arraybox demande de marque communautaire rejetée pour défaut de caractère distinctif dans le secteur de la production d’énergie et pour des appareils électriques

arraybox : une demande de marque communautaire rejetée pour défaut de caractère distinctif dans le secteur de la production d’énergie et pour des appareils électriques.

L’arrêt du 2 février 2012 dans l’affaire T‑321/09, skytron energy GmbH & Co. KG, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), illustre la démarche pour apprécier le caractère distinctif d’un signe.

 

La marque demandée est composée du signe verbal arraybox pour désigner des produits et des services des classes 9, 37, 38 et 42 (dont la liste est détaillée à l’arrêt).

Successivement l’examinateur et la chambre de recours rejettent la demande d’enregistrement pour absence de caractère distinctif .

Le Tribunal va aussi rejeter le recours.

  • Le rappel de la règle de droit

…..pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente, avec les produits ou les services en cause, un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de la catégorie des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques

  • La démarche méthodologique à suivre

l’appréciation du caractère descriptif d’un signe demandé, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, nécessite, d’abord, de déterminer la signification du signe verbal en cause et, ensuite, d’examiner, sur la base de cette signification, s’il existe, du point de vue du public ciblé, un rapport suffisamment direct et concret entre le signe et les catégories de produits ou de services pour lesquelles l’enregistrement est demandé

  • L’application pratique
  • Mais avant tout, la définition du public pertinent :

les produits et les services litigieux des classes 9, 37, 38 et 42 s’adressent au grand public et/ou à un public spécialisé du secteur de l’énergie.

21 Dans le dernier cas, la chambre de recours a estimé à raison que le niveau d’attention dont doit faire preuve le public pertinent est très élevé étant donné qu’il s’agit de produits et de services de haute technicité qui ne relèvent pas de la consommation courante

  • Puis la signification  :

..étant donné que le signe en cause est un mot composé de deux mots anglais, « array » et « box », il convient de prendre en compte, comme le fait valoir, à bon droit, la chambre de recours au point 18 de la décision attaquée, le point de vue linguistique du public anglophone des pays de l’Union européenne dont la langue officielle est l’anglais.

23 S’agissant de la signification du mot « arraybox » et, en particulier, du mot « array », la requérante fait valoir que celui-ci se réfère à un agencement déterminé d’objets, de composants, de données et, notamment, un agencement de cellules de mémoire RAM. Le terme allemand pour « array » est « Feld » (champ). Donc, il conviendrait de traduire le signe en cause par « Feldkiste » (coffret à champs).

29 En l’espèce, il convient de relever que rien ne permet d’identifier dans quelle mesure le mot « arraybox » recèle un écart perceptible par rapport aux termes « array » et « box » qui le composent. En effet, le mot « arraybox » sera immédiatement perçu par le public pertinent comme une somme des termes « array » et « box ». En particulier, dans le contexte des produits et des services visés par la demande de marque communautaire, le public concerné comprendra la combinaison des termes « array » et « box », juxtaposés pour former le mot « arraybox », en ce sens qu’il s’agit de données ou d’une cellule de mémoire contenues ou situées dans une boîte ou sur une puce, comme la chambre de recours l’a à bon droit relevé aux points 27 et 28 de la décision attaquée.

  • La recherche du rapport suffisamment direct et concret :

34 Il convient donc d’examiner si tous les produits et les services concernés ont pour objet un agencement de données ou de cellules de mémoire contenues ou situées dans une boîte ou sur une puce afin d’établir un rapport suffisamment direct et concret, au sens de la jurisprudence …., entre le signe en cause et ceux-ci

Le tribunal vérifie en la citant la démarche de la chambre de recours :

À cet égard, la chambre de recours a précisé, au point 30 de la décision attaquée, que tant les produits directement liés à la production ou à la distribution d’énergie que les autres produits relevant de la classe 9 contiennent, afin de fonctionner correctement, un agencement de données ou de cellules de mémoire sous la forme d’« arrays » dans un contenant en forme de caisse ou sur une puce se présentant sous la forme d’un bloc rectangulaire (ci-après la « boîte de données ») qui stocke, traite et analyse toutes les données qui permettent aux produits de fonctionner. S’agissant des services relevant de la classe 37, selon la chambre de recours (point 32 de la décision attaquée), ces boîtes de données qui se retrouvent à l’intérieur des équipements et des appareils d’installations de production d’énergie font l’objet de services de réparation, d’installation et de maintenance de production d’énergie. Quant aux services relevant de la classe 38, la chambre de recours a précisé, au point 33 de la décision attaquée, que tous ces services sont fournis à l’aide d’appareils électroniques ou électriques qui contiennent des boîtes de données de formes diverses, telles que des contenants en forme de caisses ou des puces. Finalement, pour ce qui concerne les services relevant de la classe 42, la chambre de recours a également constaté, au point 34 de la décision attaquée, que ces boîtes de données font l’objet desdits services d’ingénieurs dans le secteur de l’énergie dans la mesure où celles-ci sont continuellement améliorées et analysées dans la foulée des progrès techniques.

Buckfast marque enregistrée pour désigner des abeilles : une marque valable qui néanmoins ne permet pas d’interdire son emploi par des tiers pour désigner des abeilles

L’arrêt du 2 novembre 2011 [ ici ]qui a cassé un arrêt de la Cour de Metz, a été rendu à propos d’une espèce d’abeille : la Buckfast dont le nom avait été déposé et enregistré comme marque française.Arrêt du 2 novembre 2011 Buckfast marque pour désigner des abeilles

Cette marque Buckfast remonte à 1981 pour désigner « Elevage de reines, d’abeilles et plus généralement d’animaux.Reines, abeilles et plus généralement des animaux vivants ».

A cette date, nous dit l’arrêt, cette lignée d’abeilles bien que sélectionnée depuis 1929 n’était pas connue en France où les publications faisant état de ces abeilles datent  de 2001, 2002, 2003.

En 2003, dans une revue spécialisée dédiée aux apiculteurs, sont offertes à la vente des ruches peuplées « Buckfast Luxembourg ».

Le titulaire de la marque Buckfast poursuit en contrefaçon l’auteur de l’annonce, la Cour de Metz lui donne raison.

  • Ce n’est pas l’application de l’article L 711-2 qui a justifié cette cassation.

On sait que cet article du Code de la propriété intellectuelle apprécie le caractère distinctif de la marque au jour du dépôt de la demande d’enregistrement.

Article L711-2

Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés.

Sont dépourvus de caractère distinctif :

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service ;

c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.

Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l’usage.

Certes en 1980 Buckfast était déjà la désignation nécessaire, générique ou usuelle de ces abeilles mais la preuve de cette désignation en France n’a pas été apportée par celui qui était poursuivi en contrefaçon, ce qu’a vérifié la Cour de Metz et que contrôle la Cour de Cassation.

  • La cassation va intervenir sur le fondement de l’article L 716-1 du Code de la propriété Intellectuelle.

Cet article  prévoit les atteintes aux droits de la marque par des renvois aux articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4.

Mais les interdictions édictées à ces articles connaissent les limites posées par l’article L713-6

Article L713-6

L’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme :

a) Dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l’enregistrement, soit le fait d’un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ;

b) Référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, à condition qu’il n’y ait pas de confusion dans leur origine.

Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l’enregistrement peut demander qu’elle soit limitée ou interdite.

Et c’est sur le point b) « b) Référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit » que la Cour de cassation va casser l’arrêt de la Cour de Metz.

Pour la Cour de Cassation, la Cour de Metz aurait dû vérifier si en 2003 « les termes  » buckfast  » et  » buck  » n’étaient pas devenus, dans le langage des professionnels de l’apiculture, nécessaires pour désigner un certain type d’abeilles »

Certes il ne s’agit pas là ni de l’expression prévue au point b de l’article L713-6 ni sans doute de la situation pour laquelle cet article a été prévu, mais la personne poursuivie en contrefaçon n’ayant pas demandé la déchéance de la marque pour perte de son caractère distinctif, la Cour de Cassation a étendu le champ des exceptions aux interdictions d’emplois par les tiers de la marque.

Boitier de montre : aspect décoratif et absence de caractère distinctif

L’aspect décoratif peut -il donner un caractère distinctif à un signe qui en est par ailleurs dépourvu ?

Voyons la solution donnée par l’arrêt du TPICE du 6 juillet 2011 T-235/10

Timehouse GmbH demande pour « Joaillerie, bijouterie ; horlogerie et instruments chronométriques » la marque communautaire :


L’examinateur rejette la demande de marque pour défaut de caractère distinctif.

La Chambre de recours confirme le rejet : »un cadran circulaire, des aiguilles, un verre de montre légèrement saillant, un bouton de réglage et un boîtier rectangulaire » étant « habituels de la configuration des montres en général. En ce qui concerne le bord dentelé de la face supérieure carrée, celui-ci constituerait uniquement un élément décoratif dans l’esprit du public concerné, » dont le niveau d’attention est élevé.

Pour la Chambre :

« les différents éléments de la marque ne produisaient pas, dans leur ensemble, une impression divergeant de manière significative de celle de la configuration usuelle d’une montre, de sorte que le consommateur ne percevrait pas cette configuration comme une indication de l’origine des produits en cause »

L’affaire vient finalement devant le Tribunal qui va à nouveau rejeter le recours de la déposante ;

Pour le Tribunal, tout d’abord, le signe déposé contient des éléments qui ne divergent pas de manière significative de ce qui est habituel pour de tels produits :

  • à propos de la forme du boîtier dont la requérante disait qu’il présentait un aspect de pyramide tronquée, le tribunal relève en se reportant aux pièces produites par l’Office au dossier, que « les boîtiers de montre revêtent une abondance de configuration différente. En outre, plusieurs exemples de montres carrées figurant dans le dossier disposent de boîtiers dont les surfaces ne sont pas à angle droit ».
  • En ce qui concerne le cadran rond posé sur une surface rectangulaire, le tribunal l’a aussi en se reportant au dossier, relève que cet élément n’est pas spécifique à la marque demandée, plusieurs autres exemples comportent un cadran dont la forme de base diverge de celle de leur boîtier.
  • Reste la question du bord dentelé qui pour la requérante présenterait un caractère ornemental et qui « en raison de sa taille de son aspect par rapport au reste du signe », serait capable de remplir la fonction essentielle de la marque « consistant à renvoyer à l’origine du produit ou du service ».

Le tribunal relève que l’éventuelle fonction décorative reconnue au bord dentelé par la requérante est sans incidence sur son caractère distinctif.

Bien que la requérante ait souligné sur les montres rectangulaires habituelles, l’absence d’un quelconque élément décoratif sur le rebord et surtout pas un rebord dentelé ce qui donnerait au produit la forme d’un objet entièrement différent à savoir celle « d’un timbre-poste » le tribunal rejette cet argument :

  • qu’un signe remplisse différentes fonctions simultanément est sans incidence sur son caractère distinctif,
  • il faut également que celui-ci soit perçu par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale du produit,
  • compte tenu de l’abondance des formes de décoration utilisées dans le secteur de la joaillerie, de la bijouterie, et de l’horlogerie, la face supérieure du boîtier au bord dentelé n’est pas non plus susceptible d’indiquer l’origine du produit au public pertinent,
  • c’est donc inutilement que la requérante contestait la décision de la chambre de recours au motif qu’elle n’aurait pas fourni des indications sur les éléments qui agrémentent habituellement le bord des montres, le tribunal rappelant que l’originalité n’est pas un critère pertinent pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, .la chambre de recours n’avait pas à examiner cette question de la prétendue originalité de ce bord.

A noter dans cette affaire,  la requérante invoquait une décision judiciaire déjà intervenue en Allemagne qui avait apprécié la caractéristique concurrentielle résultant de « la dentelure de la surface de la montre rappelant un timbre-poste avec le verre de montre bombé placé  au-dessus des aiguilles ainsi que des côtés étroits aplatis de la surface inférieure du corps de la montre ».

Argument également écarté par le Tribunal :

  • cette décision allemande est intervenu en droit de la concurrence et non en droit des marques,
  • le juge de la marque communautaire n’est pas tenu par une décision nationale intervenue sur une marque nationale.