En matière de marque, la comparaison des signes est un exercice difficile. Illustration avec l’arrêt du Tribunal du 1er mars 2016.L’arrêt est là.
La chronologie
– 17 juillet 2012 : dépôt de la demande de marque : 1e1
– 11 octobre 2012 : opposition sur la base de la marque :
UNO E
et -12 novembre 2013 : rejet de l’opposition.
-4 décembre 2014 : la Chambre de recours annule la décision de la division d’opposition et rejette la demande de marque.
Le 1er mars 2016, l’arrêt du Tribunal annule cette décision de la Chambre de recours. Ne sont pas repris ci-dessous les motifs relatifs à la comparaison des services (qui sont aussi très intéressants).
Sur la comparaison des signes ( Pour la Chambre de recours « ces signes étaient similaires à un certain degré »)
60 Ensuite, en ce qui concerne les éléments dominants des signes en conflit, s’agissant, d’une part, de la marque demandée, il convient de relever qu’aucun des éléments la composant, à savoir le chiffre « 1 » et la lettre « e », n’apparait comme étant dominant, la requérante ne le prétendant d’ailleurs pas. S’agissant, d’autre part, de la marque figurative antérieure, il y a lieu de considérer que, eu égard notamment à sa taille et à son positionnement, l’élément dominant est constitué par l’élément verbal « unoe ». Quant à l’astérisque composé de différentes couleurs apposé à la droite de cet élément verbal, il ne saurait, eu égard à sa taille et à ses couleurs, être considéré comme étant négligeable, mais plutôt comme étant secondaire. La comparaison entre les signes en conflit ne pourra donc s’effectuer sur le seul fondement de l’élément verbal dominant de la marque figurative antérieure, mais devra s’effectuer au vu desdits signes considérés chacun dans son ensemble.
61 En ce qui concerne le caractère distinctif des signes en conflit, il convient, d’une part, de constater que c’est à tort que la requérante prétend que celui de la marque figurative antérieure serait faible. En effet, lorsque, comme cette dernière, une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque ………………..En l’espèce, il est à noter que même si l’élément figuratif de la marque figurative antérieure, à savoir l’astérisque, n’est pas négligeable au vu de sa taille et de ses couleurs, il est susceptible d’être perçu par le consommateur essentiellement comme un élément décoratif et non comme un élément indiquant l’origine commerciale des produits. Quant à l’élément verbal de la marque figurative antérieure, à savoir « unoe », il doit être rappelé que si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît…………………… Or, en l’espèce, eu égard notamment à la différence de couleur entre les lettres qui le composent et au sens qu’il leur attribuera, le public pertinent est susceptible de décomposer cet élément en deux parties, la première composée du terme « uno », perçue comme une référence au chiffre « 1 » en espagnol, et la seconde composée par la lettre « e ». Toutefois, contrairement à ce que prétend en substance la requérante, la lettre « e » ne saurait être perçue comme se référant au domaine électronique ou de l’internet. Ainsi, s’il est vrai que cette lettre est une abréviation courante des mots électrique ou électronique…………… elle ne peut, en principe, être perçue ainsi, comme le souligne en substance l’OHMI, que lorsque ladite lettre se situe avant un autre élément verbal, le cas échéant avec l’insertion entre cette lettre et cet élément d’un tiret, et non, comme en l’espèce, après ledit élément. Partant, contrairement à ce que prétend la requérante, le public pertinent ne percevra pas la marque figurative antérieure comme signifiant « un électronique » ou « un relatif à l’internet » au sens de « numéro un sur le marché en ligne », y compris dans le contexte des services en cause. Rien ne permet de démontrer qu’elle serait perçue ainsi et, partant, aurait un caractère descriptif desdits services. Enfin, il n’a pas été établi que, considéré comme un tout, l’élément verbal de la marque figurative serait perçu comme ayant une autre signification particulière. La requérante n’a ainsi avancé aucun élément de preuve permettant de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle cet élément apparaît comme arbitraire pour les services en cause. Il résulte de ce qui précède que, prise dans son ensemble, la marque figurative antérieure possède, contrairement à ce que soutient la requérante, un caractère distinctif moyen, ainsi que le fait valoir l’OHMI.
62 Il convient, d’autre part, de noter que la marque demandée est certes composée d’éléments, en l’occurrence, de la lettre « e » et du chiffre « 1 », qui, pris individuellement, ont un faible caractère distinctif intrinsèque. Toutefois, prise dans son ensemble, la marque demandée, qui est formée par une combinaison de ces éléments, possède un caractère distinctif moyen, aucune des parties ne soutenant d’ailleurs en l’espèce que celui-ci serait faible.
63 En ce qui concerne la comparaison sur le plan visuel, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit ne sont pas similaires. Cette appréciation ne peut, au demeurant, qu’être avalisée, ainsi que le reconnaît l’OHMI. Sur ce plan, ces signes seront en effet perçus, selon une appréciation d’ensemble, comme étant totalement différents.
64 En ce qui concerne la comparaison sur le plan phonétique, il y a lieu de relever que, telle que prononcée par le public espagnol, la marque demandée comporte cinq syllabes (u/no/e/u/no) alors que l’élément verbal de la marque figurative antérieure ne comporte que trois syllabes (u/no/e). Ces dernières correspondent cependant aux trois premières de la marque demandée. Or, ainsi que la chambre de recours l’a relevé à bon droit, le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin, la partie initiale d’une marque ayant normalement, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique, un impact plus fort que la partie finale de celle-ci ……………………………………..Aucun élément ne permet de considérer que tel ne serait pas le cas en l’espèce. À cet égard, il y a lieu de souligner que l’argument de la requérante selon lequel les éléments « uno » et « e » ne constituent pas les débuts des marques antérieures, mais leur ensemble, ne peut qu’être écarté. En effet, d’une part, même à supposer, comme le prétend la requérante, qu’ils seront perçus comme un tout, ces éléments comportent trois syllabes qui seront toutes prononcées et, d’autre part, ces syllabes sont présentes et incluses dans la première partie de la marque demandée. Quant à l’argument de la requérante pris de ce que l’élément « uno » est répété dans la marque demandée et créerait une impression dominante, il n’est pas susceptible de contrebalancer la similitude issue de l’inclusion des trois syllabes composant la marque figurative antérieure dans la partie initiale de la marque demandée. Il convient également d’écarter l’argument de l’OHMI selon lequel la répétition de cet élément commun aux deux signes a pour conséquence que ceux-ci coïncident presque dans leur intégralité. En effet, la présence d’une telle répétition dans la marque demandée est potentiellement susceptible d’accentuer ses différences avec la marque figurative antérieure sur le plan phonétique, en particulier eu égard à la longueur et à la sonorité que cette répétition confère à la marque demandée. Dans ces conditions, il convient de considérer que, selon une impression d’ensemble, les signes en conflit sont certes similaires sur un plan phonétique, mais à un niveau moyen.
65 En ce qui concerne, la comparaison sur le plan conceptuel, il convient de souligner qu’il ressort de la jurisprudence qu’il ne saurait être exclu qu’une lettre ou un chiffre, compris dans un signe ou constituant celui-ci, puisse avoir une portée conceptuelle…………En l’espèce, il y a lieu de relever que les signes en conflit peuvent être considérés comme comportant, pour le public pertinent, une référence au chiffre « un ». Toutefois, à supposer même que cette référence puisse être considérée comme ayant une portée conceptuelle propre, il est à noter que, eu égard à ses caractéristiques, la marque demandée pourra, dans son ensemble, être perçue comme se référant au concept de liaison, de jonction ou de mise en relation d’unités ou d’individualités. En effet, en l’espèce, nonobstant le fait, souligné par la chambre de recours, que, selon la grammaire espagnole, la conjonction de coordination « et » serait « y » et non « e » et celui, évoqué par l’OHMI, que la lettre « e » est une conjonction qui n’est habituellement pas utilisée pour indiquer une addition de chiffres, l’élément « e » figurant dans ladite marque pourrait néanmoins être perçue comme constituant un élément de liaison entre les éléments « 1 » qui l’entourent et qui se réfèrent à l’unité. La forme de la lettre « e », proche d’une esperluette, à l’emplacement central, ainsi que la circonstance que l’élément « un » est écrit en chiffre et l’élément « e » en lettre, renforcent cette impression. Ainsi, comme la division d’opposition l’avait relevé, la marque demandée pourrait être perçue comme un jeu de mot ressemblant à l’expression « 1+1 » ou « 1&1 ». Or, un tel concept relatif, en substance, à la jonction d’unité est absent de la marque figurative antérieure. En effet, la combinaison des éléments « uno » et « e » n’apparait pas avoir de portée conceptuelle propre et peut, tout au plus, être considérée comme comportant également une référence au chiffre « 1 ». Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, selon une impression d’ensemble, les signes en conflit sont faiblement similaires sur le plan conceptuel.