Les marques communautaires figuratives sont-elles des marques tridimensionnelles qui s’ignorent ?

L’arrêt du 19 septembre 2012 rendu par le TPUE, T‑231/11, V. Fraas GmbH, contre OHMI s’il intervient sur une marque figurative, se réfère grandement aux marques tridimensionnelles. Faut-il prévoir de nouvelles difficultés pour le déposant devant l’OHMI de demande de marque communautaire figurative ?

14 juillet 2009 : dépôt par V. Fraas GmbH d’une demande d’enregistrement de la marque communautaire portant sur le signe ci-après indiqué.

Pour désigner :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières (si compris dans la classe 18) ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes » ;

–        classe 24 : « Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; couvertures de lit et de table » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

20 août 2010 : rejet par l’examinateur pour défaut de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sauf pour  « cuir et imitations de cuir » et « cannes ».

19 octobre 2010 : recours du déposant.

4 mars 2011 : la quatrième chambre de recours rejette le recours, ayant considéré, tout comme l’examinateur, que la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b).

Le Tribunal rejette également le recours.

Au-delà du cas d’espèce, le praticien sera intéressé à la lecture de cet arrêt par les nombreuses références aux marques tridimensionnelles, dont l’aléa devant l’OHMI est maintenant bien connu.

40      Selon une jurisprudence également constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui‑même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui‑même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale …….

41      Il ressort de ces considérations que seule une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui‑même, laquelle, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur concerné et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), …………..

42      La jurisprudence citée aux points 40 et 41 ci‑dessus, développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit désigné, vaut également lorsque la marque en question est une marque figurative constituée par la forme dudit produit. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne …

43      Tel est également le cas d’une marque figurative constituée par une partie de la forme du produit qu’elle désigne, dans la mesure où le public pertinent la percevra, immédiatement et sans réflexion particulière, comme une représentation d’un détail particulièrement intéressant ou attrayant du produit en question, plutôt que comme une indication de son origine commerciale

………………..

. 53      En conséquence, c’est à bon droit que la chambre de recours s’est fondée, pour évaluer le caractère distinctif de la marque demandée, sur les principes applicables aux marques tridimensionnelles. En effet, les considérations exposées aux points 42 et 43 ci‑dessus justifient l’application de la jurisprudence développée au sujet des marques tridimensionnelles, citée aux points 40 et 41 ci‑dessus, également aux marques figuratives constituées par la forme du produit concerné ou la forme d’une partie du produit concerné, dès lors qu’une telle marque n’est pas non plus indépendante de l’aspect du produit qu’elle désigne.

Les difficultés rencontrées par les avocats et les conseils en propriété industrielle pour apporter des preuves d’usage de la marque

L’arrêt rendu le 13 juin 2012  par le Tribunal montre les difficultés auxquelles les avocats et les conseils en propriété industrielle sont confrontées quand il s’agit d’apporter la preuve de l’exploitation de la marque antérieure

  • Brièvement les marques en cause

– La marque communautaire demandée : CERATIX

Pour « Additifs chimiques permettant d’améliorer la surface et les propriétés d’application des teintures, laques, encres d’imprimerie et produits connexes, en particulier dispersions de cire à base de solvants »;

– La marque antérieure opposée : CERATOFIX

Une marque allemande du 4 septembre 2000 pour « « Produits chimiques à usage industriel, notamment aluminosilicates en tant qu’additifs pour la fabrication de matériaux et de corps de moulage incombustibles ainsi que de glaçures ».

  • La procédure devant l’OHMI

29 juillet 2010 : la division d’opposition considère que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure est apportée. L’opposition est accueillie la demande de marque communautaire rejetée;

16 août 2010 : le demandeur à la marque communautaire forme un recours auprès de l’OHMI;

8 avril 2011 : la quatrième chambre de recours de l’OHMI rejette le recours en considérant que « que les documents déposés par la requérante étaient insuffisants aux fins de rapporter la preuve de l’usage sérieux au sens de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009. En particulier, elle a estimé, au point 21 de la décision attaquée, ne pas pouvoir déterminer les produits auxquels les preuves documentaires concernant les actes d’usage de la marque antérieure faisaient référence ».

  • L’arrêt en rejetant le recours de l’opposant montre les difficultés auxquelles les praticiens , avocat, conseil en propriété industrielle,  sont confrontées quand il s’agit d’apporter la preuve de l’exploitation de la marque antérieure
  • Les documents produits :

–      une déclaration du Dr S., directeur du groupe de produits « spécialités » de la requérante, du 2 juin 2009 ;

–        des reproductions d’emballages ou de sacs portant l’inscription CERATOFIX ;

–        104 factures adressées à des clients en Allemagne s’échelonnant de 2004 à 2008 ;

–        une copie d’une page de la brochure « SCnews » 04/2007 ».

  • L’examen de ceux-ci

Sur la déclaration du D. S.

30……..il résulte de la jurisprudence, d’une part, que, même lorsqu’une déclaration a été établie au sens de l’article 76, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 40/94 par l’un des cadres de la requérante, il ne peut être attribué une valeur probante à ladite déclaration que si elle est corroborée par d’autres éléments de preuve……... D’autre part, le fait qu’une telle déclaration émane d’un salarié de la requérante ne saurait à elle seule la priver de toute valeur…].

Mais les  factures,  les reproductions d’emballage et celle de la brochure ne corroborent pas cette déclaration

38      …… il convient de constater que les factures qui ont été transmises par la requérante à l’OHMI comportent uniquement l’énoncé de la marque verbale, la nature du conditionnement ainsi que le numéro de l’article, mais ne précisent pas la nature du produit concerné, en sorte qu’aucune information ne permet de déterminer le produit vendu.

39      En effet, lesdites factures ne permettent pas, per se ou par recoupement avec des catalogues ou d’autres documents, de déterminer la nature des produits qui ont fait l’objet de la transaction matérialisée par la facture établie par la requérante…..

40      Or, en l’absence de toute donnée permettant d’identifier la nature du produit concerné ou, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée, de listes de références permettant de déterminer, au regard de leur numéro d’article, les produits qui ont été vendus, force est de constater qu’il est impossible de procéder à l’établissement d’un lien entre cette marque et des produits qui en seraient revêtus.

41      En outre, il n’apparaît pas que la preuve de l’usage serait plus difficile à rapporter lorsque les factures sont établies directement par le producteur aux entreprises industrielles que par des agents commerciaux à des clients finaux ou que les preuves présenteraient un caractère probant accru en ce qui concerne ces derniers.

42      En effet, que les produits soient vendus à des entreprises industrielles ou à des clients finaux, il convient de relever que, aux fins de l’établissement de la preuve d’usage sérieux, doivent toutefois figurer sur les factures des informations permettant d’identifier de manière même indirecte la nature du produit faisant l’objet de la transaction concernée.

43      Troisièmement, s’agissant des photographies des emballages portant l’inscription de la marque antérieure, force est de constater qu’elles ne permettent pas de déterminer, directement ou même indirectement, la nature du produit contenu dans lesdits emballages. En effet, ces photographies, dont il n’est pas nécessaire d’examiner la conséquence de l’absence de transmission de celles-ci à l’intervenante du fait du caractère illisible des photocopies adressées à cette dernière, comportent, pour quatre d’entre elles, uniquement la mention « CERATOFIX R 25 KG » suivie de la mention « 06/2009 » et de la mention « LW : 1744 ». La dernière photographie représente plusieurs sacs empilés et emballés ensemble dans un fil plastique transparent laissant apparaître l’inscription suivante : « CERATOFIX WGA M9106 24,5 KG ».

44      Aucune de ces mentions ne renvoie à un document ou à tout autre élément permettant de déterminer la nature du produit contenu dans ces sacs.

45      Quatrièmement, s’agissant de la copie d’une page de la brochure « ‘SCnews’ 04/2007 », force est de constater que cette brochure fournit des informations sur le lancement d’une nouvelle gamme de produits « CERATOFIX », à savoir des additifs spéciaux pour des agents de démoulage, pour la production de pneus et de matières plastiques.

46      Certes, ainsi que la requérante l’a souligné, la Cour a jugé, au point 37 de l’arrêt Ansul, point 19 supra, que l’usage de la marque devait porter sur des produits et des services qui étaient déjà commercialisés ou dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, était imminente.

47      Ainsi, selon la requérante, l’usage d’une marque peut être considéré comme sérieux lorsque cette marque n’est pas utilisée pour commercialiser des produits, mais pour conquérir de futurs débouchés, ce qui serait établi par la brochure susmentionnée, qui constitue une mesure publicitaire.

48      Toutefois, ainsi que l’a relevé à juste titre l’OHMI, cette brochure ne contient aucune indication concernant la commercialisation ou la vente de produits, mais fait uniquement référence à des « entretiens prometteurs » avec des clients potentiels, ce qui ne constitue, à ce stade, qu’une supposition. Ainsi, cette brochure ne saurait, à elle seule, être assimilée à une campagne publicitaire permettant d’entrevoir une commercialisation imminente concernant des produits spécifiques.

49      Il ressort des points 34 à 48 ci-dessus que la déclaration du Dr S. n’étant pas corroborée par d’autres éléments de preuve, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’elle ne pouvait pas, à elle seule, prouver l’usage sérieux de la marque antérieure.

 

Dépôt de marque communautaire et dépôt de marque internationale : deux issues différentes

L’arrêt du 29 mars 2012 du tribunal à propos de la demande de marque figurative « 3D eXam », T‑242/11,Kaltenbach & Voigt GmbH, contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), illustre une situation à priori étonnante le déposant a obtenu un enregistrement international de sa marque un an avant ses déboires devant l »OHMI.

Successivement l’examinateur et la Chambre de recours de l’Ohmi ont rejeté la demande de marque 3D eXam demandée pour des appareils de radiographie à usage dentaire.

Le Tribunal va rejeter le recours du déposant. Reprenons ici les points importants de l’arrêt sur l’absence de caractère distinctif du signe déposé.

Le rappel du principe

Il convient également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services concernés.

L’application

24      En l’espèce, les produits concernés sont des appareils de radiographie à usage dentaire.

  • La compréhension du signe, d’abord la définition du public, puis sa compréhension du signe, ici, de la langue anglaise

25      S’agissant du public par rapport auquel il convient d’apprécier le motif absolu de refus en cause, la requérante n’a pas contesté l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle il était constitué d’un public spécialisé, à savoir un public spécialisé composé de dentistes, y compris d’orthodontistes.

26      En outre, étant donné que le signe en cause est composé d’éléments provenant de la langue anglaise, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que le public par rapport auquel il convient d’apprécier l’existence d’un motif absolu de refus est un public anglophone. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 énonce que le paragraphe 1 dudit article est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté. De plus, à l’instar de la chambre de recours, il convient de constater que les domaines médicaux, tels que la dentisterie subissent actuellement une influence internationale et, dès lors, qu’il est permis de supposer que les consommateurs spécialisés pertinents d’autres États membres peuvent également avoir une connaissance suffisante de l’anglais pour comprendre la signification de la marque demandée.

  • Un rapport suffisamment direct et concret entre le signe et les produits

27      Dès lors, il y a lieu d’examiner s’il existe, du point de vue dudit public, un rapport suffisamment direct et concret entre le signe 3D eXam et les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé.

28      Le signe demandé se compose de deux éléments joints, à savoir l’élément « 3d » et l’élément verbal « exam ».

29      Ainsi, l’élément « 3d » désigne un effet tridimensionnel et l’élément « exam » fait référence à une inspection détaillée. L’argument de la requérante selon lequel le public comprendra le mot « exam » comme désignant un test de connaissances ou d’aptitude d’un « étudiant dans une discipline spécifique, qui donne lieu à une qualification en cas de réussite de l’étudiant » ne saurait prospérer.

30      Certes, le terme « exam » a plusieurs significations. Toutefois, à l’instar de ce qu’a souligné la chambre de recours, ce terme est également l’abréviation courante du mot « examination » qui, dans le domaine médical, désigne une « inspection physique d’un patient ou des parties de son corps afin de vérifier qu’il est en bonne santé ou diagnostiquer une maladie » ou une « étude en laboratoire de sécrétions ou excrétions, échantillons de tissus, etc., notamment afin de diagnostiquer une maladie ».

31      Les produits visés par la marque demandée étant des « appareils de radiographie à usage dentaire », il est évident que, confrontés à ces appareils identifiés par le signe 3D eXam, les dentistes donneront à l’élément verbal « exam » la signification qui est la sienne dans un contexte médical.

  • Le rappel de la démarche concrète

32      L’argument de la requérante selon lequel plusieurs étapes mentales seraient nécessaires pour saisir le message selon lequel « 3D eXam » fait référence à un examen dentaire aux rayons X en trois dimensions n’est pas davantage convaincant. À cet égard, il suffit de relever que la nature descriptive du signe demandé doit être appréciée par rapport à des produits spécifiques et non de façon abstraite.

33      L’argument de la requérante selon lequel le signe demandé contient la lettre majuscule « X » n’affecte pas non plus la conclusion de la chambre de recours. En effet, c’est à juste titre que la chambre de recours a observé que la lettre majuscule « X » ne faisait que renforcer la nature descriptive du signe indiquant le fait que l’examen en 3D était réalisé aux rayons X.

 

Dépôt de marque communautaire et atteinte à la la renommée d’une marque communautaire antérieure

L’arrêt du 25 janvier 2012 du Tribunal,T‑332/10, Viaguara S.A., contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), se prononce sur l’atteinte à la renommée de la marque antérieure, un des motifs relatifs de refus de l’article 8 point 5 du règlement.

3 octobre 2005 : Viaguara S.A. dépose la demande de marque communautaire : VIAGUARA.

–        classe 32 : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 33 : « Boissons alcoolisées ; liqueurs ; eaux de vie ; vins ».

7 février 2007: Pfizer Inc., fait opposition pour tous les produits en invoquant la marque  communautaire verbale antérieure : VIAGRA

« Produits et substances pharmaceutiques et vétérinaires ».

L’opposition est fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement

30 juin 2009 : rejet de l’opposition par la division d’opposition

13 août 2009 : Pfizer dépose un recours auprès de l’OHMI.

20 mai 2010 : la première chambre de recours de l’OHMI annule la décision de la division d’opposition.

La déposante saisit alors le Tribunal.

  • Le Tribunal rappelle les trois conditions qui doivent être remplies cumulativement

– premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ;

– deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et,

– troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice.

  • Le Tribunal revient sur l’appréciation globale de ce lien spécifique entre les deux marques

L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public

  • Cette atteinte à la marque antérieure n’a pas à être effective et actuelle mais elle doit être prévisible

En effet, lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteinte découlera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire de sa marque, le titulaire de la marque antérieure ne saurait être obligé d’en attendre la réalisation effective pour pouvoir faire interdire ledit usage. Le titulaire de la marque antérieure doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur.

  • Au regard de quel public cette analyse de l’atteinte doit-elle être menée, celui de la marque déposée ou celui de la marque antérieure  ?

L’existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. En revanche, l’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

  • Sur la prétendue légitimation de la présence du mot « guara » dans la marque demandée

La chambre de recours a, ensuite, rappelé que, bien que le choix du suffixe « guara » par la requérante en l’espèce puisse être considéré légitime, en relation avec la plante guarana qui est un ingrédient de ses boissons, l’association de cet élément avec le préfixe « via » ne serait pas une coïncidence. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette appréciation ne saurait être interprétée dans le sens que la chambre de recours aurait admis que la marque demandée renvoie à la plante « guarana ». Il s’agit, au contraire, d’une indication que l’association du suffixe « guara » au préfixe « via » a pour effet de renvoyer à la marque antérieure.

66 S’agissant, en outre, de la nature des produits concernés, la chambre de recours a considéré, à bon droit, que les propriétés stimulantes et aphrodisiaques revendiquées à des fins commerciales par les boissons non alcooliques relevant de la classe 32 coïncidaient avec les indications thérapeutiques du produit de la marque antérieure ou, à tout le moins, avec l’image projetée par celle-ci.

67 Partant, même si ces produits ne sauraient procurer réellement le même bénéfice que le médicament pour le traitement de la dysfonction érectile couvert par la marque antérieure, ce qui importe est que le consommateur sera enclin à les acheter en pensant retrouver des qualités semblables, telles que l’augmentation de la libido, du fait du transfert des associations positives projetées par l’image de la marque antérieure.

Partant, même si ces produits ne sauraient procurer réellement le même bénéfice que le médicament pour le traitement de la dysfonction érectile couvert par la marque antérieure, ce qui importe est que le consommateur sera enclin à les acheter en pensant retrouver des qualités semblables, telles que l’augmentation de la libido, du fait du transfert des associations positives projetées par l’image de la marque antérieure.

Le recours est rejetée

Dépôt de marque communautaire, des questions de procédure à l’OHMI à propos du délai de 4 mois pour le recours contre la décision de la division d’opposition, le Tribunal et la Cour puis retour devant le Tribunal

L’arrêt du 19 janvier 2012, C‑53/11 P, de la CJUE illustre la sévérité des règles de procédure devant l’OHMI, mais aussi que tout n’est jamais totalement perdu.

2 janvier 2006 : dépôt de la demande de marque par Aurelio Muñoz Molina sur le signe verbal R10.

24 juillet 2006 : publication de la demande de marque.

1ère étape : l’opposition sur la base d’une marque non enregistrée mais la preuve de ce droit n’est pas apportée dans le délai

24 octobre 2006 : DL Sports & Marketing forme opposition sur la base d’une marque non enregistrée

28 novembre 2006 : la division d’opposition accorde à DL Sports & Marketing un délai de quatre mois, afin, notamment, de prouver l’existence et la validité du droit antérieur invoqué.

29 mars 2007 : DL Sports & Marketing demande une prorogation du délai, laquelle lui est accordée le 8 juin 2007, jusqu’au 9 août 2007.

24 octobre 2007 : la division d’opposition constate qu’aucun élément n’a été présenté à l’appui de l’opposition.

2ème étape : le changement d’opposant que l’OHMI ne reconnaît pas dans la procédure d’opposition

31 octobre 2007 : le conseil de Nike informe la division d’opposition que, par convention du 20 juin 2007, DL Sports & Marketing  a cédé à Nike la propriété de plusieurs marques et droits de propriété industrielle . Le conseil de Nike indique qu’il a reçu du nouveau titulaire du droit antérieur l’instruction de poursuivre la procédure d’opposition et demande, dès lors, à figurer dans cette procédure en qualité de représentant.

19 février 2008 : la division d’opposition rejette l’opposition au motif que DL Sports & Marketing n’avait pas étayé dans le délai imparti l’existence du droit antérieur.

28 mars 2008 : Nike forme un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 […], contre la décision de la division d’opposition.

1ère Chambre de recours de l’OHMI : rejet du recours comme irrecevable au motif que Nike n’a pas fourni la preuve de son statut de partie à la procédure d’opposition et, par conséquent, que cette société n’est pas habilitée à introduire un recours contre la décision de la division d’opposition.

3ème étape : le Tribunal annule la décision de l’OHMI

6 avril 2009 : Nike introduit un recours devant le Tribunal pour voir déclarer recevable son recours devant la première chambre de recours de l’OHMI.

24 novembre 2010 : le Tribunal annule la décision de l’OHMI, dont on avait parlé ici,  en suivant l’argumentation de Nike qui disait que la décision litigieuse avait été adoptée :

– d’une part, en violation de ses droits de la défense, dès lors que cette décision était fondée sur une interprétation de la convention de cession sur laquelle Nike n’a pas pu présenter d’observations et,

– d’autre part, en violation, notamment, de la règle 31, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95, en ce que Nike n’avait pas eu l’opportunité de corriger les irrégularités concernant la preuve du transfert du droit antérieur invoqué.

4ème étape : pourvoi de l’OHMI et la décision de la Cour

Deux approches sont possibles.

  • Ou bien le délai donné à l’opposant ne peut pas être prorogé

La règle 49, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2868/95, qui contient, notamment, des modalités d’application desdits articles 58 et 59, énonce des règles spécifiques afférentes à l’appréciation de la recevabilité du recours.

48      À cet égard, s’agissant du rejet du recours pour irrecevabilité et des modalités de régularisation en présence d’un éventuel motif d’irrecevabilité lié, notamment, au non-respect des conditions prévues aux mêmes articles, la règle 49 du règlement n° 2868/95 énonce, à son paragraphe 1, que, si le recours ne remplit pas les conditions prévues, notamment, à l’article 58 du règlement n° 40/94, la chambre de recours le rejette comme irrecevable, à moins qu’il n’ait été remédié à toutes les irrégularités constatées avant l’expiration du délai correspondant fixé à l’article 59 de ce règlement.

49      Or, ledit article 59 prévoit deux délais différents, ainsi qu’il est exposé au point 46 du présent arrêt. Afin de prévoir une possibilité réelle de remédier aux irrégularités visées à ladite règle 49, paragraphe 1, il convient de prendre en compte le délai de quatre mois à compter du jour de la notification de la décision attaquée.

50      Non seulement ledit paragraphe 1 ne prévoit pas, selon son libellé, la possibilité pour l’OHMI d’impartir un délai supplémentaire à celui qui intente le recours afin de remédier à une irrégularité liée à la preuve de la qualité pour agir, mais en outre le paragraphe 2 de cette même règle 49 exclut une telle possibilité.

51      En effet, ce dernier paragraphe dispose que, si la chambre de recours constate que le recours ne satisfait pas à d’autres dispositions du règlement n° 40/94 ou à d’autres dispositions des règles contenues dans le règlement n° 2868/95, et notamment à celles prévues à la règle 48, paragraphe 1, sous a) et b), de ce règlement, elle en informe le requérant et l’invite à remédier aux irrégularités constatées dans le délai qu’elle lui impartit. Si le recours n’est pas régularisé dans le délai fixé, la chambre de recours le rejette comme irrecevable.

52      Il résulte clairement de la référence à «d’autres dispositions», figurant à la règle 49, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, que la chambre de recours de l’OHMI ne peut accorder un délai supplémentaire dans le cas d’une irrégularité liée au non-respect des dispositions expressément mentionnées au paragraphe 1 de cette règle, notamment à l’article 58 du règlement n° 40/94.

  • Ou bien il existe un droit à être entendu ce qui nécessite qu’un délai soit accordé

53      Cette impossibilité d’accorder un délai supplémentaire ne met pas en échec le droit d’être entendu énoncé à l’article 73 du règlement n° 40/94 selon lequel les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. En effet, ce droit ne commande pas que, avant d’adopter sa position finale sur l’appréciation des éléments présentés par une partie, la chambre de recours de l’OHMI soit tenue d’offrir à cette dernière une nouvelle possibilité de s’exprimer à propos desdits éléments (voir, en ce sens, ordonnance du 4 mars 2010, Kaul/OHMI, C 193/09 P, points 58 et 66).

  • La solution

Il s’ensuit que, en l’occurrence, en faisant abstraction de l’applicabilité de la règle 49, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95 ainsi qu’en décidant que la première chambre de recours de l’OHMI aurait dû, par application de la règle 50, paragraphe 1, de ce règlement ainsi que, par analogie, de la règle 31, paragraphe 6, dudit règlement et des directives de l’OHMI relatives à la procédure d’opposition, dans leur point cité au point 17 du présent arrêt, mutatis mutandis, donner à Nike l’opportunité de présenter ses observations ou de produire des preuves supplémentaires de nature à démontrer le transfert du droit antérieur qu’elle avait invoqué pour justifier de sa qualité pour agir, le Tribunal a violé l’article 58 du règlement n° 40/94 ainsi que la règle 49, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2868/95.

…., il convient de constater que, en l’occurrence, l’application de la règle 49, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95, par la première chambre de recours de l’OHMI est en conformité avec la règle 50, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement selon laquelle les dispositions relatives aux procédures devant l’instance qui a rendu la décision attaquée sont applicables mutatis mutandis à la procédure de recours, sauf disposition contraire. En effet, la règle 49 du même règlement constitue précisément une telle disposition contraire dans la mesure où elle vise spécifiquement à réglementer les modalités de régularisation en présence d’un motif d’irrecevabilité lié à la justification du statut de partie devant la chambre de recours de l’OHMI lors de l’introduction du recours. De ce fait, elle exclut, à cet égard, l’application mutatis mutandis d’autres dispositions, telles que la règle 31, paragraphe 6, dudit règlement, relatives aux procédures devant l’instance qui a rendu la décision attaquée.

La Cour annule la décision du Tribunal.

Mais l’affaire est-elle terminée ? Non, car Nike avait avancé d’autres moyens que le Tribunal n’avait pas examinés, l’examen d’un seul l’avait conduit à cette annulation.

Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut renvoyer l’affaire devant celui-ci pour qu’il statue. En l’occurrence, il résulte de ce qui précède que l’arrêt attaqué doit être annulé en tant que, par celui-ci, le Tribunal, en violation de l’article 58 du règlement n° 40/94 et de la règle 49 du règlement n° 2868/95, a jugé que la première chambre de recours de l’OHMI, dans la décision litigieuse, a violé les règles 31, paragraphe 6, et 50, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95 en déclarant irrecevable le recours formé par Nike. Étant donné que le Tribunal n’a pas examiné le quatrième moyen présenté par Nike, portant sur une erreur d’appréciation de l’acte de cession du droit antérieur invoqué, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

5ème étape : une prochaine audience devant le Tribunal.

 

Notons cette curieuse situation :

Nike est hors délai pour justifier de sa titularité sur ce droit antérieur,

– Nike peut contester devant le Tribunal l’appréciation faite par l’OHMI de l’acte de cession par lequel elle a acquis ce droit antérieur.