La prohibition de la vente sur internet au regard des interdictions prévues à un contrat de distribution sélective est-elle licite ? C’est sur une question incidente à ce type de pratique que la Cour de Cassation s’est prononcée par son arrêt du 20 mars 2012. Plus exactement , ce sont les notions « d’utilisateur final » et de « lieu d’établissement autorisé » qui sont plus particulièrement en cause.
L’arrêt a été rendu au regard de l’article 4, du règlement (CE) n° 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité CE (devenu 101, paragraphe 3, du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées
Cet arrêt du 20 mars rappelle que : »l’exemption de l’interdiction de restreindre la concurrence ne s’applique pas aux accords qui ont pour objet la restriction des ventes actives ou des ventes passives aux utilisateurs finals par les membres d’un système de distribution sélective qui opèrent en tant que détaillants sur le marché, sans préjudice de la possibilité d’interdire à un membre du système d’opérer à partir d’un lieu d’établissement non autorisé »
Les faits sur lesquels la Cour d’appel s’était prononcée :
« la société Atrium santé, après avoir conclu avec la société Pierre Fabre dermo-cosmétique des contrats de distribution sélective pour différents produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, a procédé à la confection et à la distribution d’un catalogue de vente par correspondance de ces produits auprès de collectivités ; que la société Pierre Fabre dermo-cosmétique, après avoir vainement mis en demeure la société Atrium santé de cesser cette activité, lui a retiré son agrément et a suspendu ses livraisons ; que la société Atrium santé a assigné la société Pierre Fabre dermo-cosmétique en soutenant que les clauses contractuelles avaient été respectées et que la prohibition de ce type de vente était illicite »
L’analyse de la Cour d’appel soumise au contrôle de la Cour de cassation ;
Attendu que pour confirmer le jugement ayant déclaré bien fondé le retrait d’agrément et ordonné l’interdiction sous astreinte de la vente par catalogue des produits de la société Pierre Fabre dermo-cosmétique, l’arrêt relève que dans le système mis en place par la société Atrium santé, la commande est livrée globalement, l’ensemble des acheteurs étant servi au déballage et recevant en même temps que son lot individuel sa facture dont le paiement est collecté par le comité d’entreprise, et qu‘il est donc faux de dire qu’il y a vente individuelle dans le point de vente agréé, quand bien même les cartons collectifs seraient expédiés depuis ce dernier, ce qui n’est pas démontré ; qu’il relève également qu’il n’est pas non plus démontré que le client final, qui commande avec d’autres sur catalogue par le biais d’un comité d’entreprise ou d’un groupement d’achats, dispose réellement de la possibilité d’avoir facilement accès au conseil ; qu’il retient que la décision du Conseil de la concurrence, du 29 octobre 2008, enjoignant à la société Pierre Fabre dermo-cosmétique de supprimer dans ses contrats de distribution sélective les mentions équivalant à une interdiction de vente sur Internet n’est pas pertinente, cette position n’ayant pas encore été entérinée par la cour d’appel de Paris qui en est saisie, et le Conseil de la concurrence ayant lui-même conclu qu’ « on ne peut assimiler l’interdiction de vente d’un produit sur internet au sein d’un réseau sélectif agréé à une interdiction de vente par correspondance classique » ; qu’il retient encore que l’argument relatif au fait que le catalogue serait ‘couplé’ avec le site internet puisqu’à chaque page est mentionnée l’adresse ‘www.atrium-santé.fr’, n’est pas admissible ; qu’il retient enfin qu’ont été validés les réseaux de distribution dès lors que le fabricant ne dépasse pas le seuil de 30 % des parts du marché, et que l’accord de distribution ne comporte pas de clause dite noire, définition dans laquelle la clause d’interdiction de vente par correspondance n’est pas comprise ;
La cassation de l’arrêt de la Cour d’appel :
Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si les clauses litigieuses avaient pour objet de restreindre les ventes passives ou actives aux utilisateurs finals par les membres du système de distribution sélective, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;