Demande de marque communautaire sur une forme de bouteille rejetée

Nouvel échec pour une demande de marque tridimensionnelle devant l’OHMI. 

L’arrêt du 24 février 2016 du Tribunal est .

29 décembre 2011 : dépôt de la demande de marque :

Image not found

Pour :

–        classe 6 : « Métaux communs et leurs alliages ; matériaux de construction métalliques ; serrurerie et quincaillerie métalliques ; produits métalliques non compris dans d’autres classes ; bouteilles métalliques » ;

–        classe 21 : « Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine ; verre brut ou mi-ouvré (à l’exception du verre de construction) ; verrerie, porcelaine et faïence non comprises dans d’autres classes ; bouteilles en verre et en plastique » ;

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons sans alcool ; boissons à base de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons ».

23 janvier 2013 : rejet par l’examinateur.

27 mars 2014 : la Chambre de recours rejette le recours.

Le 24 février 2016, le Tribunal rejette le recours du déposant, la société Coca-Cola Cie.

42      À cet égard, selon la description fournie par la requérante, la marque demandée est composée d’une base plate qui présente une courbe vers l’extérieur pour donner une apparence bombée, d’une section conique qui s’effile vers l’intérieur et s’étend vers l’extérieur jusqu’à la première ligne horizontale pour dessiner une forme trapézoïdale, d’une partie centrale saillante légèrement encastrée et ayant une apparence plate, bien que les côtés marquent une légère courbe, pour dessiner un profil lisse, et d’une partie supérieure qui s’effile vers le haut comme un entonnoir et qui est légèrement bombée au niveau du goulot.

43      Il s’ensuit que la marque demandée est un signe complexe composé de plusieurs caractéristiques.

44      Partant, il convient, aux fins de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, de la considérer dans son ensemble. Toutefois, cela n’est pas incompatible avec l’examen successif des différents éléments qui la composent….

45      Tout d’abord, en ce qui concerne la partie basse de la marque demandée, il y a lieu de considérer que cette partie de la bouteille ne présente pas de caractéristiques permettant de la distinguer d’autres bouteilles disponibles sur le marché. Il est notoire que des bouteilles peuvent présenter des parties basses de formes très variées. Cependant, de telles variations ne permettent pas, en général, au consommateur moyen de déduire l’origine commerciale des produits concernés.

46      Ensuite, s’agissant de la partie centrale de la marque demandée, il convient de relever que celle-ci ne présente pas non plus de particularités par rapport à ce qui est disponible sur le marché. Comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, cette partie de la marque demandée sert, dans des conditions commerciales normales, à accueillir une étiquette sur laquelle figureraient le nom de la marque, des informations sur les ingrédients à l’attention des consommateurs, la capacité de la bouteille et les noms du producteur et du distributeur. Le fait que cette partie soit légèrement courbée n’implique pas qu’elle confère à la marque demandée un caractère distinctif permettant aux consommateurs de déduire son origine commerciale.

47      Enfin, pour ce qui concerne la partie supérieure de la marque demandée, qui est composée d’un entonnoir légèrement bombé au niveau du goulot, il convient d’observer qu’il est notoire que les bouteilles disponibles sur le marché présentent des caractéristiques plus ou moins semblables à celles de la marque demandée. En effet, la partie supérieure d’une bouteille est généralement en forme d’entonnoir et comporte un goulot. Il s’ensuit que, même en admettant que cet élément présente une certaine originalité, il ne saurait être considéré comme divergeant significativement des normes ou des habitudes du secteur.

48      Ainsi, la marque demandée est constituée par une combinaison d’éléments dont chacun, étant susceptible d’être communément utilisé dans le commerce des produits visés dans la demande d’enregistrement, est dépourvu de caractère distinctif par rapport à ces produits (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Forme d’une bouteille de bière, point 38 supra, EU:T:2004:120, point 30).

49      Il ressort de la jurisprudence que le fait qu’une marque complexe n’est composée que d’éléments dépourvus de caractère distinctif par rapport aux produits concernés permet, en règle générale, de conclure que cette marque, considérée dans son ensemble, est dépourvue de caractère distinctif……

51      La marque demandée ne constitue ainsi qu’une variante de la forme et du conditionnement des produits concernés qui ne permettra pas au consommateur moyen de distinguer les produits en cause de ceux d’autres entreprises [voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 2008, …..

52      Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant que le consommateur moyen de l’Union percevrait la marque demandée, dans son ensemble, uniquement comme une variante de la forme et du conditionnement des produits pour lesquels l’enregistrement de ladite marque est demandé.

 

Marque communautaire en forme de bouteille annulée, l’intervention de l’INTA

L’arrêt du 7 mai 2015 de la Cour de justice rejette un pourvoi contre un arrêt du Tribunal au terme duquel la marque communautaire portant  sur une forme de bouteille a été annulée. L’arrêt est ici.

Cet arrêt du 7 mai présente un grand intérêt en ce qu’une association, l’INTA, International Trademark Association, est intervenue  uniquement dans la procédure devant le Cour. Le site de l’INTA est . La raison d’être de ce type d’intervention est expliquée sur cette page.

La forme de la bouteille qui a été enregistrée comme marque communautaire :

Les produits pour lesquels cette marque a été enregistrée

–        Classe 32: Bières; boissons non alcooliques, eau;

–        Classe 33: Boissons alcooliques à l’exclusion de la bière.

Les thèses avancées par l’INTA et leur examen par la Cour méritent d’être cités.

  • La charge de la preuve du défaut de caractère distinctif

62      L’INTA se fonde sur les articles 52, 55 et 99 du règlement n° 207/2009, desquels il ressortirait que les marques communautaires enregistrées jouissent d’une présomption de validité, ainsi que sur la règle 37, sous b), iv), du règlement n° 2868/95 pour soutenir que le Tribunal a renversé à tort la charge de la preuve du caractère distinctif du signe en cause.

……..

69      Au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, «[e]n l’espèce, il n’apparaît pas qu’il existe de tels indices». Il a relevé, à cet égard, que «la marque contestée est caractérisée par la combinaison de forme tridimensionnelle d’une bouteille cylindrique transparente et d’un bouchon non transparent de même diamètre que la bouteille proprement dite [et que l]a manière dont ces éléments sont combinés en l’espèce ne représente pas davantage que la somme des éléments dont la marque contestée est composée, à savoir une bouteille dotée d’un bouchon non transparent, à l’instar de la plupart des bouteilles destinées à contenir des boissons alcooliques ou non alcooliques sur le marché[, u]ne telle forme [étant] en effet susceptible d’être communément utilisée, dans le commerce, pour le conditionnement des produits visés par l’enregistrement».

70      Le Tribunal a ainsi lui-même vérifié l’existence d’indices concrets qui indiqueraient que la marque complexe, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée et n’a pas, contrairement à ce que soutiennent l’INTA et la requérante, fait peser sur cette dernière la charge de la preuve de l’existence de tels indices.

71      Dans ces conditions, force est de constater que l’argumentation de Voss et de l’INTA repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et qu’elle doit, en conséquence, être écartée.

  • L’appréciation du caractère distinctif

L’INTA fait valoir, en outre, que le Tribunal ne pouvait légalement conclure que la bouteille de la requérante ne diverge pas de manière significative des normes ou des habitudes du secteur concerné, dans la mesure où il a jugé, au point 72 de l’arrêt attaqué, qu’il n’était «pas établi qu’il existait sur le marché d’autres bouteilles semblables», qu’il pouvait être supposé que cette bouteille est «unique en son genre» et, au point 51 de cet arrêt, qu’elle «présente une certaine originalité».

78      De plus, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en opposant «simple variante» et «divergence significative» par rapport aux normes et aux habitudes applicables. À cet égard, l’INTA fait valoir que le Tribunal a outrepassé les limites fixées par la jurisprudence de la Cour, selon laquelle le seul facteur déterminant consiste à savoir si une forme tridimensionnelle enregistrée en tant que marque s’écarte des formes qui sont habituellement ou normalement utilisées dans le secteur concerné, pour les produits pertinents, dans une mesure telle que les consommateurs sont capables d’y attacher une signification.

79      Enfin, l’INTA soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en comparant à des éléments de formes habituelles ou normales dans ledit secteur de simples éléments d’une forme plutôt que la forme enregistrée dans son ensemble.

92      Il s’ensuit que, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée de la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, le simple fait que cette forme soit une «variante» de l’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffit pas à établir que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Il convient toujours de vérifier si une telle marque permet au consommateur moyen de ce produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, le produit concerné de ceux d’autres entreprises (arrêt Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 32).

93      En l’espèce, après avoir rappelé, aux points 37 à 44 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence applicable, le Tribunal a, aux points 51 à 58 de celui-ci, vérifié si la marque contestée diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné.

94      Il en a conclu, au point 59 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant que le consommateur moyen de l’Union percevrait la marque contestée, dans son ensemble, uniquement comme une variante de la forme des produits pour lesquels l’enregistrement de ladite marque est demandé. Il a ensuite considéré, au point 62 de l’arrêt attaqué, que la marque contestée, telle qu’elle est perçue par le public pertinent, n’est pas susceptible d’individualiser les produits visés par ladite marque et de les distinguer de ceux ayant une autre origine commerciale.

95      Il découle des considérations qui précèdent que le Tribunal a correctement identifié et suivi les critères déterminés par la jurisprudence pertinente à cet égard.

96      En outre, dans la mesure où l’INTA reproche au Tribunal d’avoir jugé que la bouteille de la requérante ne diverge pas de manière significative des normes ou des habitudes du secteur concerné, il convient de constater que cette analyse relève du domaine des appréciations de nature factuelle.

97      À cet égard, il importe de rappeler que, conformément aux articles 256, paragraphe 1, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. En effet, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt Louis Vuitton Malletier/OHMI, C‑97/12 P, EU:C:2014:324, point 61).

98      Or, force est de constater que l’INTA n’a invoqué, au soutien de cette contestation, aucun argument de nature à démontrer que le Tribunal se serait livré à une dénaturation des éléments de preuve.

Un emballage marqué peut-il être réutilisé sans enfreindre le droit de marque ?

Peut-on envisager de réutiliser des emballages qui portent la marque d’un concurrent ? (Question à mettre en perspective avec le développement durable)


L’arrêt rendu le 14 juillet 2011 par la Cour de justice de l’union européenne, affaire C‑46/10,  est particulièrement intéressant, il concerne très largement le monde de l’emballage.

L’arrêt a été rendu sur une question préjudicielle posée par une juridiction danoise au regard de l’application de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988 sur les marques.

3 acteurs

1°) Au Danemark, une société Kosan Gas commercialise des bouteilles de gaz.

  • Certaines bouteilles ont leur forme protégée en tant que marque tridimensionnelle, mais d’autres bouteilles ne le sont pas.
  • Toutes les bouteilles portent le nom et le logo qui sont également des marques, qui appartiennent à une société norvégienne dont Kosan Gas est la licenciée exclusive.

2°) Le consommateur.

  • Quand il achète la première fois la bouteille de gaz, il paie à la fois le prix de cette bouteille et celui du gaz qu’elle contient.
  • Les fois suivantes, il procède à un échange : sa bouteille vide contre une bouteille déjà remplie en ne payant que pour le gaz qui y est contenu.

3°) Viking Gas, une société danoise, a pour activité le remplissage de bouteilles de gaz. Elle applique sur les bouteilles ainsi remplies :

  • un autocollant avec son nom et le numéro du centre de remplissage,
  • un autre collant avec des informations légales relatives au centre de remplissage et au contenu.

Les marques verbales et figuratives de Kosan Gas ne sont ni retirées ni recouvertes.

Auprès des distributeurs des bouteilles de Viking Gas,  le consommateur peut échanger une bouteille vide portant les marques de Kosan Gas  avec une bouteille similaire remplie  par Viking Gas.

La question préjudicielle

Dans le cadre d’un litige où Kosan Gas a opposé ses droits de marque à Viking Gas, une des juridictions saisies a posé différentes questions préjudicielles à la CJUE à propos de l’épuisement du droit des marques.

Y a-t-il  eu épuisement du droit de marque quand Kosan Gas vend sa bouteille au consommateur ?

  • Partiellement, c’est à dire que cette vente épuise uniquement le droit de Kosan Gas « d’interdire la commercialisation ultérieure des bouteilles encore remplies du gaz d’origine ou vides, mais n’autoriserait pas des tiers à remplir, à des fins commerciales et avec leur propre gaz »,
  • Ou bien totalement, les tiers, c’est à dire les concurrents de Kosan Gas,  comme Viking Gas peuvent remplir ces bouteilles avec le gaz  qu’ils souhaitent.

La solution

La Cour met en balance trois ensembles d’intérêts :

  • Ceux du titulaire des marques ( ici, son licencié).
  • Ceux du consommateur qui a acquis en propriété la bouteille. Cette bouteille a un prix substantiel d’ailleurs souvent supérieur au prix du gaz qu’elle contient, ce n’est donc pas un simple emballage.
  • L’intérêt général qui ici s’exprime par « une concurrence non faussée ».

Qu’elle tranche de la manière suivante :

  • La réalisation de la valeur économique de la marque ( le prix de la bouteille) épuise les droits exclusifs conférés par la directive 89/104,
  • En limitant le remplissage de ces bouteilles auprès du titulaire de la marque ou de son licencié, « lesdits acheteurs ne seraient notamment plus libres dans l’exercice dudit droit, mais seraient liés à un seul fournisseur de gaz pour le remplissage ultérieur desdites bouteilles. »
  • Limiter ce remplissage uniquement auprès du titulaire de la marque ou de son licencié limiterait de fait la liberté dans le choix d’un concurrent puisque le consommateur qui a acheté la bouteille devrait attendre un certain nombre de remplissages pour l’amortir avant de changer de fournisseur.

Pour la Cour, le titulaire des marques ne peut pas s’opposer  à ces remplissages auprès de tiers …… sauf motif légitime.

Constituerait un motif légitime qui permettrait au titulaire de la marque ou à son licencié de s’opposer à cette activité de remplissage : le consommateur « moyen, normalement informé raisonnablement attentif réalisé » considère qu’il existe « un lien entre les deux entreprises en cause »ou que   « le gaz qui a servi au remplissage de ces bouteilles provient de Kozan Gas»

On a vu ci-dessus que les bouteilles remplies par Viking Gas portent toujours les nom et logo de Kozan Gas.  Pour la Cour « cette circonstance constitue un élément pertinent dans la mesure où elle semble exclure que ledit étiquetage modifie l’état des bouteilles en masquant leur origine ».

La solution aurait -elle été identique ?

  • si à la place d’une vente de la bouteille, il y avait eu dépôt d’une consigne.
  • si au Danemark, il n’y avait pas eu cette habitude des consommateurs de trouver auprès des distributeurs différentes bouteilles pour y échanger leur bouteille de gaz.
  • si Kozan Gas n’avait pas vendu également d’autres bouteilles que celles protégées à titre de marque.
  • si le contenu  avait en lui-même présenté des différences, ici il ne semble pas qu’il y ait eu de discussion sur les qualités entre les gaz utilisés par l’une ou l’autre des entreprises.