Le titre d’une œuvre éditée sous la forme d’un livre par exemple, peut-il constituer une contrefaçon de marque ?
La Cour de Paris par son arrêt du 26 mai 2010 a écarté le grief de contrefaçon de marque à l’encontre de l’emploi du signe dans le titre de l’œuvre en faisant une distinction :
« …entre l’oeuvre de l’esprit, incorporelle et unique, et le produit qui en constitue le support matériel, produit qui est ici un livre mais qui pourrait être aussi un vidéogramme ou un site internet ;
Or considérant que le titre ‘elles ont posé pour lui’ ne désigne, n’identifie et n’individualise que l’oeuvre elle-même, composée de clichés choisis dans le fonds photographique de Jean-Pierre BOURGEOIS, sans avoir vocation, même s’il apparaît en page de couverture, à distinguer le livre dans lequel l’oeuvre est matérialisée, cette fonction étant assurée par le signe d’appartenance à une maison d’édition ou à une collection, en l’occurrence ‘Les Editions du Chêne’, seul de nature à garantir aux consommateurs la provenance du produit et, par voie de conséquence, à constituer une marque ; »
Autrement dit, l’atteinte à la fonction de la marque ne peut être réalisée non par le titre qui vise l’œuvre intellectuelle indépendamment de son support matériel, mais par le nom de l’éditeur qui désigne l’origine de la fixation de l’œuvre sur le support matériel,
Cet arrêt montrait un tournant radical par rapport à la jurisprudence dominante .
Le 12 juillet 2011, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre cet arrêt :
Mais attendu que les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière de l’article 5 de la Directive 89/104 CEE du Conseil de l’Union européenne, n’autorisent l’exercice du droit conféré par ces articles que dans les cas où l’usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance ; qu’ayant retenu que le titre « elles ont posé pour lui » ne désigne qu’une oeuvre intellectuelle unique composée de clichés choisis dans le fonds photographique de JP X… alors que le produit, dans lequel cette oeuvre est matérialisée, est un livre identifié par la dénomination « Les Editions du Chêne », seule de nature à garantir aux consommateurs la provenance du produit et à constituer une marque, la cour d’appel en a exactement déduit que le titre « elles ont posé pour lui » au sein duquel était inséré le signe « lui » n’était pas utilisé à titre de marque ; que le moyen n’est pas fondé ;