Qui paie les frais d’avocats du procès en contrefaçon de marque et de ses suites ?

Au terme du procès, quelle partie prend en charge les frais du procès ? La réponse en matière de marque est connue, c’est celui qui perd. Toutefois de « quel procès » est-il question, celui de l’action en contrefaçon ou faut-il élargir cette règle à d’autres actions  judiciaires ? Illustration avec l’arrêt du 16 juillet 2015 de la Cour de Justice.

frais et honoraire des avocats pour le procès en contrefaçon

L’arrêt du 16 juillet 2015  de la Cour de justice intéresse tous les titulaires de marque ! L’arrêt est .

Au préalable, pour comprendre l’intérêt de cet arrêt sur le périmètre des frais d’avocats à prendre en compte au sens du droit des marques, un principe doit être rappelé : en accordant à certaines juridictions nationales le statut de juridictions communautaires en matière de marques communautaires, ce mécanisme repose sur une confiance réciproque entre les différents États membres.

Cette confiance réciproque a pour corollaire la reconnaissance de plein droit des décisions rendues par un autre État membre. C’est le sens du considérant 16 du règlement n° 44/2001, «[l]a confiance réciproque dans la justice au sein de [l’Union européenne] justifie que les décisions rendues dans un État membre soient reconnues de plein droit, sans qu’il soit nécessaire, sauf en cas de contestation, de recourir à aucune procédure».

En engageant l’action en contrefaçon par une simple saisie, comme ici, le titulaire de la marque risque-t-il de se voir condamner à payer l’intégralité de tous les frais d’avocats engagés dans différents États par le saisi qui aura réussi à triompher au final ?

  • Brièvement les faits,

Le titulaire d’une marque de whisky, une société néerlandaise, fait saisir en Bulgarie des bouteilles importées de Géorgie, mais le saisi fera annuler cette opération. L’action en contrefaçon du titulaire de la marque échoue également en Bulgarie. La société bulgare engage alors aux Pays-Bas une action indemnitaire contre le titulaire de la marque pour le préjudice subi du fait de la saisie et pour obtenir le remboursement de ses frais de justice.

Le titulaire de la marque pour s’opposer à cette demande indemnitaire, invoque devant son juge national que la décision du juge bulgare est « manifestement contraire à « l’ordre public néerlandais, au sens de l’article 34, point 1, du règlement n° 44/2001. Le Sofiyski gradski sad, le juge bulgare,  y aurait fait une application manifestement erronée du droit de l’Union européenne en se fondant sur la décision interprétative du Varhoven kasatsionen sad du 15 juin 2009, laquelle serait entachée d’une erreur de fond et aurait été, au surplus, adoptée en méconnaissance de l’obligation qui incombait à cette dernière juridiction de poser une question préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE ».

Le 1er juge hollandais suit la thèse du titulaire de marque, mais le juge d’appel (Gerechtshof te Amsterdam) infirme et reconnait la décision du juge bulgare. La Cour suprême (Hoge Raad der Nederlanden) interroge la Cour de justice de différentes questions préjudicielles

  • Le principe de confiance réciproque doit prédominer

49 Il y a lieu ensuite de rappeler que le juge de l’État requis ne saurait, sous peine de remettre en cause la finalité du règlement n° 44/2001, refuser la reconnaissance d’une décision émanant d’un autre État membre au seul motif qu’il estime que, dans cette décision, le droit national ou le droit de l’Union a été mal appliqué. Il importe, au contraire, de considérer que, dans de tels cas, le système des voies de recours mis en place dans chaque État membre, complété par le mécanisme du renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE, fournit aux justiciables une garantie suffisante.

50 Ainsi, la clause de l’ordre public ne serait appelée à jouer que dans la mesure où ladite erreur de droit impliquerait que la reconnaissance de la décision concernée dans l’État requis entraînerait la violation manifeste d’une règle de droit essentielle dans l’ordre juridique de l’Union et donc dudit État membre.

51 Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 52 de ses conclusions, la disposition de droit matériel en cause au principal, à savoir l’article 5, paragraphe 3, de la directive 89/104, s’inscrit dans une directive d’harmonisation minimale dont l’objet est de rapprocher partiellement les législations disparates des États membres en matière de marques. S’il est vrai que le respect des droits conférés par l’article 5 de cette directive au titulaire d’une marque de même que l’application correcte des règles relatives à l’épuisement de ces droits, prévues à l’article 7 de ladite directive, ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, il ne saurait en être déduit qu’une erreur dans la mise en œuvre de ces dispositions heurterait de manière inacceptable l’ordre juridique de l’Union en tant qu’elle porterait atteinte à un principe fondamental de celui-ci.

52 Il y a lieu, au contraire, de considérer que la seule circonstance que la décision rendue le 11 janvier 2010 par le Sofiyski gradski sad soit, selon le juge de l’État requis, entachée d’une erreur quant à l’application aux circonstances au principal des dispositions régissant les droits du titulaire d’une marque, telles que prévues dans la directive 89/104, ne saurait justifier que cette décision ne soit pas reconnue dans l’État requis, dès lors que cette erreur ne constitue pas une violation d’une règle de droit essentielle dans l’ordre juridique de l’Union et donc dans celui de l’État requis.

  • Au regard du droit des marques, la partie qui succombe doit- elle supporter tous les frais y compris ceux de la procédure d’indemnisation menée devant le juge d’un autre État ?

74 Il ressort des mesures, procédures et réparations prévues par la directive 2004/48 que les voies de droit destinées à assurer la protection des droits de propriété intellectuelle sont complétées par des actions en réparation qui leur sont étroitement liées. Ainsi, tandis que les articles 7, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de cette directive prévoient des mesures conservatoires et provisoires destinées, en particulier, à prévenir toute atteinte imminente à un droit de propriété intellectuelle, qui incluent notamment la saisie de marchandises suspectées de porter atteinte à un tel droit, les articles 7, paragraphe 4, et 9, paragraphe 7, de ladite directive prévoient, pour leur part, des mesures qui permettent au défendeur de demander un dédommagement dans le cas où il apparaît ultérieurement qu’il n’y a pas eu atteinte ou menace d’atteinte à un droit de propriété intellectuelle. Ainsi qu’il ressort du considérant 22 de cette même directive, ces mesures de dédommagement constituent des garanties que le législateur a considérées nécessaires en contrepartie des mesures provisoires rapides et efficaces dont il a prévu l’existence.

75 En l’occurrence, la procédure en cause au principal, qui a pour objet la réparation du préjudice causé par une saisie d’abord ordonnée par les autorités judiciaires d’un État membre aux fins de prévenir une atteinte imminente à un droit de propriété intellectuelle, puis annulée par ces mêmes autorités au motif que l’existence d’une atteinte n’était pas établie, constitue le corollaire de l’action introduite par le titulaire du droit de propriété intellectuelle aux fins d’obtenir le prononcé d’une mesure d’effet immédiat qui lui a permis, sans attendre une décision au fond, de prévenir toute atteinte éventuelle à son droit. Une telle action en réparation correspond aux garanties prévues par la directive 2004/48 au bénéfice du défendeur, en contrepartie de l’adoption d’une mesure provisoire ayant affecté ses intérêts.

  • Ce régime particulier de prise en charge des frais inclut également les frais de procédure relative à la contestation de la décision du juge bulgare devant le juge néerlandais

79 À cet égard, la circonstance que, dans le litige au principal, l’appréciation du caractère justifié ou injustifié de la saisie en cause soulève la question de la reconnaissance ou du refus de reconnaissance d’une décision rendue dans un autre État membre est sans incidence. Une telle question revêt en effet un caractère accessoire et ne modifie pas l’objet du litige.

80 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 14 de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens qu’il est applicable aux frais de justice exposés par les parties dans le cadre d’une action en indemnisation, introduite dans un État membre, en réparation du préjudice causé par une saisie effectuée dans un autre État membre, ayant eu pour objet de prévenir une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, lorsque se pose, dans le cadre de cette action en indemnisation, la question de la reconnaissance d’une décision rendue dans cet autre État membre constatant le caractère injustifié de cette saisie.

Marques, mots-clefs, rôle actif, liens concurrents, quels changements pour les avocats après l’arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015 ?

L’arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015 est d’une très grande importance pour toutes les sociétés qui utilisent leur site pour la promotion de leurs produits et de leurs services. L’arrêt est ici.

A la suite de cet arrêt qui se réfère à une décision de la Cour de justice du 20 mars 2010, c’est-à-dire à une date antérieure à l’arrêt du 28 octobre 2011 de la Cour de Paris qui se trouve cassé très largement, y aurait-il encore des actes de contrefaçon par utilisation de mots clefs ou bien les plaideurs devront-ils caractériser autrement de tels actes ?

  • Les faits brièvement résumés à l’arrêt

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que la Société nationale des chemins de fer français (la SNCF), qui a pour mission principale le transport ferroviaire de personnes et de marchandises, a adopté en 1937 le sigle « SNCF » et est titulaire, notamment, de huit marques semi-figuratives et verbales « SNCF », « TGV », « Transilien », « Voyages-sncf. com » et « Voyages-sncf » ; qu’ayant fait constater que le site accessible à l’adresse « http :// www. lo. st » utilisait ses marques à titre de mots-clés afin de diriger, par l’affichage de liens commerciaux, le consommateur vers des sites concurrents proposant des produits et services identiques ou similaires aux siens, la SNCF a assigné la société Tuto4pc. com, anciennement dénommée Eorezo, locataire des serveurs sur lesquels est hébergé le site Lo. st, et la société holding Tuto4pc. com group, anciennement dénommée Eorezo group, ainsi que M. X…, président du directoire de la société Tuto4pc. com et réservataire du nom de domaine, pour atteintes aux marques notoires et pratique commerciale trompeuse ;

  • A propos du rôle actif au sens de la loi sur la confiance dans l’économie numérique

Vu l’article 6, I-2, de la loi n° 2004-175 du 29 juin 2004 ;

Attendu que pour retenir que les sociétés Tuto4pc. com et Tuto4pc. com group et M. X…ne peuvent bénéficier du régime de responsabilité limitée instauré par ce texte, l’arrêt relève que la société Tuto4pc. com ne s’est pas bornée à stocker des informations de nature publicitaire mais qu’elle a inséré, de façon délibérée, dans sa page d’accueil, le mot-clé SNCF, lequel dirigeait l’internaute vers des liens concurrents, et retient qu’elle avait l’accès et la maîtrise des mots-clés dans la mesure où elle a pu supprimer cette mention en exécution de la décision de première instance ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans définir en quoi l’insertion, à titre de raccourci, d’un mot-clé renvoyant l’internaute à une page de résultats affichée par le moteur de recherche, puis sa suppression, caractérisaient un rôle actif de la société Tuto4pc. com, ainsi que de la société Tuto4pc. com group et de M. X…, de nature à leur confier la connaissance et le contrôle des données stockées par les annonceurs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

  • Sur l’atteinte à la marque notoire

Vu les articles 5, paragraphes 1 et 2, de la directive 89/ 104/ CE, du 21 décembre 1988, et L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour condamner les sociétés Tuto4pc. com et Tuto4pc. com group et M. X…pour atteinte aux marques notoires, l’arrêt, après avoir relevé que l’usage, à l’identique ou par imitation, des marques de la SNCF comme mots-clés par le moteur de recherche Lo. st générait l’affichage de liens commerciaux dirigeant les internautes en priorité vers des sites concurrents de ceux de la SNCF qui proposaient, à l’exception d’un site de rencontres, des prestations identiques ou similaires à prix réduits, retient que la société Tuto4pc. com, en faisant en toute connaissance de cause bénéficier les internautes du pouvoir attractif de ces marques, tire indûment profit de la notoriété de celles-ci et lèse ainsi les intérêts de leur titulaire ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la Cour de justice de l’Union européenne (23 mars 2010, Google France, C-236/ 08 à C-238/ 08) a dit pour droit que le prestataire d’un service de référencement sur internet, qui stocke en tant que mot-clé un signe identique à une marque et organise l’affichage d’annonces à partir de celui-ci, ne fait pas un usage de ce signe au sens de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive 89/ 104/ CE, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

  • Sur la notion de publicité trompeuse

Vu l’article L. 121-1 du code de la consommation ;

Attendu que pour décider que les sociétés Tuto4pc. com et Tuto4pc. com group et M. X…se sont rendus coupables d’une pratique commerciale trompeuse, l’arrêt, après avoir relevé que le site Lo. st présente, sous la rubrique « annonces Google », lorsque la marque « Voyages-SNCF » est mentionnée, des sites commerciaux parmi lesquels un site de rencontres et six sites de voyagistes, retient qu’une telle information constitue une offre de services publicitaires et qu’elle est destinée à abuser le consommateur en lui faisant croire qu’il va être mis en relation avec les sites commerciaux de la SNCF en partenariat avec les moteurs de recherche Lo. st et Google ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une publicité fausse ou de nature à induire en erreur portant sur un ou plusieurs des éléments énumérés par l’article L. 121-1 du code de la consommation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

Dépôt de marque pour un agencement de magasin

L’arrêt du 10 juillet 2014 de la Cour de justice ajoute une condition à l’enregistrement à titre de marque de l’aménagement d’un magasin. Ici

Cet arrêt intervient sur une question préjudicielle posée par la juridiction allemande saisie d’un recours de la société Apple Inc contre le refus d’enregistrement du plan de son Apple Store sur la base de sa priorité américaine.

Les articles 2 et 3 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doivent être interprétés en ce sens que la représentation, par un simple dessin sans indication de taille ni de proportions, de l’aménagement d’un espace de vente de produits peut être enregistrée comme marque pour des services consistant en des prestations qui sont relatives à ces produits mais ne font pas partie intégrante de la mise en vente de ceux-ci, à condition qu’elle soit propre à distinguer les services de l’auteur de la demande d’enregistrement de ceux d’autres entreprises et qu’aucun des motifs de refus énoncés à ladite directive ne s’y oppose.

Conservation des données personnelles collectées sur internet : coup de tonnerre sur le moteur de recherche Google

L’arrêt rendu par la Cour de justice le 13 mai 2014 va considérablement changer l’économie de l’internet. L’arrêt est ici.

  • Est remise en question la conservation par Google des données personnelles .

80      À cet égard, il importe d’emblée de relever que, ainsi qu’il a été constaté aux points 36 à 38 du présent arrêt, un traitement de données à caractère personnel, tel que celui en cause au principal, réalisé par l’exploitant d’un moteur de recherche, est susceptible d’affecter significativement les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel lorsque la recherche à l’aide de ce moteur est effectuée à partir du nom d’une personne physique, dès lors que ledit traitement permet à tout internaute d’obtenir par la liste de résultats un aperçu structuré des informations relatives à cette personne trouvables sur Internet, qui touchent potentiellement à une multitude d’aspects de sa vie privée et qui, sans ledit moteur de recherche, n’auraient pas ou seulement que très difficilement pu être interconnectées, et ainsi d’établir un profil plus ou moins détaillé de celle-ci. En outre, l’effet de l’ingérence dans lesdits droits de la personne concernée se trouve démultiplié en raison du rôle important que jouent Internet et les moteurs de recherche dans la société moderne, lesquels confèrent aux informations contenues dans une telle liste de résultats un caractère ubiquitaire…

81      Au vu de la gravité potentielle de cette ingérence, force est de constater que celle-ci ne saurait être justifiée par le seul intérêt économique de l’exploitant d’un tel moteur dans ce traitement. Cependant, dans la mesure où la suppression de liens de la liste de résultats pourrait, en fonction de l’information en cause, avoir des répercussions sur l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à celle-ci, il y a lieu de rechercher, dans des situations telles que celles en cause au principal, un juste équilibre notamment entre cet intérêt et les droits fondamentaux de cette personne au titre des articles 7 et 8 de la Charte. Si, certes, les droits de la personne concernée protégés par ces articles prévalent également, en règle générale, sur ledit intérêt des internautes, cet équilibre peut toutefois dépendre, dans des cas particuliers, de la nature de l’information en question et de sa sensibilité pour la vie privée de la personne concernée ainsi que de l’intérêt du public à disposer de cette information, lequel peut varier, notamment, en fonction du rôle joué par cette personne dans la vie publique.

  • Sauf exception particulière, chacun  a donc le droit de demander la suppression des informations qui s’affichent dans le résultat des requêtes adressées au moteur de recherche Google sans avoir à établir un préjudice

99      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la troisième question que les articles 12, sous b), et 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre de l’appréciation des conditions d’application de ces dispositions, il convient notamment d’examiner si la personne concernée a un droit à ce que l’information en question relative à sa personne ne soit plus, au stade actuel, liée à son nom par une liste de résultats affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de son nom, sans pour autant que la constatation d’un tel droit présuppose que l’inclusion de l’information en question dans cette liste cause un préjudice à cette personne. Cette dernière pouvant, eu égard à ses droits fondamentaux au titre des articles 7 et 8 de la Charte, demander que l’information en question ne soit plus mise à la disposition du grand public du fait de son inclusion dans une telle liste de résultats, ces droits prévalent, en principe, non seulement sur l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche, mais également sur l’intérêt de ce public à accéder à ladite information lors d’une recherche portant sur le nom de cette personne. Cependant, tel ne serait pas le cas s’il apparaissait, pour des raisons particulières, telles que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique, que l’ingérence dans ses droits fondamentaux est justifiée par l’intérêt prépondérant dudit public à avoir, du fait de cette inclusion, accès à l’information en question.

  • Le dispositif de l’arrêt :

1)      L’article 2, sous b) et d), de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, doit être interprété en ce sens que, d’une part, l’activité d’un moteur de recherche consistant à trouver des informations publiées ou placées sur Internet par des tiers, à les indexer de manière automatique, à les stocker temporairement et, enfin, à les mettre à la disposition des internautes selon un ordre de préférence donné doit être qualifiée de «traitement de données à caractère personnel», au sens de cet article 2, sous b), lorsque ces informations contiennent des données à caractère personnel et, d’autre part, l’exploitant de ce moteur de recherche doit être considéré comme le «responsable» dudit traitement, au sens dudit article 2, sous d).

2)      L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 95/46 doit être interprété en ce sens qu’un traitement de données à caractère personnel est effectué dans le cadre des activités d’un établissement du responsable de ce traitement sur le territoire d’un État membre, au sens de cette disposition, lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche crée dans un État membre une succursale ou une filiale destinée à assurer la promotion et la vente des espaces publicitaires proposés par ce moteur et dont l’activité vise les habitants de cet État membre.

3)      Les articles 12, sous b), et 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 doivent être interprétés en ce sens que, afin de respecter les droits prévus à ces dispositions et pour autant que les conditions prévues par celles-ci sont effectivement satisfaites, l’exploitant d’un moteur de recherche est obligé de supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne, également dans l’hypothèse où ce nom ou ces informations ne sont pas effacés préalablement ou simultanément de ces pages web, et ce, le cas échéant, même lorsque leur publication en elle-même sur lesdites pages est licite.

4)      Les articles 12, sous b), et 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre de l’appréciation des conditions d’application de ces dispositions, il convient notamment d’examiner si la personne concernée a un droit à ce que l’information en question relative à sa personne ne soit plus, au stade actuel, liée à son nom par une liste de résultats affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de son nom, sans pour autant que la constatation d’un tel droit présuppose que l’inclusion de l’information en question dans cette liste cause un préjudice à cette personne. Cette dernière pouvant, eu égard à ses droits fondamentaux au titre des articles 7 et 8 de la Charte, demander que l’information en question ne soit plus mise à la disposition du grand public du fait de son inclusion dans une telle liste de résultats, ces droits prévalent, en principe, non seulement sur l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche, mais également sur l’intérêt de ce public à accéder à ladite information lors d’une recherche portant sur le nom de cette personne. Cependant, tel ne serait pas le cas s’il apparaissait, pour des raisons particulières, telles que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique, que l’ingérence dans ses droits fondamentaux est justifiée par l’intérêt prépondérant dudit public à avoir, du fait de cette inclusion, accès à l’information en question.

 

Marque communautaire : l’OHMI et le tribunal doivent permettre aux parties de fournir leurs observations sur la jurisprudence nationale

L’arrêt du 13 septembre 2012 du Tribunal était intervenu à propos d’un droit italien antérieur qui était opposé à une marque communautaire.  Ce blog en avait parlé, c’est ici.

La marque communautaire contestée
Le signe italien opposé

Le 27 mars 2014, la Cour de justice annule cet arrêt.

  • Rappelons simplement le passage de l’arrêt du 13 mars 2012 où le tribunal se reporte à l’appréciation par le juge italien de la date d’un cachet postal.

32      En application de la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation italienne), l’apposition sur un acte sous seing privé d’un cachet postal constitue un fait établissant la date certaine de cet acte au sens de l’article 2704 du code civil, dès lors que le cachet postal figure sur le corps du document lui-même (arrêt du 14 juin 2007, n° 13912). Il ressort également de cette jurisprudence que la preuve contraire de la véracité de la date d’un cachet postal peut être offerte sans qu’il soit besoin d’entamer la procédure d’inscription en faux.

Que dit la Cour le 27 mars 2014. L’arrêt est ici

  • Le droit à un procès équitable constitue un principe fondamental du droit de l’Union, consacré par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

53      Pour satisfaire aux exigences de ce droit, les juridictions de l’Union doivent veiller à faire respecter devant elles et à respecter elles-mêmes le principe du contradictoire, lequel s’applique à toute procédure susceptible d’aboutir à une décision d’une institution de l’Union affectant de manière sensible les intérêts d’une personne (arrêts du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, Rec. p. I‑11245, points 51 et 53, ainsi que du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C‑197/09 RX‑II, Rec. p. I‑12033, point 41 et 42).

54      Le principe du contradictoire ne confère pas seulement à chaque partie à un procès le droit de prendre connaissance des pièces et des observations soumises au juge par la partie adverse et de les discuter. Il implique également le droit pour les parties de prendre connaissance des éléments soulevés d’office par le juge, sur lesquels celui-ci entend fonder sa décision, et de les discuter. Pour satisfaire aux exigences relatives au droit à un procès équitable, il importe en effet que les parties aient connaissance et puissent débattre contradictoirement des éléments tant de fait que de droit qui sont décisifs pour l’issue de la procédure

  • Qui a évoqué l’arrêt de la Cour de cassation italienne ?

55      En l’espèce, il est constant que l’arrêt du 14 juin 2007 n’a été mentionné ni au cours de la procédure devant l’OHMI ni dans les mémoires déposés devant le Tribunal, mais qu’il a été évoqué d’office par ce dernier après la fin de la procédure écrite.

56      Dès lors, il convient d’examiner si, en l’espèce, les parties ont bénéficié ou non, au cours de la procédure devant le Tribunal, de la possibilité de présenter leurs observations au sujet dudit arrêt.

  • Les parties n’ont pas pu présenter leurs observations sur cet arrêt italien

57      Ainsi qu’il ressort des lettres qui leur ont été adressées le 7 février 2012 par le Tribunal et des questions qui y étaient annexées, les parties, si elles ont été invitées à faire valoir leur point de vue sur les dispositions de l’article 2704 du code civil italien, n’ont, en revanche, pas été mises en mesure de présenter leurs observations sur l’arrêt du 14 juin 2007, dont il n’était fait aucune mention dans ces lettres.

58      Par ailleurs, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 117 de ses conclusions, la lecture des points 32, 35, 36, 39 et 40 de l’arrêt attaqué fait clairement ressortir que le contenu de l’arrêt du 14 juin 2007 a joué un rôle déterminant dans le raisonnement du Tribunal. C’est parce qu’il a constaté que la chambre de recours n’avait pas tenu compte de cette jurisprudence, selon laquelle la preuve du défaut de véracité de la date du cachet postal peut être rapportée sans qu’il soit nécessaire de recourir à la procédure d’inscription de faux, que le Tribunal a considéré que la chambre de recours aurait pu accorder davantage d’importance aux anomalies alléguées par la NLC et qu’il convenait, en conséquence, d’annuler la décision litigieuse.

59      Il découle de ce qui précède que le Tribunal a violé le principe du contradictoire résultant des exigences relatives au droit à un procès équitable.