit ;

A noter également que cet arrêt confirme le jugement en ce qu’il a retenu des actes parasitaires par les emplois d’une couleur rouge particulière et de la lettre K dans des publicités.

Des dispositifs de protection des droits d’auteur ne peuvent pas porter atteinte à la liberté d’entreprise, à la protection des données à caractère personnel et à la liberté de recevoir ou de communiquer des informations

Comment concilier :

  • le droit de propriété intellectuelle, d’une part,
  • et la liberté d’entreprise, le droit à la protection des données à caractère personnel et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, d’autre part.

droit d'auteur, liberté d'entreprendre, données personnelles, droit à l information DROIT D'AUTEUR? LIBERTE Une réponse est donnée par la CJUE dans son arrêt du 24 novembre 2011, C-70/10, Scarlet Extended contre Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs, [ ici ]  à propos d’une mesure de filtrage du contenu téléchargé sur Internet :

–          prévue par la loi belge,

–          à la requête d’une société de gestion des droits des auteurs,

–          contre un fournisseur d’accès à Internet,

La CJUE  dans cet arrêt important du 24 novembre 2011 dit que la législation européenne s’oppose « à une injonction faite à un fournisseur d’accès à Internet de mettre en place un système de filtrage

–        de toutes les communications électroniques transitant par ses services, notamment par l’emploi de logiciels «peer-to-peer»;

–        qui s’applique indistinctement à l’égard de toute sa clientèle;

–        à titre préventif;

–        à ses frais exclusifs, et

–        sans limitation dans le temps,

capable d’identifier sur le réseau de ce fournisseur la circulation de fichiers électroniques contenant une œuvre musicale, cinématographique ou audiovisuelle sur laquelle le demandeur prétend détenir des droits de propriété intellectuelle, en vue de bloquer le transfert de fichiers dont l’échange porte atteinte au droit d’auteur. »

 

La liste des directives invoquées par la CJUE est éloquente  :

–          2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»);

–          2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information;

–        2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle;

–        95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et

–        2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques),

La Cour est particulièrement sévère contre ce type de dispositif :

(47)        …..cette surveillance étant en outre illimitée dans le temps, visant toute atteinte future et supposant de devoir protéger non seulement des œuvres existantes, mais également celles futures qui n’ont pas encore été créées au moment de la mise en place dudit système.

(48)      ….une telle injonction entraînerait une atteinte caractérisée à la liberté d’entreprise du FAI concerné puisqu’elle l’obligerait à mettre en place un système informatique complexe, coûteux, permanent et à ses seuls frais, ce qui serait d’ailleurs contraire aux conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/48, qui exige que les mesures pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle ne soient pas inutilement complexes ou coûteuses.

(50)      De plus, les effets de ladite injonction ne se limiteraient pas au FAI concerné, le système de filtrage litigieux étant également susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux des clients de ce FAI, à savoir à leur droit à la protection des données à caractère personnel ainsi qu’à leur liberté de recevoir ou de communiquer des informations, ces droits étant protégés par les articles 8 et 11 de la charte.

51      En effet, il est constant, d’une part, que l’injonction de mettre en place le système de filtrage litigieux impliquerait une analyse systématique de tous les contenus ainsi que la collecte et l’identification des adresses IP des utilisateurs qui sont à l’origine de l’envoi des contenus illicites sur le réseau, ces adresses étant des données protégées à caractère personnel, car elles permettent l’identification précise desdits utilisateurs.

52      D’autre part, ladite injonction risquerait de porter atteinte à la liberté d’information puisque ce système risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d’entraîner le blocage de communications à contenu licite. En effet, il n’est pas contesté que la réponse à la question de la licéité d’une transmission dépende également de l’application d’exceptions légales au droit d’auteur qui varient d’un État membre à l’autre. En outre, certaines œuvres peuvent relever, dans certains États membres, du domaine public ou elles peuvent faire l’objet d’une mise en ligne à titre gratuit de la part des auteurs concernés.

Buckfast marque enregistrée pour désigner des abeilles : une marque valable qui néanmoins ne permet pas d’interdire son emploi par des tiers pour désigner des abeilles

L’arrêt du 2 novembre 2011 [ ici ]qui a cassé un arrêt de la Cour de Metz, a été rendu à propos d’une espèce d’abeille : la Buckfast dont le nom avait été déposé et enregistré comme marque française.Arrêt du 2 novembre 2011 Buckfast marque pour désigner des abeilles

Cette marque Buckfast remonte à 1981 pour désigner « Elevage de reines, d’abeilles et plus généralement d’animaux.Reines, abeilles et plus généralement des animaux vivants ».

A cette date, nous dit l’arrêt, cette lignée d’abeilles bien que sélectionnée depuis 1929 n’était pas connue en France où les publications faisant état de ces abeilles datent  de 2001, 2002, 2003.

En 2003, dans une revue spécialisée dédiée aux apiculteurs, sont offertes à la vente des ruches peuplées « Buckfast Luxembourg ».

Le titulaire de la marque Buckfast poursuit en contrefaçon l’auteur de l’annonce, la Cour de Metz lui donne raison.

  • Ce n’est pas l’application de l’article L 711-2 qui a justifié cette cassation.

On sait que cet article du Code de la propriété intellectuelle apprécie le caractère distinctif de la marque au jour du dépôt de la demande d’enregistrement.

Article L711-2

Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés.

Sont dépourvus de caractère distinctif :

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service ;

c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.

Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l’usage.

Certes en 1980 Buckfast était déjà la désignation nécessaire, générique ou usuelle de ces abeilles mais la preuve de cette désignation en France n’a pas été apportée par celui qui était poursuivi en contrefaçon, ce qu’a vérifié la Cour de Metz et que contrôle la Cour de Cassation.

  • La cassation va intervenir sur le fondement de l’article L 716-1 du Code de la propriété Intellectuelle.

Cet article  prévoit les atteintes aux droits de la marque par des renvois aux articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4.

Mais les interdictions édictées à ces articles connaissent les limites posées par l’article L713-6

Article L713-6

L’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme :

a) Dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l’enregistrement, soit le fait d’un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ;

b) Référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, à condition qu’il n’y ait pas de confusion dans leur origine.

Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l’enregistrement peut demander qu’elle soit limitée ou interdite.

Et c’est sur le point b) « b) Référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit » que la Cour de cassation va casser l’arrêt de la Cour de Metz.

Pour la Cour de Cassation, la Cour de Metz aurait dû vérifier si en 2003 « les termes  » buckfast  » et  » buck  » n’étaient pas devenus, dans le langage des professionnels de l’apiculture, nécessaires pour désigner un certain type d’abeilles »

Certes il ne s’agit pas là ni de l’expression prévue au point b de l’article L713-6 ni sans doute de la situation pour laquelle cet article a été prévu, mais la personne poursuivie en contrefaçon n’ayant pas demandé la déchéance de la marque pour perte de son caractère distinctif, la Cour de Cassation a étendu le champ des exceptions aux interdictions d’emplois par les tiers de la marque.

La vente d’ordinateurs sans offrir la possibilité de les acheter sans les logiciels installés et sans indication du prix de ces logiciels, peut-elle encore durer ?

Est récurrente la question de la licéité de l’offre en vente d’ordinateurs  :

  • sans offrir à l’acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction du prix correspondant à leur licence d’utilisation,
  • sans indiquer le prix des logiciels pré-installés ;

c’est ce qui est souvent appeler la vente liée d’ordinateur avec les logiciels.

L’arrêt du 6 octobre de la Cour de cassation, ici,  ouvre une voie pour sanctionner ces pratiques :

Mais attention,

  • le fondement est un article dans son ancienne rédaction,
  • l’angle de la cassation qui est intervenue, était sur celui des informations à fournir au consommateur « relatives aux conditions d’utilisation des logiciels »
  • et le raisonnement qui avait été suivi par l’arrêt de la cour d’appel  consistait   :
    • à simplement identifier les logiciels équipant les ordinateurs,
    • à dire qu’en raison de leur aspect technique de telles informations ne se prêtent pas à la communication, nécessairement limitée, que peut effectuer un magasin non spécialisé,
    • et qu’il importe essentiellement que le consommateur moyen soit avisé que les ordinateurs proposés à la vente sont équipés de certains logiciels, précisément identifiés, ce qui lui permet, le cas échéant, de recueillir par lui-même des renseignements plus approfondis ;

C’est ce seul raisonnement qui n’est plus acceptable puisque que :

« ces informations, relatives aux caractéristiques principales d’un ordinateur équipé de logiciels d’exploitation et d’application, sont de celles que le vendeur professionnel doit au consommateur moyen pour lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause »

L’atteinte à la vie privée ne peut pas être légitimée par l’information du public

Les médias en particulier ceux présents sur Internet peuvent être amenés à diffuser des éléments recueillis dans un cadre privé.

L’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 6 octobre 2011, ici , limite singulièrement de telles diffusions

« constitue une atteinte à l’intimité de la vie privée, que ne légitime pas l’information du public, la captation, l’enregistrement ou la transmission sans le consentement de leur auteur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel