Devant quel juge, l’auteur doit-il engager son action en contrefaçon en cas de vente sur Internet depuis un site étranger ?

Face à des actes argués de contrefaçon par la vente sur Internet pour lesquels différentes sociétés interviennent depuis plusieurs états étrangers, devant quel juge le titulaire des droits doit il engager son action en indemnisation ?

L’arrêt du 3 octobre 2013 de la Cour de Justice invite à la multiplication des procédures !

  • Les faits

9        M. Pinckney, qui réside à Toulouse (France), prétend être l’auteur, le compositeur et l’interprète de douze chansons enregistrées par le groupe Aubrey Small sur un disque vinyle.

10      Après avoir découvert que ces chansons avaient été reproduites sans son autorisation sur un disque compact (CD) pressé en Autriche par Mediatech, puis commercialisé par les sociétés britanniques Crusoe ou Elegy par l’intermédiaire de différents sites Internet accessibles depuis son domicile toulousain, il a assigné le 12 octobre 2006 Mediatech devant le tribunal de grande instance de Toulouse, aux fins d’obtenir la réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à ses droits d’auteur.

Il y a donc un auteur français qui voit l’atteinte à ses droits par :

–          une société anglaise,

–          une société autrichienne,

–          et encore deux sociétés britanniques.

  • Devant quel juge doit-il engager son action, les juges de Toulouse redent des décisions opposées, et c’est la Cour de cassation qui interroge la Cour de Justice de l’Union européenne ?

11      Mediatech a soulevé l’incompétence des juridictions françaises. Par une ordonnance du 14 février 2008, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulouse a rejeté cette exception d’incompétence au motif que le seul fait que M. Pinckney ait pu acheter les disques en cause depuis son domicile français, sur un site Internet ouvert au public français, suffisait à établir un lien substantiel entre les faits et le dommage allégué, justifiant la compétence du juge saisi.

12      Mediatech a formé appel de ce jugement, en faisant valoir que les CD avaient été pressés en Autriche, où elle a son siège, à la demande d’une société britannique qui les commercialise par l’intermédiaire d’un site Internet. Ainsi, selon elle, sont seules compétentes soit les juridictions du lieu du domicile du défendeur, qui se trouve en Autriche, soit celles du lieu de réalisation du dommage, c’est-à-dire celles du lieu où la faute imputée a été commise, à savoir le Royaume-Uni.

13      Par un arrêt du 21 janvier 2009, la cour d’appel de Toulouse a écarté la compétence du tribunal de grande instance de Toulouse, au motif que le lieu du domicile du défendeur est l’Autriche et que le lieu de réalisation du dommage ne peut se situer en France, sans qu’il soit besoin d’examiner les responsabilités respectives de Mediatech et des sociétés Crusoe ou Elegy, faute d’allégation de complicité de ces dernières avec Mediatech.

14      M. Pinckney a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt en invoquant la violation de l’article 5, point 3, du règlement. Il a fait valoir que la compétence du juge français est fondée et que son recours a été indûment rejeté.

15      C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 5, point 3, du [règlement] doit-il être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur commise au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet,

–        la personne qui s’estime lésée a la faculté d’introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été, à l’effet d’obtenir réparation du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie,

ou

–        il faut, en outre, que ces contenus soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet État membre, ou bien qu’un autre lien de rattachement soit caractérisé?

2)      La première question posée doit-elle recevoir la même réponse lorsque l’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur résulte non pas de la mise en ligne d’un contenu dématérialisé, mais, comme en l’espèce, de l’offre en ligne d’un support matériel reproduisant ce contenu?»

  • Le  3 octobre 2013, la Cour de justice de l’Union européenne :

L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur garantis par l’État membre de la juridiction saisie, celle-ci est compétente pour connaître d’une action en responsabilité introduite par l’auteur d’une œuvre à l’encontre d’une société établie dans un autre État membre et ayant, dans celui-ci, reproduit ladite œuvre sur un support matériel qui est ensuite vendu par des sociétés établies dans un troisième État membre, par l’intermédiaire d’un site Internet accessible également dans le ressort de la juridiction saisie. Cette juridiction n’est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre dont elle relève.

 

Contrefaçon de meubles : la Cour de cassation rappelle que les meubles peuvent aussi bénéficier de la protection par le droit d’auteur.

L’arrêt du29 janvier 2013 de la Cour de cassation est important. Il reconnait à des meubles le bénéfice de la protection par le droit d’auteur quand les juridictions du fond actuellement l’ignorent le plus souvent, pour n’appliquer que celle des modèles.

Les faits sont emblématiques de cette appréciation exclusive : des droits d’auteur étaient reconnus à un protocole transactionnel, que la Cour d’appel n’a pas retenus

Vu les articles 1134 et 2052 du code civil ;

Attendu que pour déclarer irrecevable M. X… à agir pour la défense de son droit moral d’auteur sur le modèle de meuble  » 4 bacs « , l’arrêt retient que la reconnaissance de ses droits sur le meuble en litige, par la société Cades., dans le cadre du protocole d’accord du 26 novembre 2007, ne suffit pas à établir qu’il en est le créateur ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il résulte de ce protocole que M. X… a créé le modèle  » 4 bacs « , objet de la transaction, la cour d’appel a, en méconnaissant l’autorité de la chose jugée attachée à cette dernière, violé les textes susvisés ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en sa première branche :

Vu les articles 18 du règlement CE n° 6/ 2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires et 1315 du code civil ;

Attendu que pour déclarer irrecevable M. X… à agir pour la défense de son droit moral d’auteur sur le modèle de meuble  » centre de pièce « , l’arrêt retient que la mention de son nom, en qualité de créateur, dans les demandes d’enregistrement du modèle de meubles, ayant date certaine, n’était pas dénuée d’ambiguïté, compte tenu du nombre important de modèles déposés dans les mêmes conditions par la société Interior’s, laquelle est représentée par M. X… ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il appartenait à la société Cades de démontrer que M. X… n’était pas le créateur du modèle en cause, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;

Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle et 31 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l’action de M. X…, l’arrêt retient encore que les meubles  » 4 bacs  » et  » centre de pièce  » étaient dépourvus de caractère original ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’originalité des oeuvres éligibles à la protection au titre du droit d’auteur n’est pas une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Vu l’article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

Rejette le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a infirmé la décision entreprise en ce qu’elle a reconnu la qualité d’auteur de M. X… pour le modèle communautaire n° 000418439-0013 ainsi que la protection au titre du droit d’auteur de ce modèle et du modèle n° 000418439-0014, l’arrêt rendu le 21 septembre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement du 27 mai 2010 en toutes ses dispositions ;

 

QPC transmise par la Cour de Cassation à propos de l’exclusion du légataire de l’auteur du bénéfice du droit de suite.

Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmise par la Cour de Cassation à propos de l’exclusion  du légataire de l’auteur du bénéfice du droit de suite.

Le 12 juillet 2012, la Cour de Cassation interroge le Conseil Constitutionnel sur la conformité à la Déclaration des Droits de l’Homme de l’article L 123-7 du Code de la propriété intellectuelle qui exclut le légataire du droit de suite qui exclut le légataire de l’auteur après son décès du droit de suite.

Article L123-7 :

Après le décès de l’auteur, le droit de suite mentionné à l’article L. 122-8 subsiste au profit de ses héritiers et, pour l’usufruit prévu à l’article L. 123-6, de son conjoint, à l’exclusion de tous légataires et ayants cause, pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années suivantes.


Titularité des droits d’auteur et exploitation antérieure, l’arrêt de la Cour de cassation du 4 mai

La titularité des droits d’auteur offre l’occasion à de nombreux débats judiciaires, l’arrêt rendu le 4 mai par la Cour de cassation précise cette problématique au regard d’une exploitation antérieure.

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… déclare avoir créé des modèles de sandales qu’il a fait fabriquer en Thaïlande et qu’il commercialise en France avec la SARL La Marine, dans des braderies et sur les marchés ; qu’ayant constaté le 23 juin 2004, que des modèles de sandales reprenant, selon lui, les caractéristiques de ses modèles étaient offerts à la vente, lors de la braderie de Rennes, sur le stand tenu par Mme Y…et M. Z…, il a fait assigner ces derniers en contrefaçon de ses droits d’auteur et en concurrence déloyale, que la SARL La Marine est intervenue volontairement à l’instance ;

Sur le second moyen :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir débouté M. X… et la société La Marine de leur action en concurrence déloyale, alors, selon le moyen, qu’est constitutive d’une telle concurrence la commercialisation d’un produit sous une présentation de nature à générer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine des produits ; qu’en se bornant à relever que le nom commercial  » La Tresse  » ne prêterait pas à confusion avec la dénomination  » La Marine « , sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si ce terme ne rappelait pas le slogan utilisé par M. X… depuis nombreuses années, et si la reprise de cet élément de communication pour commercialiser des copies serviles des produits exploités par M. X… et la société La Marine n’était pas de nature à entraîner un risque de confusion dans l’esprit du public, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel qui a procédé à un examen précis des conditions dans lesquelles les sandales étaient présentées sur le stand tenu par la société La Marine et sur celui tenu par Mme Y…et M. Z…, et qui a pris en considération les dénominations utilisées par les parties pour accompagner la vente de leurs produits, a souverainement estimé que la clientèle n’était pas exposée à un risque de confusion ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l’article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que l’exploitation non équivoque d’une oeuvre par une personne physique ou morale sous son nom et en l’absence de revendication du ou des auteurs, fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre du droit de propriété incorporelle ;

Attendu que pour débouter M. X… de son action en contrefaçon, l’arrêt constate que celui-ci n’apportait aucun élément de nature à justifier de sa qualité d’auteur et retient qu’il n’était pas présumé titulaire des droits d’exploitation des modèles en cause qui avaient été vendus par des tiers à La Réunion et sur le marché de Chatuchak à Bangkok, avant qu’il ne commençât à les commercialiser ;

Qu’en statuant ainsi alors qu’il résultait de ses propres constatations, que M. X… justifiait d’actes non équivoques d’exploitation en France métropolitaine depuis juin 2001, la cour d’appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes formées au titre de la concurrence déloyale, l’arrêt rendu le 2 décembre 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ;

Condamne M. Z…et Mme Y…aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Accord entre 3 sociétés de gestion collectives et YouTube

Le 25 novembre, un accord pour la rémunération en cas d’exploitation des œuvres a été signé avec You Tube et trois sociétés de gestion collectives de droits des auteurs :

  • la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques),
  • la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimedia)
  • et  l’ADAGP (Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques)