Le livre numérique : une prestation de services à soumettre au taux normal de TVA

L’arrêt rendu le 5 mars 2015 par la Cour de Justice, ici, à propos du taux de TVA distingue le livre numérique du livre physique.

42      En effet, d’une part, aux termes de l’article 24, paragraphe 1, de la directive TVA, est considérée comme une «prestation de services» toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens, alors que, aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de cette directive, est considéré comme une «livraison de biens» le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire. Or, la fourniture de livres électroniques ne saurait être considérée comme étant une «livraison de biens», au sens de cette dernière disposition, à défaut pour le livre électronique de pouvoir être qualifié de bien corporel. En effet, ainsi qu’il ressort du point 36 du présent arrêt, le support physique permettant la lecture de ce livre, qui pourrait être qualifié de «bien corporel», est absent lors de la fourniture. Il s’ensuit que, en application de cet article 24, paragraphe 1, la fourniture de livres électroniques doit être qualifiée de prestation de services.

43      D’autre part, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement d’exécution n° 282/2011, constituent des services fournis par voie électronique, au sens de la directive TVA, «les services fournis sur l’internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d’une intervention humaine minimale et impossible à assurer en l’absence de technologie de l’information». Il convient de constater que la fourniture de livres électroniques répond à cette définition.

44      Cette interprétation est confirmée par le point 3 de l’annexe II de la directive TVA, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, dudit règlement d’exécution et le point 3 de l’annexe I de celui-ci, dont il résulte que la fourniture du contenu numérisé de livres constitue un tel service.

……

A noter une hausse du prix pour les consommateurs qui acquièrent les livres numériques auprès des sites marchands de leur pays : le taux réduit de 3 % n’est pas applicable au livre numérique.

1)      En appliquant un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 3 % à la fourniture de livres numériques ou électroniques, le Grand‑Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 96 à 99, 110 et 114 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2010/88/UE du Conseil, du 7 décembre 2010, lus en combinaison avec les annexes II et III de ladite directive et le règlement d’exécution (UE) n° 282/2011 du Conseil, du 15 mars 2011, portant mesures d’exécution de la directive 2006/112.

 

Le Conseil Constitutionnel valide la loi sur l’exploitation numérique des livres indisponibles

Ce blog en avait parlé, ici,  le Conseil Constitutionnel a été saisi par le Conseil d’Etat de la conformité des articles L. 134-1 à L. 134-8 du code de la propriété intellectuelle, issus de l’article 1er de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle.

Le 28 février 2014, le Conseil Constitutionnel valide ces articles. La décision du Conseil Constitutionnel est ici.

A noter l’intervention d’une partie en « défense », la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA),son commentaire est ici.

Quelques extraits de la décision du 28 février

11. Considérant que le grief tiré de la méconnaissance de la procédure d’adoption d’une loi ne peut être invoqué à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ;

….

13. Considérant que les finalités et les conditions d’exercice du droit de propriété ont connu depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d’application à des domaines nouveaux et, notamment, à la propriété intellectuelle ; que celle-ci comprend le droit, pour les titulaires du droit d’auteur et de droits voisins, de jouir de leurs droits de propriété intellectuelle et de les protéger dans le cadre défini par la loi et les engagements internationaux de la France ;

14. Considérant que les dispositions contestées ont pour objet de permettre la conservation et la mise à disposition du public, sous forme numérique, des ouvrages indisponibles publiés en France avant le 1er janvier 2001 qui ne sont pas encore tombés dans le domaine public, au moyen d’une offre légale qui assure la rémunération des ayants droit ; qu’ainsi, ces dispositions poursuivent un but d’intérêt général ;

15. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées n’affectent ni le droit de l’auteur au respect de son nom, ni son droit de divulgation, lequel, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, s’épuise par le premier usage qu’il en fait ; qu’elles sont également dépourvues d’effet sur le droit de l’auteur d’exploiter son oeuvre sous d’autres formes que numérique ;

18. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, d’une part, le régime de gestion collective applicable au droit de reproduction et de représentation sous forme numérique des « livres indisponibles » n’entraîne pas de privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, d’autre part, l’encadrement des conditions dans lesquelles les titulaires de droits d’auteur jouissent de leurs droits de propriété intellectuelle sur ces ouvrages ne porte pas à ces droits une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ; que, par suite, les griefs tirés de l’atteinte au droit de propriété doivent être écartés ;

19. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont en tout état de cause pas entachées d’inintelligibilité, ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu’elles doivent être déclarées conformes à la Constitution,

 

Loi relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles au 1er janvier 2001

Publication de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle.

Cette loi s’applique au « livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l’objet d’une diffusion commerciale par un éditeur et qui ne fait pas actuellement l’objet d’une publication sous une forme imprimée ou numérique »

  • Création d’un registre tenu par la Bibliothèque nationale de France

« Il est créé une base de données publique, mise à disposition en accès libre et gratuit par un service de communication au public en ligne, qui répertorie les livres indisponibles. La Bibliothèque nationale de France veille à sa mise en œuvre, à son actualisation »

  • Qui peut demander l’inscription d’un livre à ce registre ?

« Toute personne peut demander à la Bibliothèque nationale de France l’inscription d’un livre indisponible dans la base de données. »

  • Qui peut exploiter numériquement le livre ?

« …le droit d’autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est exercé par une société de perception et de répartition des droits « 

  • Qui peut s’opposer à cette exploitation ?

« L’auteur d’un livre indisponible ou l’éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée de ce livre peut s’opposer à l’exercice du droit d’autorisation mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 134-3 par une société de perception et de répartition des droits agréée. Cette opposition est notifiée par écrit à l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 134-2 au plus tard six mois après l’inscription du livre concerné dans la base de données mentionnée au même alinéa. »

– « L’éditeur ayant notifié son opposition dans les conditions prévues au premier alinéa du I du présent article est tenu d’exploiter dans les deux ans suivant cette notification le livre indisponible concerné. Il doit apporter par tout moyen la preuve de l’exploitation effective du livre à la société agréée en application »

– « Après l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent I, l’auteur d’un livre indisponible peut s’opposer à l’exercice du droit de reproduction ou de représentation de ce livre s’il juge que la reproduction ou la représentation de ce livre est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation. Ce droit est exercé sans indemnisation. »

  • Qui va exploiter numériquement le livre ?

… »la société de perception et de répartition des droits propose une autorisation de reproduction et de représentation sous une forme numérique d’un livre indisponible à l’éditeur disposant du droit de reproduction de ce livre sous une forme imprimée.
« Cette proposition est formulée par écrit. Elle est réputée avoir été refusée si l’éditeur n’a pas notifié sa décision par écrit dans un délai de deux mois à la société de perception et de répartition des droits.
« L’autorisation d’exploitation mentionnée au premier alinéa est délivrée par la société de perception et de répartition des droits à titre exclusif pour une durée de dix ans tacitement renouvelable, sauf dans le cas mentionné à l’article L. 134-8.
« Mention de l’acceptation de l’éditeur est faite dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.
« A défaut d’opposition de l’auteur apportant par tout moyen la preuve que cet éditeur ne dispose pas du droit de reproduction d’un livre sous une forme imprimée, l’éditeur ayant notifié sa décision d’acceptation est tenu d’exploiter, dans les trois ans suivant cette notification, le livre indisponible concerné. Il doit apporter à cette société, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective du livre.
« A défaut d’acceptation de la proposition mentionnée au premier alinéa ou d’exploitation de l’œuvre dans le délai prévu au cinquième alinéa du présent article, la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique sont autorisées par la société de perception et de répartition des droits dans les conditions prévues au second alinéa du I de l’article L. 134-3.
« L’utilisateur auquel une société de perception et de répartition des droits a accordé une autorisation d’exploitation dans les conditions prévues au même second alinéa est considéré comme éditeur de livre numérique au sens de l’article 2 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

  • A noter

« L’auteur et l’éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée d’un livre indisponible notifient conjointement à tout moment à la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l’article L. 134-3 leur décision de lui retirer le droit d’autoriser la reproduction et la représentation dudit livre sous forme numérique.
« L’auteur d’un livre indisponible peut décider à tout moment de retirer à la société de perception et de répartition des droits mentionnée au même article L. 134-3 le droit d’autoriser la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique s’il apporte la preuve qu’il est le seul titulaire des droits définis audit article L. 134-3. Il lui notifie cette décision. »