Lors d’une procédure d’opposition à une demande de marque communautaire, l’OHMI, demande à l’opposant d’apporter des preuves de l’existence de son droit antérieur.
La nature de cette preuve et le délai dans lequel celle-ci est apportée sont de plus en plus strictement contrôlés.
L’arrêt du 3 octobre 2013 de la Cour de Justice illustre ce durcissement.
La Chambre de recours de l’OHMI rejette différents documents apportés par l’opposant, M. Bernhard Rintisch, à la demande de marque communautaire de la société Valfleuri Pâtes alimentaires SA.
Le 16 décembre 2011, le Tribunal rejette le recours de l’opposant.
- Les documents litigieux produits par l’opposant tels qu’ils sont décrits à l’arrêt du 3 octobre
14 En particulier, la chambre de recours a, d’une part, considéré que les certificats d’enregistrement transmis à l’OHMI le 16 janvier 2007 ne suffisaient pas à prouver que les marques antérieures étaient toujours en vigueur à la date à laquelle l’opposition a été formée. D’autre part, elle a estimé que l’absence de traduction des extraits du registre en ligne datés du 8 janvier 2007 constituait une justification suffisante en soi pour refuser de les prendre en considération.
15 Elle a également considéré que les documents joints le 23 octobre 2007 au mémoire exposant les motifs de son recours ne pouvaient être pris en compte dans la mesure où ils avaient été produits après le 26 juillet 2007, date d’expiration du délai imparti par l’OHMI.
- La Chambre de Recours disposait-elle d’un pouvoir discrétionnaire pour examiner ces pièces
22 L’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 dispose que l’OHMI peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.
23 Ainsi que l’a jugé la Cour, il découle du libellé de cette disposition que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation, en application des dispositions du règlement n° 40/94, et qu’il n’est nullement interdit à l’OHMI de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits ….
24 En précisant que ce dernier «peut», en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de telles preuves, ladite disposition investit en effet l’OHMI d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte.
25 Dans la mesure où le premier moyen avancé par le requérant concerne uniquement le pouvoir d’appréciation dont disposerait, selon lui, la chambre de recours de l’OHMI, il convient, afin de déterminer s’il existe une disposition contraire susceptible d’exclure un tel pouvoir, de se rapporter aux règles régissant la procédure de recours.
26 À cet égard, la règle 50, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement d’application prévoit que, sauf disposition contraire, les dispositions relatives aux procédures devant l’instance qui a rendu la décision attaquée sont applicables mutatis mutandis à la procédure de recours.
27 Le Tribunal a estimé, au point 37 de l’arrêt attaqué, qu’il découlait de cette disposition que la chambre de recours était tenue d’appliquer la règle 20, paragraphe 1, du règlement d’application et, de ce fait, de considérer que la présentation de preuves visant à établir l’existence, la validité et l’étendue de la protection de la marque antérieure au-delà de l’expiration du délai imparti à cet effet par l’OHMI entraîne le rejet de l’opposition, sans que la chambre de recours ait de pouvoir d’appréciation à cet égard.
28 Or, ce faisant, le Tribunal a retenu une interprétation erronée de la règle 50, paragraphe 1, du règlement d’application qui méconnaît la portée du troisième alinéa de cette disposition.
29 En effet, si le premier alinéa de ladite disposition instaure le principe selon lequel les dispositions relatives aux procédures devant l’instance qui a rendu la décision attaquée sont applicables mutatis mutandis à la procédure de recours, le troisième alinéa de la même disposition constitue une règle spéciale, dérogeant à ce principe. Cette règle spéciale est propre à la procédure de recours contre la décision de la division d’opposition et précise le régime, devant la chambre de recours, des faits et des preuves présentés après l’expiration des délais fixés ou précisés en première instance.
30 La règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement d’application doit donc être appliquée, sur ce point particulier de la procédure de recours contre la décision de la division d’opposition, en lieu et place des dispositions relatives à la procédure devant ladite division, au nombre desquelles figure la règle 20, paragraphe 1, du règlement d’application.
31 Il importe ici de souligner que cette règle spéciale a été introduite dans le règlement d’application lors de la modification de celui-ci par le règlement n° 1041/2005 qui, selon son considérant 7, vise notamment à clarifier les conséquences juridiques des irrégularités procédurales intervenues au cours des procédures d’opposition. Ce constat confirme que les conséquences attachées, devant la chambre de recours, au retard observé dans l’administration de la preuve devant la division d’opposition doivent être déterminées sur la base de ladite règle.
32 Or, aux termes de la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement d’application, lorsque le recours est dirigé contre une décision d’une division d’opposition, la chambre de recours limite l’examen du recours aux faits et aux preuves présentés dans les délais fixés ou précisés par la division d’opposition, à moins qu’elle ne considère que des faits et des preuves nouveaux ou supplémentaires doivent être pris en compte conformément à l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94.
33 Le règlement d’application prévoit donc, expressément, que la chambre de recours dispose, lors de l’examen d’un recours dirigé contre une décision d’une division d’opposition, du pouvoir d’appréciation découlant de la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement d’application et de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 à l’effet de décider s’il y a lieu ou non de prendre en compte des faits et des preuves nouveaux ou supplémentaires qui n’ont pas été présentés dans les délais fixés ou précisés par la division d’opposition.
34 Par conséquent, en jugeant, au point 42 de l’arrêt attaqué, que la règle 20, paragraphe 1, du règlement d’application constituait une disposition contraire s’opposant à la prise en compte, par la chambre de recours, des éléments présentés tardivement par le requérant devant l’OHMI, avec pour conséquence que cette chambre ne disposait d’aucune marge d’appréciation fondée sur l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 aux fins de la prise en compte de ces éléments, le Tribunal a entaché son arrêt d’une erreur de droit.
35 Pour autant, il convient de rappeler que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté
36 Or, il découle des considérations figurant au point 34 du présent arrêt que, en constatant, aux points 38 à 40 de la décision litigieuse, qu’il résultait de la règle 20, paragraphe 1, du règlement d’application qu’elle ne disposait pas d’un pouvoir d’appréciation à l’effet de décider s’il y a lieu ou non de prendre en compte des preuves présentées tardivement de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de la marque antérieure, la chambre de recours a commis une erreur de droit.
- La Chambre de recours avait donc un pouvoir d’appréciation pour retenir ou non des preuves produites tardivement.Mais la Chambre de recours a eu raison de ne pas tenir compte de ces documents
41 Or, pour motiver sa décision, la chambre de recours a notamment souligné que M. Rintisch disposait de la preuve du renouvellement des marques en cause depuis le 15 janvier 2007 et qu’il n’exposait pas la raison pour laquelle il avait retenu ce document jusqu’au mois d’octobre 2007.
42 Il ressort donc de la décision litigieuse que les circonstances qui entourent la production tardive des preuves de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection des marques en cause ne sont pas susceptibles de justifier le retard du requérant dans l’administration de la preuve qui lui incombe.
43 Le fait que M. Rintisch ait produit, avant l’expiration du délai imparti par la division d’opposition, des extraits du registre en ligne du Deutsches Patent- und Markenamt mentionnant le renouvellement des marques en cause dans une langue autre que la langue de procédure n’est pas de nature à remettre en cause cette analyse dans la mesure où il résulte de la règle 19, paragraphe 4, du règlement d’application que l’OHMI ne prend pas en compte des documents qui ne sont pas présentés ou qui ne sont pas traduits dans la langue de procédure, dans ce délai.
44 Il s’ensuit que la chambre de recours était fondée à refuser de prendre en compte les preuves présentées par M. Rintisch après l’expiration des délais impartis à cet effet par la division d’opposition, sans qu’il soit nécessaire qu’elle se prononce sur la pertinence éventuelle de ces preuves ou qu’elle détermine si le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive s’oppose à cette prise en compte.