La marque est un droit absolu, mais un tiers peut-il citer une marque qui ne lui appartient pas pour désigner par exemple la destination de son propre produit ?
L’arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2015 rejette le pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel de Caen qui avait écarté le grief de contrefaçon de marque. L’arrêt est ici.
- Quelques passages des moyens au pourvoi sont à rappeler :
2°/ qu’en retenant, pour affirmer que la société E…….. n’avait pas contrefait la marque « X… », que, ne fabriquant pas de lieur électrique, elle n’avait d’autre choix, pour démontrer que ses attaches dégradables pouvaient être utilisées avec un lieur électrique, que d’utiliser l’appareil d’une entreprise concurrente et qu’il ne pouvait lui être fait grief d’avoir choisi le lieur électrique de la société X… plutôt qu’un autre, dès lors qu’il était couramment utilisé dans la profession, ce dont il résultait que les attaches dégradables de la société E….. étaient compatibles avec n’importe quel lieur électrique et pas uniquement avec le lieur électrique de la société X…, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il s’évinçait que l’usage de la marque « X… » n’était nullement nécessaire pour informer la clientèle de la destination des produits de la société E…… , et a violé les articles L. 713-2 et L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ que l’usage nécessaire de la marque ne doit pas créer de confusion sur l’origine des produits ; que M. X… et les sociétés X… et RD investissements faisaient valoir, en cause d’appel, que la société E….. avait sciemment entretenu une confusion sur l’origine des produits, en adoptant soudainement, pour sa publicité lors du salon S….. , le vocable « attache », évoquant l’« attacheur » de la société X…, quand elle utilisait jusqu’alors, de manière exclusive, les termes « lien » ou « ficelle » ; qu’en affirmant que l’usage fait par la société E….. du lieur électrique revêtu de la marque « X… » n’avait créé aucune confusion sur l’origine des produits, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
- L’analyse de ces arguments par la Cour de cassation
Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt relève que la présentation réalisée de façon visuelle et concrète par la société E…… avait pour seul but de convaincre les professionnels de la viticulture que ses attaches dégradables pouvaient être conformées et coupées par un lieur électrique ; qu’il retient que, ne fabriquant pas un tel outil, cette société n’avait, pour les besoins de sa démonstration, pas d’autre moyen que de faire usage d’un lieur électrique commercialisé par une entreprise concurrente et que, la société X… se présentant elle-même comme le leader mondial de la mécanisation en viticulture, il ne peut être fait grief à la société E….. d’avoir choisi d’employer l’appareil de cette société, couramment utilisé dans la profession ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que l’information compréhensible et complète sur la compatibilité entre les attaches dégradables et l’utilisation des lieurs électriques ne pouvait, en pratique, être communiquée au public par la société E…… sans qu’il soit fait usage de la marque « X… » dont elle n’était pas titulaire, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que l’arrêt relève que la société E….. n’a pas présenté son produit comme équivalent ou simplement substituable à ceux que la société X… commercialisait elle-même ; qu’il constate qu’elle n’a reproduit la marque « X… » ni sur ses produits, ni sur leurs emballages, ni dans sa documentation commerciale saisie à l’occasion du salon S….. , laquelle vantait les mérites des attaches pour lieurs électriques « P…. », conditionnées de façon parfaitement visible sous cette marque ; que de ces constatations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que l’usage du lieur électrique X… n’avait pas été de nature à créer une confusion entre l’origine de cet outil et celle de l’attache ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;