Procès en annulation d’une marque communautaire devant l’OHMI, comment apprécier les éléments figuratifs ? Faut-il les réduire à leur stricte expression verbale : éléphant et éléphants ? A propos de l’arrêt du TPI du 7 février 2012

L’arrêt du 7 févier 2012 dans l’affaire T‑424/10, Dosenbach-Ochsner AG Schuhe und Sport, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), intervient à propos d’une marque figurative communautaire qui a fait l’objet d’une demande en nullité au regard de différents dépôts qui portent tous sur le même signe figuratif.


Les marques en causes

 

  • Le signe de la marque communautaire enregistrée :

En 2006, cette marque a été enregistrée pour  :

–        classe 24 : « Tissus ; tissus élastiques ; tissus adhésifs collables à chaud ; tissus imitant la peau d’animaux ; tissus de laine ; couvertures ; couvertures de voyage ; nappes ; articles textiles ; tapisserie en tissu ; mouchoirs de poche (en matières textiles) ; drapeaux ; lingettes en tissus et en tissus non tissés ; serviettes de table en tissu ; serviettes de table en matières textiles ; toiles synthétiques pour changer les bébés » ;

–        classe 25 : « Vêtements pour hommes, femmes et jeunes en général, y compris les vêtements en peau ; chemises ; chemisiers ; jupes ; tailleurs ; vestes ; pantalons ; shorts ; jerseys ; T-shirts ; pyjamas ; bas ; maillots de corps ; corsets ; fixe-chaussettes ; caleçons ; soutiens-gorges ; dessous (sous-vêtements) ; chapeaux ; foulards ; cravates ; imperméables ; pardessus ; manteaux ; maillots de bain ; survêtements ; anoraks ; pantalons de ski ; ceintures ; pelisses ; écharpes ; gants ; robes de chambre ; chaussures en général, y compris pantoufles, chaussures, chaussures de sport, bottes et sandales ; couches en matières textiles ; bavoirs pour nouveau-nés ».

 

  • Le signe opposé:

Ce signe fait l’objet de différentes marques antérieures au dépôt de la marque communautaire.

– une marque internationale visant notamment la République tchèque, désignant les produits relevant de la classe 25 « Chaussures et articles chaussants »,

– une marque allemande désignant notamment les « couvertures pour enfants, draps de lit pour enfants, serviettes de toilette pour enfants, sacs de couchage pour enfants ; sacs en tissu et sacs de transport en tissu pour enfants » relevant de la classe 24 et les « vêtements pour enfants, chapeaux pour enfants ; ceintures pour enfants » relevant de la classe 25 :

 

  • Une marque verbale est également invoquée à cette demande en nullité de la marque communautaire : la marque allemande verbale elefanten, désignant : « Chaussures » ;

 

Les décisions de l’OHMI

 

9 septembre 2008 : la division d’annulation rejette la demande en nullité,

15 juillet 2010 : la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

 

La décision du Tribunal : l’annulation de la décision de la chambre de recours

 

  • En matière de marque figurative, une comparaison phonétique n’est pas pertinente

46…une marque figurative dépourvue d’éléments verbaux ne peut pas être prononcée en tant que telle. Tout au plus, son contenu visuel ou conceptuel peut être décrit oralement. Or, une telle description coïncide nécessairement soit avec la perception visuelle soit avec la perception conceptuelle de la marque concernée. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner, de manière autonome, la perception phonétique d’une marque figurative dépourvue d’éléments verbaux et de la comparer avec la perception phonétique d’autres marques.

47 Dans ces circonstances, et compte tenu de ce que la marque contestée est une marque figurative dépourvue d’éléments verbaux, il n’y a lieu de conclure ni à une similitude ni à une dissimilitude phonétique entre cette dernière marque et les marques antérieures.

  • La proximité conceptuelle : éléphant et éléphants !

52 S’agissant de la comparaison conceptuelle entre la marque contestée et les marques figuratives antérieures, il n’est pas contesté que ces dernières seront perçues comme renvoyant à la notion d’« éléphant ». Or, étant donné la proximité entre la notion d’« éléphant » et celle d’« éléphants », il y a lieu de conclure, à l’instar de la chambre de recours, à une similitude conceptuelle entre la marque contestée et les marques figuratives antérieures.

Étonnante affirmation de la part d’une juridiction qui vient juste de dire que les marques figuratives ne se prononcent pas, et qui ne tient pas compte dans ce raccourci verbal des graphismes et postures particulières de ces signes.

 

  • D’où le constat du Tribunal

53 Au final, il y a lieu de constater que la décision attaquée est viciée par des erreurs relatives à l’appréciation de la similitude phonétique et de la similitude conceptuelle.

  • Mais le Tribunal ne s’arrête pas là !

Toutefois, l’impact de ces erreurs sur le bien‑fondé du constat de la chambre de recours relatif à l’absence de risque de confusion et, partant, sur le bien‑fondé du dispositif de la décision attaquée ne peut être apprécié qu’au stade de l’examen global de l’ensemble des facteurs pertinents. Aux fins de cet examen, il y a lieu de considérer que les marques concernées sont différentes sur le plan visuel, que leur comparaison phonétique est dépourvue de pertinence et que, sur le plan conceptuel, la marque contestée est identique à la marque verbale antérieure et similaire aux marques figuratives antérieures.

Et d’ajouter :

…. il ressort d’une lecture contextuelle du passage cité au point 57 ci‑dessus que la requérante a renvoyé, afin d’étayer la revendication du caractère distinctif accru des marques antérieures, à l’ensemble des éléments présentés par elle afin de prouver l’usage sérieux de ces dernières.

68 Par ailleurs, ces éléments, à savoir des matériaux publicitaires dans lesquels figuraient les marques antérieures et des déclarations sur l’honneur relatives aux volumes de vente des produits qui en étaient revêtus, étaient pertinents, de prime abord, non seulement s’agissant de l’usage sérieux des marques antérieures, mais également s’agissant de leur éventuel caractère distinctif acquis par l’usage.

..

70 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est à tort que la chambre de recours a constaté que la requérante n’avait pas expressément revendiqué un caractère distinctif accru des marques antérieures dû à leur usage. C’est donc également à tort qu’elle n’a pas examiné le bien‑fondé des revendications de la requérante sur ce point.

71 Cette erreur implique que la chambre de recours a omis d’examiner un facteur potentiellement pertinent dans l’appréciation globale de l’existence du risque de confusion entre la marque contestée et les marques antérieures.

 

 

Dépôt de marque communautaire, en cas d’opposition point trop d’imagination !

L’arrêt du 12 janvier 2012, T- 462/09 intervient à propos d’une opposition fondée sur une marque antérieure FAVOLIZIA contre un dépôt RAGOLIZIA pour des produits qui ont été considérés comme identiques,

L’intérêt de cette décision  : l’appréciation de la similitude entre les signes, – le Tribunal rejette le recours contre la décision de la chambre qui a fait droit à l’opposition- . Relevons ce qui est aux débats à propos de la similitude conceptuelle, la déposante invoque le mot « favour » qui se retrouverait dans différentes langues :

La requérante reproche à la chambre de recours de n’avoir pas procédé à une comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel. Elle soutient que le signe Ragolizia n’a aucune signification précise, alors que le signe FAVOLIZIA évoque, par ses deux premières syllabes « fa‑vo », le mot anglais « favour », qui serait bien connu dans l’Union européenne et se retrouverait presque à l’identique dans de nombreuses langues de l’Union, dont notamment l’allemand, l’espagnol, l’anglais, le français, l’italien et le néerlandais. De plus, le mot « favour » et le signe FAVOLIZIA, associés aux produits relevant de la classe 30 pour lesquels cette marque est enregistrée, seraient compris par le public pertinent comme une allusion aux mots « favorisé » et « favori ». Les signes en conflit ne seraient, dès lors, pas similaires sur le plan conceptuel.

29 En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit n’avaient pas de signification conceptuelle dans les langues de l’Union, de sorte qu’une comparaison sur ce plan était impossible.

Dépôt de marque communautaire et atteinte à la la renommée d’une marque communautaire antérieure

L’arrêt du 25 janvier 2012 du Tribunal,T‑332/10, Viaguara S.A., contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), se prononce sur l’atteinte à la renommée de la marque antérieure, un des motifs relatifs de refus de l’article 8 point 5 du règlement.

3 octobre 2005 : Viaguara S.A. dépose la demande de marque communautaire : VIAGUARA.

–        classe 32 : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 33 : « Boissons alcoolisées ; liqueurs ; eaux de vie ; vins ».

7 février 2007: Pfizer Inc., fait opposition pour tous les produits en invoquant la marque  communautaire verbale antérieure : VIAGRA

« Produits et substances pharmaceutiques et vétérinaires ».

L’opposition est fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement

30 juin 2009 : rejet de l’opposition par la division d’opposition

13 août 2009 : Pfizer dépose un recours auprès de l’OHMI.

20 mai 2010 : la première chambre de recours de l’OHMI annule la décision de la division d’opposition.

La déposante saisit alors le Tribunal.

  • Le Tribunal rappelle les trois conditions qui doivent être remplies cumulativement

– premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ;

– deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et,

– troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice.

  • Le Tribunal revient sur l’appréciation globale de ce lien spécifique entre les deux marques

L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public

  • Cette atteinte à la marque antérieure n’a pas à être effective et actuelle mais elle doit être prévisible

En effet, lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteinte découlera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire de sa marque, le titulaire de la marque antérieure ne saurait être obligé d’en attendre la réalisation effective pour pouvoir faire interdire ledit usage. Le titulaire de la marque antérieure doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur.

  • Au regard de quel public cette analyse de l’atteinte doit-elle être menée, celui de la marque déposée ou celui de la marque antérieure  ?

L’existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. En revanche, l’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

  • Sur la prétendue légitimation de la présence du mot « guara » dans la marque demandée

La chambre de recours a, ensuite, rappelé que, bien que le choix du suffixe « guara » par la requérante en l’espèce puisse être considéré légitime, en relation avec la plante guarana qui est un ingrédient de ses boissons, l’association de cet élément avec le préfixe « via » ne serait pas une coïncidence. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette appréciation ne saurait être interprétée dans le sens que la chambre de recours aurait admis que la marque demandée renvoie à la plante « guarana ». Il s’agit, au contraire, d’une indication que l’association du suffixe « guara » au préfixe « via » a pour effet de renvoyer à la marque antérieure.

66 S’agissant, en outre, de la nature des produits concernés, la chambre de recours a considéré, à bon droit, que les propriétés stimulantes et aphrodisiaques revendiquées à des fins commerciales par les boissons non alcooliques relevant de la classe 32 coïncidaient avec les indications thérapeutiques du produit de la marque antérieure ou, à tout le moins, avec l’image projetée par celle-ci.

67 Partant, même si ces produits ne sauraient procurer réellement le même bénéfice que le médicament pour le traitement de la dysfonction érectile couvert par la marque antérieure, ce qui importe est que le consommateur sera enclin à les acheter en pensant retrouver des qualités semblables, telles que l’augmentation de la libido, du fait du transfert des associations positives projetées par l’image de la marque antérieure.

Partant, même si ces produits ne sauraient procurer réellement le même bénéfice que le médicament pour le traitement de la dysfonction érectile couvert par la marque antérieure, ce qui importe est que le consommateur sera enclin à les acheter en pensant retrouver des qualités semblables, telles que l’augmentation de la libido, du fait du transfert des associations positives projetées par l’image de la marque antérieure.

Le recours est rejetée

Procédure devant le Tribunal après rejet de la demande de marque communautaire sur opposition d’un tiers, quelques points de procédure

L’arrêt du 17 janvier 2012,T‑522/10, Hell Energy Magyarország kft, c/ OHMI, vaut essentiellement par les points de procédure qu’il rappelle.

  • 15 mai 2007 : dépôt par Hell Energy Magyarország kft, de la demande de marque communautaire

pour « Boissons non alcooliques, boissons énergétiques/breuvages énergétiques. »

  • 7 décembre 2007 : opposition  par Hansa Mineralbrunnen GmbH, avec sa marque communautaire verbale antérieure

Hella, déposée le 14 juin 2006 et enregistrée le 2 août 2007 pour : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques, boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons ; limonades, boissons pétillantes et boissons aux fruits, boissons diététiques sans alcool non médicinales. »

  • L’opposition est acceptée, la demande de marque est rejetée, et le 5 août 2010, la première chambre de recours de l’OHMI confirme la décision de la division d’opposition,
  • Le recours de la déposante devant le Tribunal est lui aussi rejeté par cet arrêt, mais celui-ci rappelle deux points de procédure.

1°) La déposante ne peut pas valablement demander au Tribunal de procéder à l’enregistrement de la marque

14 La requérante demande au Tribunal de procéder à l’enregistrement de la marque demandée. De telles conclusions doivent être interprétées comme tendant à enjoindre à l’OHMI d’enregistrer ladite marque.

15 Il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union européenne contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union. [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 20, et la jurisprudence citée]. Partant, les conclusions de la requérante tendant à ce que le Tribunal ordonne à l’OHMI de faire droit à la demande d’enregistrement sont irrecevables.

2°) La limitation des produits ou des services par la déposante après la décision de l’OHMI est interprétée comme une déclaration que la décision attaquée n’est contestée que pour autant qu’elle vise le reste des produits concernés ou comme un désistement partiel,

16 Dans son mémoire en réponse, l’OHMI indique que, le 17 novembre 2010, soit après l’introduction du présent recours, la requérante a introduit une demande pour limiter la liste des produits désignés par la marque demandée aux seules « boissons énergétiques », en supprimant la référence aux « boissons non alcooliques ».

17 En principe, une limitation, au sens de l’article 43, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, de la liste des produits ou des services contenus dans une demande de marque communautaire, qui intervient postérieurement à l’adoption de la décision de la chambre de recours attaquée devant le Tribunal, ne peut affecter la légalité de ladite décision, qui est la seule contestée devant le Tribunal [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 25, et la jurisprudence citée].

18 Toutefois, une déclaration du demandeur de la marque, postérieure à la décision de la chambre de recours, par laquelle celui-ci retire sa demande pour certains des produits initialement visés, peut être interprétée comme une déclaration que la décision attaquée n’est contestée que pour autant qu’elle vise le reste des produits concernés ou comme un désistement partiel, dans le cas où cette déclaration est intervenue à un stade avancé de la procédure devant le Tribunal, laquelle ne modifie pas l’objet du litige. Ainsi, une telle limitation doit être prise en compte par le Tribunal, dans la mesure où il lui est demandé de ne pas contrôler la légalité de la décision de la chambre de recours, pour autant qu’elle porte sur les produits ou services retirés de la liste, mais seulement dans la mesure où elle concerne les autres produits ou services, maintenus sur la même liste (voir, par analogie, arrêt Mozart, point 17 supra, et la jurisprudence citée).

19 Lorsque la limitation de la liste des produits ou des services contenue dans une demande de marque communautaire a pour objet la modification, en tout ou en partie, de la description desdits produits ou services, il ne peut être exclu que cette modification puisse avoir un effet sur l’examen de la marque en question, effectué par les instances de l’OHMI au cours de la procédure administrative. Dans ces circonstances, admettre cette modification au stade du recours devant le Tribunal équivaudrait à une modification de l’objet du litige en cours d’instance, interdite par l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal (arrêt Mozart, point 17 supra, point 29).

20 Dans le cas d’espèce, la limitation opérée par la requérante consiste à retirer de la liste des produits désignés dans la demande de marque l’indication des « boissons non alcooliques » et à ne garder que l’indication « boissons énergétiques ». Une telle limitation peut être prise en considération par le Tribunal.

Contrefaçon de marque communautaire : la portée territoriale de l’interdiction

La marque communautaire étant valable sur l’ensemble de l’union européenne, le juge quand il condamne pour contrefaçon, ordonne des mesures d’interdiction. Cette interdiction porte-t-elle sur l’ensemble des pays membres de l’union ou peut-elle  retenir comme critères des considérations propres à chaque État  ?

Portée de l'interdiction territoriale de la marque et limite étatique

Cette problématique avait fait l’objet d’une question préjudicielle auprès de la CJUE à l’initiative de la Cour de Cassation dans une affaire opposant Chronopost à DHL International à propos de la marque Webshipping.

Après l’arrêt de la CJUE du 12 avril 2011 (C-235/09), [ ici ],  la Cour de Cassation par son arrêt du 29 novembre 2011, [ ici ] a cassé partiellement l’arrêt de la Cour de Paris.

Tout d’abord, la Cour de cassation rappelle l’arrêt de la CJUE : le principe d’une interdiction sur l’ensemble de l’Union et sans rechercher si des mesures propres à chaque Etat la prévoit.

1°/ que l’article 98, paragraphe 1, du règlement n°40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire doit être interprété en ce sens que la portée de l’interdiction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon d’une marque communautaire prononcée par un tribunal des marques communautaires, dont la compétence est fondée sur les articles 93, paragraphes 1 à 4, et 94, paragraphe 1, de ce règlement, s’étend, en principe, à l’ensemble du territoire de l’Union européenne ;

2°/ que l’article 98, paragraphe 1, seconde phrase, doit être interprété en ce sens qu’une mesure coercitive, telle une astreinte, ordonnée par un tribunal des marques communautaires en application de son droit national en vue de garantir le respect d’une interdiction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon qu’il a prononcée, produit effet dans les Etats membres autres que celui dont relève ce tribunal, auxquels s’étend la portée territoriale d’une telle interdiction, dans les conditions prévues au chapitre III du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, en ce qui concerne la reconnaissance et l’exécution des décisions de justice ; que lorsque le droit national de l’un de ces autres Etats membres ne contient aucune mesure coercitive analogue à celle prononcée par ledit tribunal, l’objectif auquel tend cette dernière devra être poursuivi par le tribunal compétent de cet Etat membre en recourant aux dispositions pertinentes du droit interne de ce dernier de nature à garantir de manière équivalente le respect de ladite interdiction ;

 

Puis, c’est l’application de ce principe à l’arrêt de la Cour de Paris

Attendu que pour limiter la demande d’interdiction d’usage, sous astreinte, de la marque communautaire Webshipping au seul territoire français, la cour d’appel retient que le prononcé d’une mesure d’interdiction sous astreinte, à l’échelle communautaire, suppose que le tribunal des marques communautaires ait communication des lois nationales prévoyant une mesure comparable et que l’existence d’un risque de confusion entre les signes en présence n’a été appréciée qu’au regard de la perception que pouvaient en avoir les consommateurs français ou parlant français ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs desquels il ne résulte pas que l’existence d’un risque de confusion était limitée au seul territoire français, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

La Cour de cassation renvoie l’affaire devant l’autre formation de la Cour d’appel de Paris

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a interdit, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé un délai d’un mois, à compter de sa signification, sur le seul territoire français, la poursuite des actes d’usage des dénominations Webshipping et Web shipping, l’arrêt rendu le 9 novembre 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;